Chili : sur l'île de Pâques, les touristes persona non grata

Publié le 2 août 2018 à 11h04
Chili : sur l'île de Pâques, les touristes persona non grata
Source : GREGORY BOISSY / AFP

INTERNATIONAL - Les autorités ont durci les conditions d'entrée sur la célèbre île. En cause : un tourisme de masse, qui impacte la faune et la flore de "Rapa Nui".

L'île de Pâques face au tourisme de masse. Pour préserver son patrimoine, ce petit bout de terre au large du Chili a pris une décision radicale : limiter son accès, grâce à l'adoption de règles drastiques.

La loi, entrée en vigueur mercredi 1er août, fait passer la durée du séjour de 90 à 30 jours maximum pour les touristes sur ce bout de terre situé dans sud-est de l’océan Pacifique, à 3500 km du Chili. Ceux qui souhaiteront se rendre sur ce territoire chilien devront en outre répondre à certains critères : remplir un formulaire, avoir une réservation dans un hôtel ou avoir été invité par un insulaire et présenter ses billets aller et retour. Cette mesure s'applique aux étrangers mais aussi aux Chiliens désirant visiter l'île. Le texte impose également des conditions pour s’y installer durablement: il faudra être le père, la mère, le conjoint ou le fils d'un membre de la communauté autochtone des Rapa Nui. Par ailleurs, seuls les fonctionnaires, les salariés d’organisations travaillant pour le compte de l’Etat et ceux qui développent une activité économique indépendante pourront y résider avec leurs familles.

"Les étrangers sont en train de prendre le contrôle de l'île"

Pour le président chilien Sebastian Piñera, interrogé par la chaîne d'information 24 horas, ce nouveau règlement s'imposait. "Cette île est magique, tout le monde veut la visiter, mais c’est aussi une île délicate que nous devons protéger. La nouvelle loi a pour objectif d’y réguler le tourisme", a déclaré le président. Il faut dire que les dernières années ont fait souffrir les lieux : la croissance démographique sur l’île - d’une superficie de 168 km² -, conjuguée à l’essor de l’activité touristique et immobilière - principalement des hôtels -, mettent en danger sa faune et sa flore. Chaque année, l’île de Pâques accueille en effet 116.000 touristes. Sa population, qui a doublé en quelques décennies, est de 7750 résidents permanents, dont 40% de natifs. Conséquence : s’il y a dix ans, l'île de Pâques produisait 1,4 tonne de déchets par an, ce chiffre atteint aujourd’hui 2,5 tonnes, dont une faible part est recyclée. D'ici 2025, on calcule que l'île produira 32 tonnes de carton, 18 de plastique, 12 de boîtes de conserve et neuf de verre.

Les Insulaires se plaignent quant à eux de la présence massive de "ceux du conti", surnom donné aux personnes originaires du continent, à l'origine, selon eux, de la surexploitation et la mauvaise utilisation des ressources de l'île, l’excès de consommation d’eau ou d’énergie électrique. Cela contribue aussi à diluer la culture locale d'origine polynésienne, dont sont issues les fameuses statues géantes de pierre appelées Moaïs, jugent les natifs. "Les étrangers sont en train de prendre le contrôle de l'île", résume le maire de ce territoire Pedro Pablo Edmunds Paoa.

Ce petit territoire en forme de triangle, dont les côtés mesurent 16, 17 et 24 kilomètres, est en outre situé en plein dans les courants marins qui emportent à la fois les déchets du continent et ceux dérivés de "l’île de plastique" du Pacifique sud. L’île de Pâques tient son nom de l’expédition hollandaise, menée par le navigateur Jakob Roggeveen, le jour de Pâques, le 6 avril 1722. Le Chili annexa l’île en 1888. Néanmoins, les habitants l’ont toujours surnommée "Rapa Nui", signifiant, dans la langue autochtone, "le nombril du monde".


Thomas GUIEN

Tout
TF1 Info