INTERVIEW - Carlos Ghosn a fui le Japon pour se réfugier au Liban. Quatre jours après son arrivée et suite à la publication dans les médias d'une photo de son réveillon du nouvel an, l'ex-PDG de Renault-Nissan se fait extrêmement discret. Benoit Christal, grand reporter à TF1 et LCI, nous en dit plus sur l'ambiance à Beyrouth.
C'est l'actualité de ce début d'année 2020 : Carlos Ghosn, l'ex-PDG de Renault-Nissan emprisonné au Japon depuis plus d'un an pour des suspicions de fraudes, a fui le pays pour se réfugier au Liban. S'il n'y est pas né, l'homme d'affaire a vécu au Liban de 6 ans à 17 ans et affectionne particulièrement le pays, où il a fait plusieurs investissements financiers, notamment dans le secteur immobilier. Les Libanais, et particulièrement l'élite politique, le lui rendent bien : dans le quartier où il a grandit, son retour est célébré. Carlos Ghosn a ainsi fêté le réveillon du 31 décembre entre amis, accompagné de sa femme. Si une photo de cette soirée a filtré, les informations sur le programme de l'ex-patron désormais libre ont elles, bien du mal à circuler.
Benoit Christal, grand reporter à TF1/LCI et envoyé spécial au Liban, nous en dit plus sur l'ambiance à Beyrouth, quatre jours après l'arrivée de Carlos Ghosn.
LCI : Quelle est l’histoire derrière la photo de son “réveillon” ?
Benoit Christal : J’avais rendez-vous avec un proche du deuxième cercle de la famille Ghosn, un ami à eux qui n’était pas au dîner mais l’avait reçue. Puisqu’il la voyait circuler sur des groupes Whatsapp incluant des personnes de cercles de connaissances encore plus élargis, il croyait à ce moment là qu’elle était “autorisée”, validée par l’entourage de Carlos Ghosn, qu’il n’y avait rien à dissimuler. Il me l’a transférée sans penser à mal, ce n’est pas une acquisition rémunérée. Je pense que la famille Ghosn a un peu été prise au piège des réseaux sociaux. Sauf que la maîtresse de maison chez qui s’est déroulé la soirée, un dîner à six entre amis [et sans les enfants de Carlos Ghosn comme cela a pu être dit] n’a pas du tout apprécié.
LCI : Sait-on quel a été l'itinéraire de Carlos Ghosn depuis son arrivée ?
Benoit Christal : On sait que le premier jour de son arrivée au Liban, il était chez les parents de son épouse. Le lendemain s’est déroulée cette fameuse soirée chez une amie de sa femme, dans une villa à proximité. Puis on ne sait pas vraiment. Il y a beaucoup de rumeurs, on ne sait pas ce qui est fiable et ce qui est dit dans le seul but de leurrer les journalistes. Certains disent que depuis, il n’a pas quitté ce petit quartier de Beyrouth, qu’il vit reclus dans la villa de Nissan, d’autres disent qu’il est ailleurs dans Beyrouth. Ce qui est sûr, c’est qu’il ne veut pas être vu et qu’il a tout un cercle d’amis qui font barrière de protection autour de lui.
LCI : Les Libanais sont-ils unanimes le concernant ?
Benoit Christal : Pas du tout, les avis divergent, cela dépend où on se trouve ! Il y a un prisme communautaire, même si cela n’explique pas tout. Plus on s’approche du quartier chrétien où il a grandit, plus il est populaire. Les gens disent que c’est un grand homme, qu’il a sauvé Nissan, que l’entreprise est en difficulté depuis son arrestation. Il est respecté en tant qu’homme d’affaires, et certains l’imaginent déjà avoir un rôle politique. Mais dès qu’on s’éloigne pour aller dans les quartiers, plutôt chiites, où se déroulent la contestation sociale depuis plusieurs mois, c’est entièrement l’inverse. Les jeunes qui manifestent l’insultent, disent qu’il est ultra-libéral, privilégié et aussi corrompu que la classe politique dont ils ne veulent plus.
LCI : La contestation actuelle et le fort rejet de la corruption pourraient-ils l’empêcher de se réinstaller au Liban ?
Benoit Christal : Non, ce n’est pas juste un homme d’affaires en fuite, il a un soutien indéfectible des puissants et une grande influence au Liban. Une rumeur persistante dit qu’il a rencontré le Président, plusieurs sources le confirment mais le gouvernement a publié un démenti. Certains politiques comprennent qu’il peut être délicat de s’afficher avec lui, mais même si les événements actuels les poussent à être discrets, il est très bien entouré. Il est notamment actionnaire à 13% d’une banque Libanaise et est en affaire avec un ancien ministre de l’Économie, un proche du président, etc.
LCI : Carlos Ghosn a promis une conférence de presse pour la semaine prochaine, quelle est l'ambiance sur le terrain en attendant ?
Benoit Christal : Depuis l’annonce de la conférence de presse, l'ambiance a changé, ses amis et connaissances sont beaucoup moins bavards, ils ne veulent plus donner d’informations d’ici là. La pression est très forte sur la famille de son épouse, on soupçonne ses beaux-frères d’avoir organisé son évasion. Il y a aussi une grande tension du côté des médias. Tout se passe dans un tout petit quartier, les voisins sont surpris de se retrouver complètement envahis par les journalistes japonais. Ces derniers craignent particulièrement de ne pas pouvoir accéder à la conférence de presse, les enjeux sont énormes et la semaine va être longue.
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