Au Brésil, de vastes fêtes sont-elles organisées sans port du masque ni gestes barrières ?

Publié le 31 janvier 2021 à 18h26, mis à jour le 31 janvier 2021 à 18h32
Ces images ont été largement commentées et relayées.
Ces images ont été largement commentées et relayées. - Source : Capture écran Facebook

INSOUCIANCE - Des internautes français moquent les messages alarmistes au sujet du variant brésilien et diffusent des images censées prouver que le danger s'avère inexistant. Des interprétations trompeuses.

L'arrivée de nouveaux variants du virus est souvent présenté comme un facteur de risque supplémentaire, ceux-ci pouvant se révéler plus contagieux et/ou dangereux que le SARS-CoV-2 qui circule dans l'Hexagone. Des alertes qui font sourire certaines personnes sur les réseaux sociaux, et notamment sur Facebook ou la dangerosité du variant brésilien s'avère largement moquée. 

Une publication relayée plusieurs milliers de fois présente une vidéo, présentée comme ayant été tournée au Brésil le 25 janvier 2021. On y voit de jeunes gens attablés dans des bars, réunis en grand nombre et faisant la fête avec une apparente décontraction. L'auteur de ce message multiplie les commentaires ironiques : "Images terrifiantes du variant brésilien de la COVID19, c'est un tueur de masse", écrit-il. "Âmes sensibles d’abstenir !" Il en remet une couche : "c'est horrible, ce virus variant brésilien pousse les gens à se réunir... À faire la fête, horrible... Des images insoutenables..!!"

Des images tournées à Rio de Janeiro

Tout d'abord, dispose-t-on d'éléments qui permettent d'identifier le lieu où ont été tournées ces images ? Les internautes qui relaient ces séquences se contentent d'indiquer qu'elles montrent des scènes s'étant déroulées au Brésil. Ce qu'il est possible de prouver grâce à l'analyse de certains plans. On reconnaît par exemple le nom d'un magasin, "Uma", un indice nous permettant d'identifier l'endroit du tournage. En l'occurrence, le quartier de Leblon, à Rio de Janeiro. 

Sur YouTube, on retrouve cette séquence au sein d'une vidéo plus longue, mise en ligne le 17 janvier. Cela prouve donc que la scène n'a pas été tournée le 25, comme indiqué sur Facebook. En revanche, il est fort probable qu'elle date bien de janvier, les images sur YouTube étant décrites comme une présentation de la vie nocturne à Rio ce mois-ci. D'autres séquences montrent des scènes identiques dans une vidéo diffusée à l'origine en direct par exemple ; ce qui exclut toute possibilité qu'il s'agisse de séquences plus anciennes récemment mises en ligne. 

On note par ailleurs que la décontraction des habitants correspond parfaitement à celle évoquée le 31 décembre dernier par une journaliste de France Culture. Elle décrivait alors un Brésil "à l’heure des vacances d’été", à Rio notamment où "la fête bat son plein, malgré l’annulation du carnaval". Et évoquait les "inconscients"profitant sans se poser de questions d'une ville où "tout est ouvert : bars, restaurants, plages, monuments, musées". 

Un pays en crise, son président dans le déni

Ces images, qui apparaissent donc comme authentiques, sont présentées comme la preuve probante que le virus n'entrave pas la vie des habitants et qu'ainsi, les menaces liées au variant brésilien se révèlent largement exagérées. Une vision erronée, car le pays fait face à une crise sanitaire d'ampleur, le virus ayant déjà causé la mort de 223.945 personnes. Un institut australien basé à Sydney a réalisé l'évaluation d'une centaine de pays afin de chercher à déterminer lesquels avaient le mieux géré jusqu'à présent la crise du Covid. Le tout sur la base de six critères, parmi lesquels les cas confirmés de contaminations, les chiffres des décès ou encore les dispositifs de dépistage mis en place.

Covid-19 : les ravages du virus mutant dans la ville de Manaus au BrésilSource : JT 20h WE

Si la Nouvelle-Zélande se distingue parmi les exemples à suivre, le Brésil est décrit comme étant le pays où la gestion a été la moins efficace, devant les États-Unis. La politique menée par le président Bolsonaro est d'ailleurs décriée depuis de longs mois. Il est régulièrement vilipendé car il refuse de porter le masque en public, et a minimisé à de multiples reprises la dangerosité du virus, qualifié de "petite grippe". Les mesures sanitaires prises à des échelons locaux ont été édulcorées par le controversé dirigeant, en particulier en ce qui concerne les obligations du port du masque. Une attitude désinvolte ayant incité des milliers de Brésiliens à descendre dans les rues ces derniers jours

À Rio comme dans d'autres villes, des observateurs jugent logique le fait que la population respecte peu les gestes barrières, le chef de l'État ne daignant pas montrer lui-même l'exemple. Des scènes similaires à celles partagées ces derniers jours sur Facebook avaient déjà été diffusées sur les réseaux sociaux en juillet dernier, suscitant l'indignation d'une partie de la population. Les habitants sortaient alors de longues semaines de confinement, et en profitaient pour faire la fête et profiter de leurs retrouvailles. À l'époque déjà, l'irresponsabilité des fêtards et le manque de volonté politique affichée pour renforcer la sécurité avaient été pointés du doigt. 

En résumé, il est donc trompeur d'utiliser des images de fête au Brésil pour expliquer que la crise sanitaire et le variant qui touche le pays ne présentent aucun danger. La situation sanitaire y demeure critique, tout comme le bilan humain qui se révèle particulièrement lourd. Actuellement à la fin de leurs vacances d'été, les habitants profitent de l'ouverture des bars et des commerces pour se réunir, au détriment des recommandations sanitaires et des gestes barrières. Difficile pour autant de blâmer la population, alors même qu'au sommet de l'État, le président Bolsonaro est épinglé pour l'inconséquence de ses décisions et pour le mépris qu'il affiche à l'égard des consignes de prévention prônées par les médecins.

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Thomas DESZPOT

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