RESTRICTION - Les autorités australiennes ont annoncé mardi leur intention d'annuler les passeports de ses citoyens condamnés pour pédophilie. Objectif : les empêcher de sévir à nouveau à l’étranger. Une telle mesure serait-elle possible en France ? Éléments de réponse.
La mesure est présentée comme "une première mondiale". L'Australie a annoncé ce mardi son intention d'annuler les passeports de ses ressortissants condamnés pour pédophilie, et ce afin de les empêcher de sévir à nouveau dans des pays étrangers. Le texte doit être approuvé par le Parlement fédéral. "La nouvelle loi interdira aux pédophiles condamnés de quitter l'Australie ou d'avoir un passeport australien", a fait savoir la ministre des Affaires étrangères précisant que "rien que l'an dernier, près de 800 pédophiles enregistrés ont voyagé en dehors d'Australie".
La plupart, ajoute Julie Bishop, se sont souvent rendus dans des pays asiatiques pour s’adonner parfois à un sinistre tourisme sexuel. Certains ont d’ailleurs enfreint l'obligation qui leur est faite de signaler ces voyages à la police. Toujours selon la ministre, la moitié présentait un risque avéré de récidive. "Aucun pays n'a pris de mesures aussi fortes pour empêcher ses ressortissants de partir à l'étranger, souvent dans des pays exposés, pour violer des enfants", a abondé le ministre de la Justice du gouvernement de Malcolm Turnbull, Michael Keenan. Dans un pays lourdement marqué par les affaires de pédophilie ces dernières années, 20.000 passeports de personnes qui ont purgé leur peine mais sont toujours suivies par les services judiciaires pourraient être saisis.
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Une mesure possible en France, sous réserve de contrôle judiciaire
Inédite, la disposition - ou une équivalente - pourrait-elle s’appliquer en France ? Rien n'est moins sûr à première vue si l’on s’en réfère aux textes relatifs à l’interdiction de sortie de territoire actuellement en vigueur dans l’Hexagone, qui n’évoquent en rien les pédophiles. Et pour cause : comme l’indique Service-Public.fr, le site officiel de l’administration française, ces restrictions sans mise en examen ou post-condamnation avec confiscation de pièces d'identité ne concernent pour l’heure que les Français suspectés de projeter des déplacements à l’étranger pour des activités terroristes. L’article L224-1 du Code de la sécurité intérieure (créé par la loi antiterroriste de novembre 2014) en définit les modalités :
"Tout Français peut faire l'objet d'une interdiction de sortie du territoire lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'il projette : des déplacements à l'étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes ; ou des déplacements à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes, dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français." Rien de garanti cependant : en octobre 2016, le tribunal administratif de Paris avait en effet annulé l’interdiction de sortie de territoire (IST) imposée depuis un an à une femme convertie se revendiquant salafiste (voir la vidéo ci-dessous).
Sans que les papiers d'identité ne soient confisqués, il reste tout de même possible d’empêcher quelqu’un de sortir de limites territoriales déterminées (Article 138 du Code de procédure pénale). Mais seulement si la personne se trouve sous contrôle judiciaire. En France, toute mesure de restriction de liberté est ainsi placé sous l'autorité des magistrats. Une interdiction de sortie de territoire peut ainsi être ordonnée par un juge d'instruction ou un juge des libertés et de la détention. Service-Public.fr indique que ces mesures se terminent "à la fin du procès que la personne soit condamnée ou non", précisant toutefois qu’"en cas de condamnation à un sursis avec mise à l'épreuve, le tribunal peut maintenir les obligations issues du contrôle judiciaire". Un cas de figure envisageable pour des affaires de pédophilie.