Assassinat d'Olof Palme : 34 ans après, la Suède classe l'affaire avec un goût d'inachevé

Publié le 10 juin 2020 à 16h34, mis à jour le 11 juin 2020 à 9h08
Le procureur Krister Petersson en charge de l'affaire depuis 2017, annonçant l'arrêt de l'enquête le 10 juin 2020
Le procureur Krister Petersson en charge de l'affaire depuis 2017, annonçant l'arrêt de l'enquête le 10 juin 2020 - Source : STINA STJERNKVIST / TT NEWS AGENCY / AFP

HISTOIRE - La justice suédoise a clôturé mercredi l'enquête sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre Olof Palme, en 1986, à Stockholm, le principal suspect étant désormais décédé. Retour sur une affaire aussi trouble que marquante pour le royaume du Nord.

28 février 1986, aux alentours de 23h. Au coeur d'une nuit glacée, Olof Palme est froidement abattu de plusieurs balles par un inconnu dans une rue du centre-ville de Stockholm. Alors qu'il sort d'une séance de cinéma avec sa femme, le Premier ministre suédois perd soudainement la vie à l'âge de 59 ans. Le meurtrier, lui, prend la fuite. Cette tragédie marque profondément le pays qui perd "son innocence", et créé un choc important dans le monde entier. Personnalité politique charismatique et leader du parti social-démocrate, Olof Palme était devenu au fil des années un symbole d'une société suédoise aussi prospère qu'égalitaire. 

Depuis ? Une succession sans fin d'interrogatoires, de suspicions, de fausses pistes et autres retournements de situation. Trente-quatre années d'investigations auxquelles le procureur Krister Petersson a mis fin ce mercredi 10 juin en annonçant la clôture du dossier. Lors d'une conférence de presse, il s'est justifié en faisant valoir que le principal suspect, Stig Engström, était décédé en 2000 : "Je ne peux donc pas engager des poursuites ni même l'interroger, c'est pourquoi j'ai décidé de clore cette enquête."  

De témoin à suspect

Il faut dire que Stig Engström est déjà bien connu des Suédois comme des passionnés de l'affaire. Egalement connu comme l'"homme de Skandia", il avait déjà été mentionné dans les médias à plusieurs reprises, sans que sa culpabilité ne puisse être prouvée. Vigoureusement opposé aux idées progressistes de Palme, l'homme avait été rapidement interrogé en tant que témoin. Un témoin jugé peu fiable par la police, sa version changeant sans cesse, certaines contredisant même celles d'autres témoins... 

Artiste de profession, il était présent sur les lieux au moment du crime mais avait finalement été relâché malgré sa versatilité.  Quelques années plus tard, il a fini par se suicider. La décision prise par le procureur risque fort de faire perdurer encore longtemps les nombreuses théories entourant la mort d'Olof Palme.

Une enquête dans l'impasse

Ce drame a défrayé la chronique pendant de nombreuses années à cause de ses circonstances, du profil de la victime, mais aussi de l'incapacité des policiers et des juges à le dénouer. Le soir du meurtre, la scène de crime n'a pas été correctement "bouclée" par la police, entraînant la disparition ad vitam eternam de preuves potentielles. Une bévue qui a longtemps hanté les enquêteurs. 

En juillet 1989, après identification de la femme de la victime, Christer Pettersson est le premier à être reconnu coupable de l'assassinat. Mais quelques mois plus tard, il est finalement relaxé en appel pour manque de preuves. S'ensuit une enquête criminelle à dimension planétaire ; l'audition de plusieurs milliers de témoins, la rédaction de procès verbaux à ne plus savoir quoi en faire et même l'arrestation de nombreux suspects. Les fausses pistes se multiplient, les soupçons également : d'un commerçant voisin de la scène du crime à la guérilla kurde du PKK en passant par les service secrets sud-africains. Rien n'y fait, le mystère ne sera jamais véritablement résolu.

"C'est la première fois dans l’histoire, je crois, qu’un chef d’État est assassiné sans qu’on ait la moindre idée de l’identité de son assassin." Ces propos de l'écrivain suédois Stieg Larsson, auteur de la trilogie à succès Millenium et qui avait lui-même enquêté sur la mort d'Olof Palme, restent, aujourd'hui encore, particulièrement d'actualité.

Olof Palme, un leader charismatique

Portrait de Olof Palme quelques heures avant sa mort le 28 février 1986 à Stockholm.
Portrait de Olof Palme quelques heures avant sa mort le 28 février 1986 à Stockholm. - JOHN WAHLBARJ / SCANPIX SWEDEN / AFP

Il est impossible d'évoquer son assassinat sans évoquer plus avant le personnage emblématique qu'était Olof Palme. Né le 30 janvier 1927, il étudie aux Etats-Unis puis en Suède. Rejoignant les rangs du parti social-démocrate, il intègre rapidement l'équipe du Premier ministre de l'époque, Tage Erlander. Originaire de la haute bourgeoisie stockholmoise, il est élu au parlement dès 1956 puis siège tour à tour dans de nombreux ministères. Il engage notamment des réformes de l'éducation nationale importantes comme la généralisation des prêts pour étudiants. 

En 1969, il devient leader du Parti social-démocrate et est nommé Premier ministre, une fonction qu'il occupera une première fois pendant sept ans. Socialiste convaincu, l'homme aux yeux bleu-gris perçants, a jeté les bases de l'égalité des sexes en Suède. Il a aussi épousé de nombreux combats à commencer par ceux contre l'arme atomique, le colonialisme, la guerre du Vietnam et l'apartheid en Afrique du Sud, lui faisant acquérir une véritable stature internationale. S'il est remplacé comme chef du gouvernement en 1976, il recouvre sa fonction en 1982 et l'exerce toujours au moment de sa mort en 1986, à l'âge de 59 ans. Sa femme, survivante de la fusillade, s'est, elle, éteinte en 2018. Sans l'apparition de nouveaux éléments, la lumière ne sera donc jamais faite sur l'assassin de cet homme d'Etat charismatique. 


Maxence GEVIN

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