VOLTE-FACE - Après trois jours de dénégations, l'Iran a fini par reconnaître samedi 11 janvier avoir abattu le Boeing 737 d'Ukrainian Airlines "par erreur", causant la mort de 176 civils. Téhéran, acculé sur sa ligne de défense, a avoué qu'un tir de missile était bien à l'origine du crash de l'appareil, thèse privilégiée par plusieurs pays.
L'Iran fait volte-face. Trois jours après le crash de l'avion d'Ukrainian Airlines, ayant fait 176 morts, le pays a reconnu ce samedi 11 janvier avoir abattu le Boeing 737 par "erreur. "L'enquête interne des forces armées a conclu que de manière regrettable des missiles lancés par erreur ont provoqué le crash de l'avion ukrainien et la mort de 176 innocents", a déclaré sur Twitter le président iranien Hassan Rohani, évoquant "une grande tragédie et une erreur impardonnable". Téhéran avait jusqu'alors nié la thèse, privilégiée par plusieurs pays, dont le Canada, selon laquelle le vol PS752 aurait été touché par un de leurs missiles.
"Nous avons des informations de sources multiples, notamment de nos alliés et de nos propres services", qui "indiquent que l'avion a été abattu par un missile sol-air iranien", avait affirmé dès jeudi le Premier ministre canadien Justin Trudeau. Son homologue britannique Boris Johnson avait lui aussi mis en avant cette possibilité. Plus allusif, le président américain Donald Trump avait de son côté émis ses "doutes" sur la thèse du problème mécanique, initialement évoquée par l'armée iranienne. "J'ai le sentiment que quelque chose de terrible s'est passé", avait-il indiqué, laissant entendre qu'il soupçonnait déjà une possible "erreur".
Un signal radar capté par les renseignements occidentaux
Une "erreur" sur laquelle les services de renseignements américains semblent être bien informés. Selon des sources anonymes, contactées par la chaîne américaine CBS News, ils ont capté le signal d'un radar iranien localisant l'appareil ukrainien puis, quelques secondes plus tard, deux missiles à courte portée, tirés depuis le sol et s'approchant de l'avion. Les services américains auraient aussi interceptés une communication entre Iraniens, confirmant que des missiles ont fait s'écraser le vol PS752.
Des vidéos filmées juste avant le crash
Ce revirement total de Téhéran, alors que l'Organisation de l'aviation civile iranienne prétendait encore vendredi "qu'une chose (était) sûre, cet avion n'a pas été touché par un missile", est le résultat d'une ligne de défense devenue intenable au fil des investigations. Au moins deux vidéos ont été tournées juste avant le crash du Boeing 737 et relayées massivement sur les réseaux sociaux. La première permet de distinguer une traînée lumineuse, l'appareil d'Ukrainian Airlines, se rapprocher à grande vitesse du sol avant de s'écraser et de provoquer une explosion. L'autre séquence montre le moment où l'avion est touché par ce qui semble être un missile. Quelques secondes après l'impact, le bruit d'une détonation se fait entendre.
L'AFP, le New York Times et Bellingcat, un site internet spécialisé dans la collecte et l'analyse d'informations disponibles en ligne, ont disséqué les deux séquences pour vérifier leur authenticité. Les examens minutieux menés, de l'étude de l'angle de vue à l'analyse du son, ont permis d'attester de leur véracité.
Des fragments de missile retrouvés
Outre les vidéos, une photo, postée sur les réseaux sociaux, semble montrer les débris d'un missile, le Tor-M1. Le cliché, dont les journalistes Bellingcat n'ont pu établir l'exactitude, aurait été pris à proximité du site du crash. Ce système sol-air de conception russe, un SA-15 Gauntlet dans la codification de l'Otan, est conçu pour lutter contre les avions volant à basse altitude, les hélicoptères et les drones. Téhéran a fait l'acquisition auprès de Moscou 29 systèmes Tor-M1 dans les années 2000.
این یک قطعه پیدا شده در محل سقوط هواپیمای مسافربری اوکراینی است که جلوی خونه یکی از ساکنان محل افتاده. هواپیما چیزی شبیه این داره؟ سر موشک نیست؟ pic.twitter.com/4H0ZeUgMNl — Ashkan Monfared (@AshkanMonfared_) January 8, 2020
Pourquoi l'avion n'a-t-il pas explosé ?
Le fait que le Boeing d'Ukrainian Airlines n'ait pas explosé n'est pas contradictoire avec un tir de missile. À cette altitude, l"appareil n'est pas encore pressurisé, il peut y avoir des trous dans la carlingue sans qu'il explose. Ce qui provoque l'explosion, c'est la pressurisation", a indiqué à l'AFP un expert français en missiles. "Quand il détecte être à proximité d'une masse métallique, le missile déclenche l'explosion qui part perpendiculairement au missile", a-t-il ajouté, en rappelant que la charge contenue dans l'engin, d'une dizaine de kilos, est constituée "pour partie d'explosif et le reste de mitraille". Cette thèse se confirme au regard des premières photos du fuselage de l'appareil grêlé à plusieurs endroits de fragments d'acier.
Ce qui reste de l'avion ukranien qui s'est écrasé cette nuit à Téhéran en Iran avec 180 morts. On voit clairement le criblage de la carlingue par un missile antiaérien (les trous que provoque un missile de ce type). Les rumeurs persistants parlent de tir accidentel des Iraniens. pic.twitter.com/rVev2qV1uD — Restitutor Orientis (@RestitutorOrien) January 8, 2020
La vérité des boites noires
Face aux preuves balayant sa ligne de défense, l'Iran a été poussé à faire machine arrière. Alors que Téhéran refusait encore jeudi de livrer aux experts étrangers les boites noires, les autorités locales ont revu leur position vendredi. "Notre équipe a obtenu l'accès aux boîtes noires" et aux débris de l'avion, a déclaré le ministre ukrainien des Affaires étrangères Vadym Prystaïko. "Toutes ces informations sont en train d'être analysées". L'extraction des enregistrements audio et des données de vol, nécessitant un à deux mois, auraient fini par démontrer qu'un tir de missile iranien était bien à l'origine du crash.
Dans une position délicate, et sous une pression internationale croissante en pleine passe d'arme avec les Etats-Unis, le pouvoir iranien n'avait d'autre choix que ce mea-culpa. Sur plan intérieur également, le pays est confronté à un regain de contestation. Nier l'évidence - alors qu'il s'agit de la pire catastrophe aérienne civile de son histoire et que de nombreuses victimes sont iraniennes - aurait, là aussi, été intenable.
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