Causes, fréquence, intensité, changement climatique : trois questions sur le "Camp Fire" et les incendies en Californie

Publié le 13 novembre 2018 à 18h40
Causes, fréquence, intensité, changement climatique : trois questions sur  le "Camp Fire" et les incendies en Californie

ECLAIRAGE - Les incendies de forêts sont toujours hors de contrôle dans le "Golden State" qui vit actuellement l'une des pires catastrophes naturelles de son histoire. Mais pourquoi cet Etat américain est-il si souvent en proie aux flammes ?

Des incendies de plus en plus fréquents, de plus en plus rapides, de plus en plus violents ? Entre le 1er janvier et le 8 novembre 2018, le California Department of Forestry and Fire Protection a recensé 7579 feux ayant brûlé plus de 6750 km². L'Etat de la côte ouest des Etats-Unis est en effet le théâtre depuis cet été d’une vague d'incendies particulièrement dévastateurs et précoces, qui ont fait plusieurs dizaines de morts. Jamais autant de personnes n'avaient péri à cause de feux de forêt aux Etats-Unis depuis un siècle. 

Au point que le gouverneur de Californie Jerry Brown, cité par USA Today, évoque une "nouvelle norme" à laquelle les près de quarante millions de californiens vont devoir s'habituer à faire face. Mais pourquoi le "Golden State" est-il toujours en proie aux incendies ? En quoi l’épisode en cours a-t-il quelque chose d’inédit ? Quid du changement climatique ? Retour sur les principales questions soulevées par "Camp Fire" et la série de feux qui ravagent la Californie.

Quelles sont les particularités géographiques ?

Si la Californie est connue pour les nombreux feux de forêts qui détruisent une partie de sa flore chaque été, c’est en partie parce que certains éléments couplés à certaines caractéristiques l’y prédisposent. "Les incendies, en particulier en Californie du Nord, sont dus à des vents nommés 'Diablo winds' qui viennent de l’Est  du continent  pour redescendre  de la montagne avec la particularité d’être très secs et extrêmement forts, plus de 100 km/h", rappelle Jean-Baptiste Filippi, chargé de recherche au CNRS et coordinateur du programme Fire Caster (coupe-feu, en anglais). A ces vents caractéristiques s'ajoutent la sécheresse qui sévit en Californie, et une végétation qui favorise la combustion rapide. "Tout est parti d’une sorte de maquis californien puis il a atteint une forêt de pins et repris dans une sorte de maquis avant de s’étendre à des herbes", souligne celui qui chapeaute un programme destiné à prévoir de manière numérique la propagation des feux en estimant les risques d'incendies de végétation.  

Et de poursuivre : "aiguilles de pins, branches asséchées… évidemment, ce sont des combustibles qui réagissent très bien à l’incendie. Avec en plus un vent sec qui descend le niveau de l’hygrométrie (mesure du degré d'humidité de l'atmosphère, ndlr) totale , l’incendie peut partir très facilement  et se développer à une vitesse extrême, comme c’est le cas en ce moment." 

Pour rappel, le troisième plus grand État des Etats-Unis est composé de vastes forêts de séquoias et de conifères avec en plus une géographie unique constituée de hautes montagnes et de vallées profondes agissant comme des cheminées. En témoignent, les 129 millions d'arbres morts qui hantent aujourd’hui les forêts californiennes.

En quoi l’épisode en cours est-il inédit ?

Les vents secs et violents qui attisent les flammes des feux en cette période de l’année en Californie sont habituels. Pour autant, les circonstances météorologiques qui accompagnent "Camp Fire" ont bien quelque chose d’inédit. "Ce qui est assez exceptionnel, c’est l’état de la végétation lié au fait qu’on ait des périodes de sécheresse qui s’étendent jusqu’à fin novembre, voire plus", note Jean-Baptiste Filippi, rappelant que "ces vents arrivent en hiver alors que les pluies elles ne sont pas arrivées et que ça fait plusieurs années que le territoire est en déficit d’eau." Et d’insister sur "la concomitance de deux événements extrêmes qui mènent à l’état de catastrophe." Pour rappel, avec 44 victimes et  200 personnes portées disparues, Camp Fire qui dévore la Californie depuis jeudi est l’incendie le plus meurtrier de son histoire récente. Ses flammes ont brûlé plus de 45.000 hectares de terrain et seuls 25% du sinistre sont sous contrôle.

Malgré ce triste record, l'incendie "Mendocino Complex", qui avait embrasé cet été au moins 114 850 hectares, soit autant que Paris et la petite couronne réunis, demeure, par sa taille, le plus dévastateur à ce jour. En décembre 2017, l'incendie Thomas avait dévoré 114 078 hectares dans le secteur de Santa Barbara. Deux mois plus tôt, ce sont 100 000 hectares de forêt et de garrigues qui avaient été réduits en cendres dans la région viticole des vallées de Napa et Sonoma, au nord de San Francisco. Si l'année 2017, s'est révélée la plus destructrice pour le "Golden State", le nombre de feux recensés par CalFire s’est stabilisé depuis une dizaine d’années : entre 3 000 et 4 000 par an. Ils avaient atteint leur apogée en 1979, avec plus de 10 000 brasiers. 

La faute au changement climatique ?

"Priez pour Malibu. Nous sommes les témoins directs du réchauffement climatique", a écrit Laeticia Hallyday, présente sur place, partageant des photos sur les réseaux sociaux. "Un changement climatique, c’est aussi quand on attend des évènements, en l’occurrence les pluies, qui ne sont plus là. Mais comme les vents eux sont bien là, ça créée des situations qui n’existaient pas auparavant ou aussi fréquemment", explique Jean-Baptiste Filippi. Et de rappeler : "une forêt met 60 ans pour pousser grâce à un équilibre qui s’est créé entre la nature et la météorologie, et le phénomène incendie avec une alternance pluies en novembre, grands vents en décembre." 

Des pluies qui, pour rappel, tardent de plus en plus à arriver tandis que les températures, elles augmentent d'année en année. Selon l'Agence nationale de protection de l'environnement, les températures de jour en été sont ainsi désormais au moins trois degrés supérieures à ce qu’elles étaient il y a un siècle en Californie du Sud. 


Audrey LE GUELLEC

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