LA GRANDE ÉVASION - En décembre 2019, l'ancien patron de Renault-Nissan-Mitsubishi Motors parvenait à quitter le Japon, où il attendait d'être jugé pour des soupçons de malversations financières. Retour sur une affaire hors-norme, alors que Carlos Ghosn et son épouse seront les invités de LCI ce mercredi.
Une évasion rocambolesque, digne des meilleures productions hollywoodiennes. Il y a un peu plus d'un an, Carlos Ghosn et son épouse parvenaient à quitter le Japon, direction le Liban. En coulisses, se trouvaient plusieurs personnages, dont un Américain et son fils ayant été extradés ce mardi 2 mars des États-Unis direction le Japon. Retour sur une escapade hors norme.
Le 19 novembre 2018, Carlos Ghosn, bâtisseur de la plus vaste alliance automobile au monde, est arrêté à son atterrissage à Tokyo. Ce jour-là, ce polyglotte devenu patron de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi Motors tombait de son piédestal, accusé de dissimulations de revenus aux autorités boursières. Au fil des semaines, il est déchu de tous ses titres chez les trois constructeurs. Il restera au total 130 jours en prison avant d'être libéré sous caution. Comment le Franco-libano-brésilien de 66 ans a-t-il tranquillement quitté Tokyo ? En train, direction Osaka (ouest du pays) avec deux complices, Michael Taylor et George-Antoine Zayek. Les deux agents vont le dissimuler dans un caisson avant de prendre un jet privé...
Michael Taylor, l'ex béret vert devenu maître de l'évasion
Si Carlos Ghosn a pu quitter le sol japonais, c'est grâce à un homme : Michael Taylor. Âgé de 59 ans, fils de militaire, cet Américain s'est forgé une solide réputation de spécialiste des missions délicates, que ce soit dans l'armée ou, après son retour à la vie civile, dans ses activités de sécurité privée. Selon le Boston Globe, qui avait publié en janvier une enquête très fouillée, il avait notamment été formé, dans les forces spéciales, à déposer une bombe atomique en territoire est-allemand pour arrêter la progression d'une éventuelle invasion soviétique, en pleine Guerre froide. Il a ensuite été déployé au Liban, pays d'origine de Carlos Ghosn, en 1982, alors que la situation y était explosive, toujours avec les forces spéciales américaines.
En 1983, il bascule dans le privé et fonde sa société avec laquelle il réalise de nombreuses missions pour le compte de clients particuliers. Des missions un peu spéciales : en 1988, il est notamment recruté pour infiltrer un réseau criminel libanais dont les activités s'étendent jusqu'aux États-Unis. En 2010, il est visé dans le cadre d'une enquête des autorités américaines sur des accusations de fraude dans l'attribution de contrats par le ministère américain de la Défense. Confondu, il sera condamné, en 2015, à deux ans de prison et l'agent à dix ans. Selon ses avocats, interrogés par le Boston Globe, cette condamnation a quasiment mis fin à la carrière de Michael Taylor dans la sécurité privée… avant qu'il ne se signale de nouveau dans l'affaire Ghosn.
Une affaire menée avec son fils Peter, 27 ans. Les deux hommes ont été extradés ce mardi 2 février 2021, direction le Japon. Ils avaient été arrêtés en mai 2020 aux États-Unis. Ils étaient ensuite restés détenus, car considérés comme présentant un "grand risque de fuite". Les autorités nippones recherchent toujours le troisième complice présumé d'origine libanaise, George-Antoine Zayek.
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Pour évacuer Carlos Ghosn du Japon, Michael Taylor et de George-Antoine Zayek, ont eu recours à deux jets privés. Un premier utilisé pour rejoindre Istanbul, le second en direction de Beyrouth. La compagnie turque MNG Jet, qui a porté plainte, a précisé que deux jets privés avaient été loués, réfutant toute responsabilité. Pour autant, trois employés ont été visés par la justice : un haut responsable de la compagnie, Okan Kösemen, et deux pilotes. Fin février, ils ont été condamnés à quatre ans et deux mois de prison pour "trafic de migrants". Okan Kosemen, lui, aurait reçu selon les autorités turques plusieurs virements pour un montant total supérieur à 250.000 euros dans les mois ayant précédé la fuite de Carlos Ghosn.
Noyan Pasin et Bahri Kutlu Somek sont les pilotes qui étaient aux commandes de l'avion qui a effectué la liaison entre Osaka et Istanbul. "Dans quel monde demande-t-on aux pilotes de vérifier ce qu'il y a dans les bagages ? (...) On nous a demandé de piloter et c'est ce que nous avons fait", s'était défendu Noyan Pasin durant le procès.