RENCONTRE - La démonstration de force de Kim Jong Un qui accompagnait l’anniversaire de naissance de son grand-père le week-end dernier, avait aussi pour but d’avertir ses adversaires qu’il ne plaisante pas. L’un des six membres du Présidium du comité central du parti unique, qui était à ses côtés en tribune, a évoqué dans son discours la possibilité d’une "guerre totale" avec les Etats-Unis. C'est-à-dire l’emploi dès aujourd’hui du feu nucléaire. Bluff, ou menace réelle ?
Notre séjour à Pyongyang a été riche d’enseignements. Bien sûr, l’invitation à se rendre aux festivités patriotiques, qu’octroient les autorités nord-coréennes aux médias étrangers depuis quelques années, est toujours assortie de conditions draconiennes de tournage. Le programme des visites est strict, les guides ne lâchent pas d’une semelle les équipes qui leur sont attribuées, et l’on ne peut voir que ce que l’on nous donne à voir. Pour l’anecdote, chaque sortie de la presse dans la rue nécessite le port d’un brassard bleu bien distinctif, les téléphones portables sont désactivés, les déplacements se font en groupe sous le mode de la visite touristique. Mais il transparait toujours un message, une perception de la réalité qui s’oppose frontalement à la nôtre et qui comporte sa part de vérité.
En l’occurrence, une chose est sûre : la détermination des Nord-Coréens à se défendre militairement en cas de frappes américaines est très clairement exprimée. Le Vice-Ministre des Affaires Etrangères a même parlé d’utilisation préventive de l’arme nucléaire si la menace devenait trop explicite. Pour ma part, un déjeuner avec l’un de ses principaux collaborateurs, Kim Son Gyong, directeur général chargé de l’Europe au Ministère, m’a permis de mesurer la certitude bien ancrée chez nos hôtes, d’être dans leur bon droit.
Dans un excellent français (il a été en poste à Paris mais aussi en Algérie et en Roumanie), ce dernier m’a certifié que les manœuvres navales américaines au large de la péninsule coréenne étaient d’ampleur historique, que son gouvernement se préparait à une attaque à son encontre, et que son pays, qui "n’a jamais par le passé envahi personne", se réservait le droit de répondre avec tous les moyens à sa disposition, y compris l’arme nucléaire.
Un pari risqué
Sur ce point, M. Kim m’a assuré que le programme était bien avancé : la Corée du Nord a réussi à "miniaturiser" (il a cherché l’expression en français pendant quelques secondes) les charges qui peuvent être montées sur des vecteurs balistiques. Ces missiles ne sont pas tous au point comme le prouve la tentative ratée du dimanche 16 avril mais leur optimisation n’est qu’une question de temps.
En réalité, le pari des dirigeants de Pyongyang est d’atteindre le plus vite possible un stade de dissuasion nucléaire qui interdirait par la suite toute attaque de leurs ennemis. Et éloignerait l’obligation fatale pour eux d’ouvrir le feu, garantie en retour de destruction immédiate et complète évidemment. Cet équilibre de la terreur, hérité du siècle dernier, est un pari risqué. Rien ne dit que les Américains n’ont pas déjà décidé de l’interrompre à très brève échéance en détruisant tout ce qui ressemble à un pas de tir ou une centrifugeuse (les israéliens ont depuis longtemps la même tentation avec l’Iran).
Mais le bluff fait partie de la drôle de guerre des communiqués que se livrent les différents acteurs de ce jeu dangereux. Reste à espérer que dans aucun des camps en présence ne se trouve de Docteur Folamour capable de précipiter sur un malentendu la sous-région dans une guerre apocalyptique.
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