GOODBYE ENGLAND - Le Royaume-Uni dit adieu à l'Union européenne vendredi soir, le Brexit devenant (enfin) réalité. Une nouvelle ère s'ouvre pour le pays, qui a désormais les mains libres pour renégocier ses relations économiques avec ses partenaires. Boris Johnson en sortira-t-il gagnant ?
"Reprendre le contrôle de notre politique commerciale." Voici l'une des promesses que les partisans du "Leave" avaient scellées en 2016, quand le Royaume-Uni s'était engagé dans la voie du Brexit. Qu'en est-il trois ans et demi plus tard, alors que le pays s'apprête à couper les amarres avec l'UE ? A Londres, l'ambition reste intacte et Boris Johnson veut redevenir un champion du libre-échange. Problème : le calendrier de "Bojo" est serré. Et la tâche immense.
Après leur départ, les Britanniques entrent en effet jusqu'au 31 décembre dans une période de transition, pendant laquelle ils continueront d'appliquer les règles européennes. C'est dans ce laps de temps que devra être négociée la nouvelle relation entre les deux anciens alliés devenus simples voisins. Les enjeux sont énormes : avec le Brexit, le Royaume-Uni sort du marché unique européen et de l'Union douanière. Or l'UE pèse près de la moitié du commerce extérieur britannique, y étant essentielle à des secteurs comme l'automobile, l'alimentaire ou la pharmacie.
"C'est mission impossible"
Pour faire face à ce défi, le gouvernement britannique a musclé ses équipes. Mais cela suffira-t-il pour trouver un terrain d'entente en l'espace de quelques mois ? "C'est mission impossible", a résumé un diplomate européen. Un constat que partage auprès de LCI Emmanuelle Saulnier-Cassia, professeure de droit public et spécialiste du Brexit : "Au regard des précédents accords commerciaux négociés par l'UE, cela ne s'est jamais vu. Un véritable accord commercial n'a jamais été mené en neuf mois ! Pour plusieurs raisons : des accords commerciaux, en particulier ceux dit de "nouvelle génération" - qui englobent le commerce mais aussi les services, les marchés publics…. –, nécessitent plusieurs années. Il faut en moyenne cinq à sept ans pour négocier puis ratifier."
Du côté de Londres, on croit dur comme fer à la possibilité de prendre le dessus sur Bruxelles. Car Boris Johnson le sait : les capitales européennes ont des priorités différentes. Les pays de l'est de l'Europe accordent ainsi une grande importance aux biens industriels, alors que d'autres, comme le Luxembourg, sont attachés aux services financiers. La France, le Danemark, l'Irlande, la Belgique et les Pays-Bas tiennent, eux, à garder leur accès aux eaux britanniques pour la pêche, un sujet hautement symbolique qui sera scruté par les autres pays, inquiets des concessions qui pourraient être faites à Londres...
Un Singapour sur Tamise ? "C'est le vrai risque pour l'Union européenne !"
Catherine Mathieu, économiste à l'OFCE
Mais en cas d'échec des négociations, Boris Johnson pourrait durcir le ton. "Le risque, c'est qu'il se tourne vers un modèle beaucoup plus libéral, résumé par la formule "Singapour sur Tamise", qui reviendrait à dérégler encore davantage l'économie britannique et les Anglais n'hésiteront pas à le faire, et Londres deviendra une capitale financière encore plus importante", explique Catherine Mathieu, économiste à l'OFCE. "Et c'est le vrai risque pour l'Union européenne", estime-t-elle.
"Le Royaume-Uni pèse beaucoup moins qu'au sein de l'UE"
Mais déjà, Londres regarde au-delà du continent, et notamment vers les Etats-Unis, qui comptent aujourd'hui pour moins de 12% de son commerce extérieur. Le chef de la diplomatie américaine a déjà commencé à faire les yeux doux à son futur partenaire : "Nous voulons faire passer le Royaume-Uni en tête de liste". Donald Trump lui a aussi fait miroiter un accord commercial bilatéral "magnifique". Une promesse à prendre toutefois avec des pincettes, estime Emmanuel Saulnier-Cassia : "Le Royaume-Uni étant désormais seul, il pèse beaucoup moins qu'au sein de l'UE. Et en dépit des promesses de Donald Trump, il n'est pas certain qu'un accueil les bras ouverts lui soit réservé." Surtout que les points de divergence entre les deux pays ne manquent pas, que ce soit le projet de taxe sur les géants du numérique ou le dossier nucléaire iranien.
Autre atout dont dispose Boris Johnson : les nouveaux partenaires qui se présentent à sa porte. Londres va en effet engager des discussions avec des pays africains, continent où l'ex-puissance coloniale veut se faire à nouveau entendre. Des négociations où "Bojo" arrive en position de force, lui qui jouit d'une confiance retrouvée au Royaume-Uni depuis sa victoire aux élections législatives de la mi-décembre. Le 24 janvier, la première estimation des indices PMI, qui mesurent la croissance de l'activité, a par ailleurs fait état d'un rebond à un niveau plus vu depuis septembre 2018, et ce après cinq mois de recul. Autre signe d'embellie post-électorale: les prix de l'immobilier dans la capitale, en plein marasme depuis des mois, ont fortement rebondi en janvier, d'après le site d'annonces Rightmove. De quoi donner des ailes à Boris Johnson, qui s'exprimait mercredi sur Twitter : "Le Brexit est un moment extraordinaire pour notre pays, un moment d'espoir et d'opportunité".
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