Taïwan : vif regain de tension entre la Chine et les États-Unis

Chine : après 10 ans de pouvoir, Xi Jinping en cinq grands dossiers

par Maxence GEVIN
Publié le 14 mars 2023 à 8h00
JT Perso

Source : Sujet TF1 Info

Ce 14 mars 2023 marque les dix ans de l'accession au pouvoir du président chinois, Xi Jinping.
Le dirigeant communiste, récemment reconduit pour un troisième mandat, a totalement changé le visage de son pays.
Retour sur ses principaux accomplissements.

Parti de tout en bas, il ne quitte plus le sommet. Fils d'un proche de Mao Zedong, Xi Jinping a connu une enfance tourmentée, marquée par la chute aux enfers de sa famille, accusée de traitrise. Entre mauvais traitements, séances d'autocritique et exil à la campagne... ce calvaire l'a marqué au fer rouge. Parti des abysses de l'échelle sociale, Xi Jinping a progressivement gravi les échelons, notamment au sein du tout-puissant parti communiste. Des efforts qui ont fini par porter leurs fruits en 2013, lorsqu'il a été porté, le 14 mars, à la présidence de la Chine par l'Assemblée nationale populaire, succédant à Hu Jintao.

Près d'une décennie plus tard, l'homme de 69 ans occupe toujours les plus hautes fonctions à Pékin. Et ce n'est pas près de s'arrêter puisque le Parlement chinois - inféodé au Parti communiste - a entériné, le 10 mars dernier, un troisième mandat à venir. La suite logique pour un habile et impitoyable politicien qui a totalement transformé son pays, aussi bien sur le plan sociétal que politique et économique, tout autant à l'intérieur de ses frontières qu'à travers le reste du globe. Voici en quoi. 

Le virage autoritaire

L'un des traits les plus marquants des années de pouvoir de Xi Jinping se retrouve dans le renforcement de son pouvoir personnel. Le dirigeant s'est appuyé sur l'omnipotence du Parti communiste chinois (PCC), qui gouverne la Chine depuis la fin de la guerre civile de 1949, pour s'accrocher, sur le long terme, au sommet de l'État. Peu après son arrivée aux affaires, en 2013, le néo-président a promulgué, en catimini, le document n°9. Dans ce texte, Xi Jinping bat en brèche les idées libérales et énumère les "sept périls" occidentaux les plus dangereux pour la Chine, tels que la démocratie, les valeurs universelles des droits de l'homme ou la liberté de la presse. Le ton est donné.

Rapidement, l'homme fort du parti communiste le plus puissant au monde s'attaque à la corruption. Sous le couvert d'une campagne sans pitié contre ce fléau, il se débarrasse de tous ses opposants, systématiquement emprisonnés. La purge touche tous les secteurs - particulièrement l'armée et la politique - et fait des centaines de milliers de victimes. En parallèle, le leader de la république populaire de Chine fait inscrire, lors du XIXe Congrès du PCC (Parti communiste chinois) du 24 mars 2017, la "pensée Xi Jinping". Un honneur jusque-là réservé à Mao Zedong et à Deng Xiaoping. Il va encore plus loin un an plus tard en sollicitant l'Assemblée nationale populaire pour une modification de la Constitution. Il supprime alors la limitation à deux mandats, ouvrant la voie à une présidence à vie. Aucun rival ni éventuel successeur n'est plus, alors, susceptible de lui faire de l'ombre. 

Ces manœuvres s'accompagnent de la mise en place d'un culte de la personnalité et d'une inflexibilité idéologique : la seule ligne de conduite valable est celle que Xi Jinping définit.

Un contrôle renforcé sur la population

Ce durcissement de la politique va de pair avec une batterie de mesures liberticides. La censure est durcie. Les libertés individuelles sont, elles, notablement réduites. Tout opposant à la ligne stricte du pays est emprisonné ou disparaît soudainement. Entre 2013 et 2020, les incarcérations dans les "prisons secrètes" ont explosé, rapporte VOANews, qui s'appuie sur des données de la Cour populaire suprême. Leur nombre est passé de moins de 500 en 2013 à près de 6000 en 2020. 

Xi Jinping a également tiré parti de la crise du Covid-19 pour resserrer, encore un peu plus, l'étreinte sur ses citoyens, en attestent les dispositions draconiennes prises à cette occasion. L'expérimentation du "crédit social" - un système qui distribue des bons et mauvais points aux citoyens en fonction de leurs actions quotidiennes -, qui s'appuie largement sur l'utilisation massive de la reconnaissance faciale et d'une surveillance systématique, va aussi dans ce sens. Un mode de fonctionnement à rendre jaloux le "Big Brother" de George Orwell.

Toutes les formes de développement de la société civile ont été stoppées

Teng Biao

"L'espace limité qui existait dans la société civile pendant la période de réforme et d'ouverture a été supprimé par Xi au cours de la dernière décennie", confirme Teng Biao, un juriste chinois basé aux États-Unis, dans les colonnes du média allemand DW. "Depuis son arrivée au pouvoir, les avocats spécialisés dans les droits de l'homme, les églises familiales, le mouvement féministe et les ONG ont tous été brutalement réprimés par les autorités chinoises. En fait, toutes les formes de développement de la société civile ont été stoppées", ajoute-t-il. 

La "route de la soie" chinoise

Loin de se contenter de réformes internes, Xi Jinping s'est tourné vers le commerce international. Son projet de "nouvelles routes de la soie" - baptisé Belt and Road Initiative (BRI) - vise à construire et à prendre le contrôle d'infrastructures stratégiques (chemins de fers, ports, aéroports) sur le globe. Initialement centrée sur l'Asie, cette initiative s'est rapidement étendue à l'Europe et à l'Afrique. Pour cela, Pékin rachète les droits de certaines installations et subventionne certains pays pauvres avec des garanties pour le futur. Le meilleur exemple est le Sri Lanka qui, face à la dette, a été obligé de céder les droits d'exploitation de son port stratégique de Hambantota (sud du pays) pour une durée de... 99 ans.

Les objectifs économiques de Pékin sont multiples : accroître les exportations, écouler la production et trouver de nouveaux marchés pour les entreprises chinoises. Avec un effet supplémentaire : pour certains pays, la dépendance économique se transforme en une véritable dépendance politique. 

Des investissements massifs ont été effectués en Afrique, où Pékin est très populaire. Plus de la moitié des pays du continent ont ainsi conclu des partenariats économiques et/ou politiques. De même, en 2021, l'empire du Milieu, qui a racheté le port du Pirée (Grèce), contrôlait plus de 10% de l'activité portuaire européenne. Il s'est également montré très actif en Océanie, et notamment en Australie. 

Devenue pierre angulaire de la politique étrangère chinoise, ce projet des "nouvelles routes de la soie" concerne aujourd'hui plus de 68 pays, regroupant 4,4 milliards d’habitants et représentant près de 40% du produit intérieur brut (PIB) de la planète, rapporte l'École Normale Supérieure de Lyon

L'objectif de la Chine est de mettre en place un système global pour façonner le monde en fonction des intérêts chinois

Sigmar Gabriel

Ce système représente un véritable péril pour les pays occidentaux, a dénoncé Sigmar Gabriel, alors ministre allemand des Affaires étrangères, en 2018. "L'objectif de la Chine est de mettre en place un système global pour façonner le monde en fonction des intérêts chinois. Il ne s'agit pas seulement d'économie : elle développe une alternative au système occidental", a-t-il prévenu. "Xi Jinping veut montrer que la Chine est devenue une superpuissance, que le modèle chinois est désormais capable de concurrencer l'Occident ou de le dépasser", abonde Jie Yu, biographe de Xi Jinping en exil, dans un long reportage diffusé sur Arte. 

Le Xinjiang et Hong Kong mis au pas

La Chine n'en oublie pas, pour autant, son entourage direct. Xi Jinping a lancé des mesures de répression de grande ampleur pour maîtriser les régions frontalières du Tibet, du Xinjiang et de Hong Kong, qui ont longtemps fait figure d'épines dans le pied de Pékin. La manière, a, en revanche, différé d'un cas à l'autre. Au Xinjiang, cette politique s'est traduite par l'internement massif de centaines de milliers de Ouïghours, une minorité musulmane. Des crimes dont se sont émus plusieurs ONG, comme Amnesty International, et l'Organisation des Nations unies.

Pour ce qui est de Hong Kong, Pékin a réagi aux impressionnantes manifestations pro-démocratie de 2019, en assenant un nouveau tour de vis. Une loi de sécurité nationale, d'une portée considérable, a notamment été adoptée. Le texte facilite le musèlement de l'opposition et, plus largement, de la société civile. La Chine a profité de la pandémie de Covid-19 pour "remodeler la société hongkongaise à l’image de la société communiste du continent", observe Matthew Brooker dans une chronique publiée sur le site de Bloomberg. "Elle a fermé des organes de presse, arrêté des militants politiques, forcé les syndicats à se dissoudre et imposé sa propre marque d'éducation 'patriotique' dans les écoles", fustige-t-il. 

Tout cela s'inscrit dans un contexte de tensions croissantes avec Taïwan, une île sur laquelle que la Chine espère voir revenir dans son giron depuis de longues années. 

Sur le pied de guerre

Pour remplir les objectifs de son agenda international, la Chine s'est dotée d'une armée aussi puissante que moderne. Le budget alloué à la Défense a plus que doublé en l'espace d'une décennie, passant de 103 milliards de dollars en 2008 à 245 milliards de dollars en 2020, a calculé l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri). Cela en fait la deuxième dépense mondiale en la matière, loin derrière les États-Unis (plus de 700 milliards). Le dirigeant multiplie les parades militaires imposantes sur la place Tien An Men et exhibe des missiles hypersoniques révolutionnaires et de nouveaux missiles de dissuasion nucléaire intercontinentaux. 

Sur les mers, la Chine se hisse aussi parmi les grandes puissances. Avec trois porte-avions et un nombre toujours plus important de navires, elle n'a désormais que peu d'équivalents. Et sa croissance est encore appelée à s'accélérer, la marine américaine prévoyant qu'entre 2020 et 2040, le nombre total de navires de l'empire du Milieu augmenterait de près de 40%.

Des investissements considérables sont, en outre, consentis en matière de cyberdéfense et d'intelligence artificielle. "Selon certains rapports, la Chine utiliserait déjà l'intelligence artificielle dans la robotique militaire et les systèmes de guidage de missiles, ainsi que dans les véhicules aériens sans pilote et les navires sans pilote", rapporte la BBC

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Avec cette puissance grandissante, Pékin n'hésite plus à se projeter hors de ses frontières, comme le démontre l'ouverture d'une base militaire d'envergure à Djibouti, en 2017. Mais c'est surtout dans le Pacifique et en Mer de Chine orientale que les poussées hégémoniques sont les plus fortes. Outre Taïwan, que Xi Jinping considère comme partie intégrante du territoire et à proximité de laquelle il multiplie les exercices militaires, les Chinois tentent de s'approprier de nombreuses îles des eaux territoriales japonaises, vietnamiennes ou philippines. Ils n'hésitent pas non plus à militariser certaines d'entre elles, comme les îles Spratleys. De quoi susciter de fortes tensions avec la superpuissance américaine concurrente. Une tendance qui pourrait bien encore s'accélérer au cours du troisième mandat du tout-puissant président. 


Maxence GEVIN

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