Irlande du Nord : quel est ce protocole qui sème la discorde entre le Royaume-Uni et l’Union européenne ?

Annick Berger avec AFP
Publié le 17 mai 2022 à 21h34

Source : Sujet TF1 Info

Le gouvernement britannique a menacé, mardi, de légiférer pour revenir unilatéralement sur le protocole post-Brexit concernant l’Irlande du Nord.
Le texte est censé résoudre l’épineuse question de la seule frontière terrestre entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
Une décision vivement dénoncée par l’Irlande et l’UE.

C’est une des questions les plus épineuses de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Le gouvernement britannique a menacé, mardi, de légiférer "dans les semaines à venir" pour revenir unilatéralement sur l’accord encadrant le statut post-Brexit de l’Irlande du Nord. Le texte, qui doit résoudre la difficile question de la seule frontière terrestre entre le Royaume-Uni et l’UE, est à l’origine d’une paralysie politique dans la province. 

Qu’est-ce que le protocole nord-irlandais ?

Le protocole a été négocié entre 2019 et 2020 entre Londres et Bruxelles dans le cadre du Brexit. Il concerne la délicate situation de l’Irlande du Nord, qui fait partie du Royaume-Uni et n’est donc plus membre de l’UE, et qui détient une frontière avec la République d’Irlande, membre de l’UE. Le texte a été conçu pour répondre à un double objectif : protéger l’intégrité du marché unique européen et éviter la mise en place d’une frontière physique entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande, ce qui pourrait fragiliser la paix conclue en 1998.

La province britannique a été meurtrie par trois décennies sanglantes connues sous le nom de "Troubles" opposant les unionistes, principalement protestants et attachés au maintien de l’Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni, et les Républicains, essentiellement catholiques et en faveur d’une réunification des deux Irlande.

Que prévoit-il ?

Le texte, soutenu par les nationalistes et dénoncé par les unionistes, prévoit que les contrôles sur les marchandises en provenance de Grande-Bretagne s’effectuent à leur arrivée en Irlande du Nord. De fait, il maintient la province britannique dans le marché commun et l’union douanière de l’UE en évitant d’effectuer ces formalités au niveau de la frontière entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord.  

Pourquoi pose-t-il problème ?

Le protocole, entré en vigueur le 1er janvier 2021, est accusé d’être la cause de difficultés d’approvisionnement en Irlande du Nord, en créant notamment une frontière douanière de fait en mer d’Irlande. En témoignent les contrôles qui perturbent les échanges commerciaux entre la province et le reste du Royaume-Uni. Des difficultés qui pourraient s’aggraver puisque pour le moment, le texte n’a jamais été totalement mis en œuvre, en raison de l’instauration de périodes de grâce sur les contrôles de certains produits comme la viande non surgelée ou les médicaments.

Mais ces affirmations ont été tempérées par plusieurs études ayant récemment mis en évidence que l’économie nord-irlandaise a plus rapidement rebondi que celle d’autres régions du Royaume-Uni après la pandémie de Covid-19. Entre autres car le texte permet à la province de commercer directement avec l’UE. 

Les Britanniques considèrent également que le protocole représente une menace pour l’accord de paix du Vendredi saint, alors que des violences ont de nouveau touché l’Irlande du Nord, à Belfast en avril 2021, avec 88 blessés dans les rangs des policiers. Ou encore en 2020 avec la mort de la journaliste Lyra McKee, tuée par balle lors d'affrontements à Londonderry. Les unionistes estiment ainsi que le texte est une menace pour la place de la province dans le Royaume-Uni et craignent qu’il ne pousse à une unification des deux Irlande. 

Une inquiétude d’autant plus vive que les élections locales du 5 mai ont été remportées, pour la première fois de l’Histoire, par le parti républicain Sinn Fein, favorable à la réunification. Les unionistes refusent ainsi de participer à l’exécutif tant que ce protocole n’est pas aboli, bloquant le fonctionnement de l’Assemblée d’Irlande du Nord et plongeant la province dans une crise politique majeure.

Quelles réactions ?

Des débats qui font de ce protocole un véritable casse-tête dans les négociations entre Bruxelles et Londres. Le gouvernement britannique a ainsi affirmé que, sans le soutien des unionistes, le texte ne pouvait être validé. Il reproche par ailleurs aux Européens de refuser de renégocier le protocole et de manquer de flexibilité. Des accusations rejetées par Bruxelles, qui assure faire preuve de souplesse et être toujours ouverte aux discussions quant à l’application de ce traité signé par les deux parties.

Face aux menaces de Londres, l’Union européenne est montée au créneau ce mardi, prévenant que des modifications unilatérales "contredisant un accord international" ne seraient "pas acceptables" et qu’elle y répondra "avec tous les moyens à sa disposition". Le vice-président de la Commission européenne, Maros Sefcovic a également estimé que l’annonce du gouvernement britannique "soulève des inquiétudes importantes" alors que l’Union estime que ce protocole est la seule alternative viable à une frontière physique. 

De son côté, le chef de la diplomatie irlandaise, Simon Covenay, a exprimé ses profonds regrets à la suite de l’annonce de Londres. "De telles actions unilatérales par rapport à un accord international contraignant abîment la confiance", a-t-il déploré, soulignant qu'elles "ne serviront qu'à rendre plus difficile de trouver des solutions aux préoccupations réelles" des habitants de la province.


Annick Berger avec AFP

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