Coupures d'électricité en Californie : non, ce n'est pas la faute aux énergies renouvelables

Publié le 9 septembre 2020 à 19h08
La Californie bénéficie d'un ensoleillement propice à l'énergie solaire.
La Californie bénéficie d'un ensoleillement propice à l'énergie solaire. - Source : MARIO TAMA / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / GETTY IMAGES VIA AFP

MAUVAIS PROCÈS - Des coupures de courant massives en Californie ont récemment été imputées aux énergies renouvelables, dont l'intermittence peut parfois jouer de mauvais tours. Si une partie de la presse a relayé cette version des faits, il s'agit d'une lecture faussée de la situation.

Touchée par de violents incendies, la Californie a également du faire face ces dernières semaines à d'autres problèmes, liés cette fois à son approvisionnement en énergie. Des médias ont indiqué que des fournisseurs d'électricité ont été contraints de procéder à une série de coupures volontaires de courant. Des "blackouts", comme les nomment les Américains, causés par un manque d'énergie disponible à des moments précis.

"Depuis des semaines, le vent souffle peu, et les panneaux solaires sont inefficaces la nuit alors que les températures restent élevées", raconte Le Point. "En l’absence de capacité de stockage, l’électricité produite la journée ne peut donc être restituée la nuit", une situation compliqué alors que l'Etat de la côte ouest a subi d'importantes vagues de chaleur. Un contexte dans lequel la population a massivement recours aux climatiseurs, des équipements pour le moins énergivores et susceptibles de démultiplier les besoins. De quoi remettre en cause l'intérêt des énergies renouvelables, sur lesquels les Californiens ont parié massivement ? Pas forcément, d'autant qu'il apparaît que les éoliennes et autres centrales solaires ne sont ici pas à incriminer. 

Des systèmes de secours défaillants

En Californie, environ 30% de l'électricité est produite grâce aux énergies renouvelables. Une proportion amenée à augmenter puisque l'objectif affiché est de parvenir à une décarbonisation totale à l'horizon 2045. Les récentes coupures doivent-elles faire douter de l'efficacité de tels choix ? La question s'est posée outre-Atlantique, mais il semblerait que "blackouts" subis par les Californiens ne soient pas liés à l'intermittence des éoliennes et autres panneaux solaires. Pour les responsables en charge des questions énergétiques au sein de l'Etat, le vrai problème vient en réalité (en partie) des autres sources d'énergies.

Cette posture n'est pas illogique. Les autorités indiquent en effet que le système d'approvisionnement en énergie a été sollicité très fortement en raison des intenses vagues de chaleur. Des températures extrêmes imputées au réchauffement climatique et à l'action humaine. Dès lors, il serait aux yeux des responsables californiens irresponsable de continuer à miser sur des modes de production d'énergie carbonés, qui vont contribuer à accentuer les dérèglements climatiques à l'avenir. L'enjeu, à leurs yeux, est plutôt de recourir à ce qu'ils qualifient de "planification appropriée". Poursuivre la croissance du renouvelable, tout en anticipant mieux les périodes critiques en matière de consommation.

Dans une longue enquête, le site National Geographic a montré que pointer du doigt les énergies renouvelables revenait à se tromper de coupable. Les experts soulignent le fait qu'il est assez facile de prévoir les moments où la production va baisser : avec l'énergie solaire, il s'avère en effet assez basique de constater que le soleil se couche tous les soirs, réduisant fort logiquement le rendement des panneaux solaires. Anticiper ces baisse n'a donc rien d'insurmontable.

"En Californie, de nos jours, c'est le gaz naturel qui prend le relais", note par ailleurs le magazine, "les quelque 200 centrales de l'État peuvent répondre rapidement à la hausse de la demande". Des centrales censées assurer la continuité de la production mais qui ont subi d'importants problèmes au cours de l'été. "Lors des récentes coupures de courant, certaines de ces sources habituellement fiables ont été inopinément indisponibles, pour des raisons qui ne sont pas encore tout à fait claires."

S'il est vrai que les énergies renouvelables demandent à repenser l'organisation des réseaux et les modes d'approvisionnement, les conditions climatiques extrêmes subies par la Californie ont joué un rôle prépondérant : "En raison d'une sécheresse persistante, il y avait moins d'eau dans les réservoirs qui alimentent de nombreuses centrales hydroélectriques, ce qui signifie qu'elles pouvaient produire beaucoup moins d'énergie", ajoute National Geographic. 

Les autorités critiquées

Comme l'a noté le site "Révolution énergétique", des critiques "fusent à l’encontre du gestionnaire de réseau, California ISO et de son président, Steve Berberich". Le représentant d’une organisation de consommateurs a ainsi "demandé une enquête et reproché à M. Berberich de ne pas s’être suffisamment préparé à la canicule". Des accusations dont l'opérateur se défend, mais qui peinent à convaincre : les coupures imposées aux consommateurs ont en effet été effectuées alors que les températures étaient identiques à celles des jours précédents. De quoi accréditer encore davantage la thèse d'une (ou plusieurs) défaillance(s).

Le New York Times s'est lui aussi intéressé à ces incidents, et remarque que "la Commission fédérale de régulation de l'énergie a suivi de près les problèmes rencontrés par la Californie". Elle a notamment constaté avec surprise une hausse massive des prix de l'énergie facturés par certaines opérateurs. Outre-Atlantique, il est en effet possible de s'approvisionner auprès de diverses sources, au sein d'un marché où s'opère une mise en concurrence naturelle. "Les prix de gros sur le marché californien de l'électricité ont grimpé en flèche, dépassant parfois 3 800 dollars par mégawatt-heure, soit environ 100 fois le coût habituel du transport de l'électricité sur une ligne de transmission donnée", note le journal.

Il faut remonter à 2001 pour observer des hausses aussi significatives, et le New York Times rappelle qu'à l'époque, les enquêteurs avaient conclu "que les décideurs politiques avaient mal fait leur travail de déréglementation du système énergétique". Dans ce contexte, "les négociants de sociétés comme Enron avaient manipulé le marché pour faire monter les prix et générer de beaux profits".  

Difficile donc, en conclusion, d'incriminer dans le contexte actuel les énergies renouvelables. Si ces dernières obligent par l'intermittence de leur production les autorités à adapter leurs modes de production, il est faux d'affirmer qu'elles sont responsables des coupures d'électricités subies par la Californie. Des défaillances de centrales à gaz, censées prendre le relais, sont aujourd'hui vues comme la raison principale de ces problèmes, dans un contexte de conditions climatiques extrêmes et de matériels poussés dans leurs retranchements. Les dirigeants californiens, loin de voir dans cet épisode un signal négatif pour le renouvelable, estiment au contraire qu'il est nécessaire de poursuivre la transition entamée vers une production d'énergie totalement décarbonée.

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Thomas DESZPOT

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