Quatre personnes, dont un Français, ont été tuées mardi soir dans une attaque aux abords de la synagogue de la Ghriba, sur l'île de Djerba, en Tunisie.Pourquoi ce lieu a-t-il encore été ciblé, 20 ans après un attentat-suicide ? Frédéric Encel, géopolitologue, nous éclaire.
La synagogue de la Ghriba (Tunisie) à nouveau touchée. Mardi 9 mai au soir, quatre personnes, dont deux fidèles qui participaient à un pèlerinage juif dans la synagogue située sur l'île de Djerba, ont été tués dans une attaque perpétrée par un gendarme qui a été abattu. D'après le ministère de l'Intérieur tunisien, l'auteur des tirs s'en est d'abord pris à un membre des forces de l'ordre, avant de s'emparer de ses munitions, puis s'est rendu aux abords de la synagogue où il a ouvert le feu.
Une attaque, dont a été victime un Français, qui survient alors que des centaines de fidèles participaient au pèlerinage juif annuel de la Ghriba, au cœur des traditions des quelque 1500 Tunisiens de confession juive sur le territoire, organisé chaque année au 33e jour de la Pâque juive. Que représente la synagogue pour eux ? Pourquoi ce lieu est-il à nouveau ciblé ? Qui peut être à l'origine de l'attaque ? Le géopolitologue Frédéric Encel répond à TF1info.
En quoi la synagogue de la Ghriba, la plus ancienne d'Afrique, est-elle symbolique ?
C'est avant tout un lieu de pèlerinage pour une toute petite minorité des Juifs dans le monde, essentiellement ceux qui sont d'origine tunisienne. Ils entretiennent un vrai traditionalisme avec la Tunisie, au sein de laquelle ont vécu leurs parents, leurs grands-parents, parfois leurs arrière-grands-parents... Mais il s'agit d'un collectif très modeste. D'autant que les pèlerinages en Tunisie n'ont pas de vocation symbolique sur le plan religieux. Il s'agit d'une présence physique annuelle illustrant une forme de sentimentalisme.
Le côté amplificateur du pèlerinage assure aux terroristes une publicité internationale
Frédéric Encel
Cette attaque fait écho à l'attentat-suicide au camion piégé qui avait fait 21 morts en 2002 au même endroit. Pourquoi ce lieu est-il encore visé ?
C'est un attentat ouvertement antisémite. Non seulement ce n'est pas la première fois que cette synagogue est frappée, mais on peut même dire que malheureusement, dans le monde arabe, y compris lorsque des États arabes ont reconnu Israël, il y a eu plusieurs dizaines de Juifs tués, soit lors de pèlerinages, soit lors de simples visites touristiques. Le terrorisme cherche systématiquement de la publicité. Naturellement, le côté amplificateur du pèlerinage vous assure une publicité internationale.
Y a-t-il une piste sur l'origine de l'attaque et ses raisons ?
Il est encore trop tôt pour le dire, mais une première hypothèse peut mener aux Frères musulmans. Si nous étions juste après le bombardement israélien du siège de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) en 1985, ce serait peut-être l'un des facteurs hypothétiquement explicatifs. Mais depuis de nombreuses années, il n'y a aucune interaction entre l'armée d'Israël et la Tunisie. Et il n'y a pas non plus de processus de reconnaissance d'Israël par la Tunisie, qui pourrait inciter les opposants, islamistes ou non, à tenter d'y mettre fin.
La détérioration de la situation politique en Tunisie, avec le président Saied qui s'est octroyé tous les pouvoirs et fait vaciller la démocratie, peut-elle jouer ?
Il y a effectivement un contexte intra-tunisien d'affaiblissement du régime. Mais j'émets une réserve : je ne vois pas très bien le rapport avec les Juifs. Je crois surtout que l'opportunité s'est trouvée pour un, ou plusieurs terroristes, de toucher des Juifs en nombre au cours de ce pèlerinage.
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