Une intrigante série de cas d'hépatites aiguës chez les enfants touche actuellement l'Europe, Israël et les États-Unis.Près de 170 malades sont à déplorer pour l'instant.Les enquêtes se poursuivent pour connaitre l'origine de ce phénomène, que les scientifiques sont incapables d'expliquer pour l'heure.
Royaume-Uni, Espagne, Danemark, Irlande, Italie, Pays-Bas... La liste des pays touchés par des mystérieux cas d'hépatites infantiles aiguës ne cesse de s'allonger. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de 150 malades dans une dizaine de pays, essentiellement en Europe, sont pour l'instant à dénombrer. Hors d'Europe, Israël (12 cas) et les Etats-Unis (au moins 9 cas) allongent la liste. Avec deux cas identifiés sur son sol, la France n'est pas épargnée.
Le début d'une trainée de poudre ? L'origine de ces inflammations sévères du foie reste à déterminer, et l'apparition d'une nouvelle épidémie met en alerte la communauté scientifique. Cette "hausse croissante du nombre d'enfants atteints d'une soudaine hépatite est inhabituelle et inquiétante", a indiqué au Science Media Center britannique Zania Stamataki, du centre de recherche sur le foie et l'appareil gastro-intestinal de l'université de Birmingham.
Les jeunes enfants, principalement touchés
Les enfants affectés étaient âgés d'un mois à 16 ans, mais la plupart avaient moins de 10 ans, et beaucoup moins de 5 ans. Alors qu'aucun ne présentait de comorbidités, un patient est décédé, et 17 transplantations rénales ont dû être effectuées.
Pour l'instant, une cause infectieuse semble considérée comme la plus probable, mais aucun lien commun avec une alimentation contaminée ou un toxique n'a été identifié. " Les investigations se poursuivent dans tous les pays rapportant des cas. Actuellement, la cause exacte de l'hépatite reste inconnue ", selon le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).
Les professionnels de santé portent certes une attention toute particulière à ces cas inexpliqués, mais tentent aussi de temporiser et d'étouffer un éventuel vent de panique. "Il faut toujours prendre les choses au sérieux" et "surveiller de près", mais "pas non plus tomber dans la psychose" car "on ne sait même pas d'où ça vient", a déclaré Yazdan Yazdanpanah, chef du service des maladies infectieuses de l'hôpital Bichat à Paris et membre du Conseil scientifique français, dans une récente interview à l'Express.
En quoi ce phénomène est inhabituel
Une hépatite est une inflammation du foie, en réaction à des virus, des toxiques (drogues, poisons, etc.), des maladies auto-immunes ou génétiques. Souvent d'évolution bénigne, ses principaux symptômes – fièvres, diarrhées, douleurs au ventre, jaunisses – se résorbent rapidement ou restent faibles. Plus rarement, ils peuvent déboucher sur une insuffisance rénale
Le fait que certaines hépatites touchent de petits enfants, entre 1 et 5 ans, surprend encore plus les spécialistes, comme la nécessité, dans quelques cas, d'une transplantation. Et les habituels virus à l'origine de l'hépatite virale aiguë (de A à E) n'ont été détectés dans aucun des cas, ont souligné l'ECDC et l'OMS.
Parmi les pistes à l'étude, celle des adénovirus. Virus assez banals et connus, les adénovirus provoquent généralement des symptômes respiratoires (bronchites, pharyngites...), oculaires (conjonctivites), des troubles digestifs (gastro-entérites). La transmission survient par voie oro-fécale ou respiratoire, avec des pics épidémiques souvent en hiver et au printemps, et plus souvent en communautés (crèches, écoles, etc). La majorité des humains sont infectés avant leurs 5 ans.
Ils ont été décelés chez au moins 74 enfants, et plusieurs pays, notamment l'Irlande et les Pays-Bas, ont rapporté une circulation accrue de ces adénovirus. Cependant, leur rôle dans le développement de ces hépatites mystérieuses reste obscur.
Un lien possible avec la Covid-19 ?
La possibilité d'un lien avec la Covid-19, qui circule toujours, figure aussi dans les hypothèses. La Covid-19 a été détecté chez 20 des enfants testés. Et 19 autres enfants ont montré une co-infection au Covid et à un adénovirus. Mais "si ces hépatites découlaient du Covid, cela serait surprenant de ne pas les voir réparties plus largement vu la forte circulation du Sars-Cov2", a observé Graham Cooke, spécialiste des maladies infectieuses à l'Imperial College de Londres.
Après plus de deux ans de pandémie et de gestes barrières, la question d'une "dette" immunitaire qui rendrait certains enfants plus fragiles est également soulevée par certains scientifiques, sans certitude. En revanche, un éventuel rôle des vaccins anti-Covid a pu être écarté. Une grande majorité des enfants n'étaient pas vaccinés, rapporte l'OMS.