Mortalité, économie, immunité… Gare aux publications expliquant que la Suède a "triomphé" du Covid-19

Publié le 10 août 2020 à 17h45, mis à jour le 17 août 2020 à 10h06
Singulière, la gestion suédoise de la crise n'a pas été parfaite.
Singulière, la gestion suédoise de la crise n'a pas été parfaite. - Source : Illustration HAKINMHAN via iStock

À LA LOUPE – En choisissant de ne pas confiner sa population, la Suède a opté pour une stratégie singulière dans sa lutte contre le Covid-19. Le bilan au milieu de l'été n'est pourtant pas aussi reluisant que ce qu'indiquent des messages diffusés sur les réseaux sociaux.

Après des mois de crise sanitaire, de premiers bilans émergent en Europe. La France a-t-elle bien géré la crise du Covid-19 ? Nos voisins ont-ils adopté une stratégie plus efficace ? Des questions légitimes et une curiosité compréhensible, notamment par rapport à la situation en Suède. Les Scandinaves ont en effet choisi de ne pas confiner leur population, cherchant par ce biais à atteindre une immunité collective. Une façon d'assumer, donc, qu'une large part de la population soit en contact avec le virus, et ce malgré l'attitude diamétralement opposée des autres pays de l'UE.

Au cœur de l'été, peut-on parler d'un succès ? Sur Facebook, des internautes vont plus loin : une publication très relayée évoque ainsi un "triomphe" du royaume du Nord face à la pandémie. Pour autant, malgré les nombreux "bravo" qui se multiplient en commentaires, les arguments utilisés s'avèrent plus que discutable. LCI a fait le tri dans ces affirmations.

Une courbe de décès à zéro sans masques ni confinement ?

Parmi les éléments avancés par cette publication, le fait que la Suède ne compte aujourd'hui plus de nouveaux décès, et ce sans avoir eu besoin de recourir au confinement de sa population ni à l'adoption généralisée des masques. 

Sur ce point, le constat est assez vrai. Les données officielles montrent qu'aucun décès n'est à déplorer ces derniers jours, malgré des chiffres qui restent à consolider. Depuis le début du mois d'août, le pays n'a pas connu de journée avec plus de 2 décès, et plusieurs sans le moindre patient ayant succombé au virus. 

Il est également exact de souligner qu'aucun confinement généralisé de la population n'a été mis en place. Un choix qui a surpris mais que les autorités ont toujours justifié. En ligne de mire, éviter les effets nocifs d'un enfermement et espérer atteindre une forme d'immunité collective qui permettrait de protéger durablement la population. Dans cette optique, le port du masque n'a pas non plus été généralisé, le but n'étant pas de lutter coûte que coûte contre la propagation du virus. 

Coronavirus : la Suède, un pays sans masqueSource : JT 20h WE

L'économie suédoise pas impactée ?

Le Covid-19, si l'on en croit ces messages, n'aurait pas "détruit l'économie", à l'inverse d'autres pays tels que la France. Une affirmation trompeuse, puisqu'en juin déjà, l'économiste Olle Holmgren prévenait : "L'économie suédoise connaîtra un déclin record au deuxième trimestre." Une prédiction confirmée en ce début de mois d'août par les chiffres, puisque le pays a annoncé un recul de 8,2% de son PIB entre avril et juin.

L'absence de confinement a permis aux commerces de rester ouverts et évité un ralentissement plus marqué de l'activité, mais la Suède n'a pour autant pas traversé cette crise sans y perdre quelques plumes. Les prévisions tablent aujourd'hui sur une chute de 6% du PIB pour l’ensemble de l’année, soit le recul le plus important depuis 1940. Dans une économie mondialisée, impossible en effet de faire abstraction de la situation chez ses voisins et ses partenaires commerciaux. Conséquence directe de cette crise économique, le chômage a bondi, passant de 7,2% en janvier à près de 10% désormais. 

Une immunité collective atteinte ?

Un dernier point de ce message apparaît trompeur, et concerne cette fois l'immunité collective qui serait soi-disant atteinte en Suède. Si le pays a dès le départ misé sur le long terme pour se prémunir de l'épidémie, il est aujourd'hui bien trop prématuré d'affirmer que cette immunité a été atteinte. 

Comme le rappelait LCI il y a quelques jours, "les mesures moins strictes qu'à l'étranger ont eu un avantage : la proportion de Suédois immunisés serait plus importante qu’ailleurs […] Mi-juillet, selon les estimations officielles relayées par l’AFP, près d’un Stockholmois sur cinq était porteur d’anticorps, un ratio supérieur aux autres pays. Insuffisant toutefois, puisque selon l’institut Pasteur, l’immunité collective pour le Covid-19 ne serait efficace que lorsque 70% de la population aura développé des anticorps." Si d'autres chercheurs évoquent quant à eux un seuil assez largement inférieur, plus proche des 20% seulement, il demeure difficile de conclure que les Suédois y seraient parvenus.

Dans ce contexte, parler de "triomphe" semble plus d'exagéré, d'autant que les autorités suédoises elles-mêmes ont admis qu'elles avaient fait des erreurs, et que des "failles" avaient été observées. La confiance de la population envers ses dirigeants s'est peu à peu érodée au fil des mois, et l'opposition a commencé à réclamer des comptes. Le patron des conservateurs a notamment réclamé la constitution d'une commission d'enquête afin de faire toute la lumière sur la gestion gouvernementale de la crise.

Vous souhaitez réagir à cet article, nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N'hésitez pas à nous écrire à l'adresse alaloupe@tf1.fr


Thomas DESZPOT

Tout
TF1 Info