Attribuer automatiquement à un enfant le nom du père suivi de celui de la mère est "discriminatoire", estime la CEDH

Publié le 26 octobre 2021 à 16h25
Attribuer automatiquement à un enfant le nom du père suivi de celui de la mère est "discriminatoire", estime la CEDH
Source : AFP

PARITÉ - La Cour européenne des droits de l'homme a jugé ce mardi que la priorité donnée au nom de famille du père constituait une "différence de traitement" dont pâtissaient les femmes, et auquel il était difficile d'échapper dans la législation actuelle.

Attribuer d'office à un enfant le nom du père suivi de celui de la mère en cas de désaccord entre les parents, cette pratique ne devrait plus avoir cours, selon la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). L'institution a jugé ce mardi 26 octobre "discriminatoire" la priorité donnée au patronyme du géniteur, ajoutant qu'il était extrêmement difficile de la contourner : "l’impossibilité d’y déroger" est "excessivement rigide", épingle-t-elle.

La CEDH, qui siège à Strasbourg, est l'organe chargé d'apporter une réponse judiciaire aux violations de la Convention européenne des droits de l'homme, ratifiée par les 47 États membres du Conseil de l'Europe. Elle avait été saisie pour discrimination par une femme espagnole qui s'était séparée de son compagnon au cours de sa grossesse. 

À la naissance de son enfant, en 2005, la législation espagnole prévoyait qu’en cas de désaccord entre les parents, l’enfant porterait le nom de famille du père suivi par celui de la mère. Cette "différence de traitement" subie par la plaignante n'était pas justifiée et constituait donc une violation de la Convention, a répondu la CEDH.

L'Espagne condamnée à verser 10.000 euros

Si les juges européens ont estimé que cette pratique "peut se révéler nécessaire en pratique et n’est pas forcément en contradiction" avec la Convention européenne des droits de l'homme, ils l'ont jugée "discriminatoire envers les femmes"

L'Espagne a donc été condamnée à verser 10.000 euros à la plaignante pour "dommage moral". La CEDH a justifié sa décision par les circonstances particulières de la séparation du couple : l'enfant de la plaignante n'avait pas été reconnu immédiatement par son père et avait donc porté uniquement le nom de famille de sa mère "pendant plus d'un an", jusqu'à la reconnaissance de paternité.

Entre temps, la situation a évolué en Espagne où, depuis une loi datée de 2011 et en cas de désaccord des parents, il revient au juge chargé de l’état civil de décider de l’ordre d’attribution des noms de famille, en prenant comme critère principal "l'intérêt supérieur de l’enfant"

En France, un projet de décret avait été présenté en mai dernier au Garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti, pour que les nouveaux-nés puissent avoir automatiquement les noms de famille des deux parents accolés, sauf contre-ordre. Les enfants pourraient ainsi choisir à l'âge de 18 ans de garder les deux noms ou de n'en conserver qu'un seul. Une proposition portée par Patrick Vignal, député LREM de l'Hérault, avec le soutien du collectif "Porte mon nom". "Aujourd'hui, si vous voulez changer de nom, c'est entre un et six ans et cela vous coûte de l'argent", avait-il défendu sur Franceinfo

Dans l'Hexagone, quatre enfants sur cinq portent aujourd'hui le nom de leur père, note le site. La loi actuelle n'autorise le double nom qu'en cas d'accord entre le père et la mère. Le projet de décret prévoit au contraire qu'une simple démarche en mairie permette que l'enfant porte les deux noms, en cas de séparation des parents. 


La rédaction de TF1info (avec AFP)

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