La Cour suprême américaine se penche sur le gâteau refusé à un couple homosexuel

Publié le 5 décembre 2017 à 12h09, mis à jour le 5 décembre 2017 à 12h15
La Cour suprême américaine se penche sur le gâteau refusé à un couple homosexuel
Source : AFP

DISCORDE - La Cour suprême des Etats-Unis doit juger mardi 5 décembre l'affaire de discrimination d'un couple homosexuel par un pâtissier, qui avait refusé de leur préparer un gâteau de mariage au nom de ses convictions chrétiennes. Retour sur une affaire qui oppose l'égalité sexuelle et la non-discrimination d'un côté et, de l'autre, la défense de la liberté religieuse et... la liberté d'expression.

C'est une histoire qui commence dans une pâtisserie du Colorado et qui se termine devant la Cour suprême, plus haute juridiction des Etats-Unis. Le 19 juillet 2012, Dave Mullins et Charlie Craig se rendent dans une pâtisserie de la banlieue de Denver pour commander un gâteau de mariage. Après avoir expliqué brièvement quel genre de gâteau ils voulaient, ils se heurtent au refus du commerçant. Jack Phillips, le pâtissier, leur explique poliment qu'il ne fera pas de gâteau pour un mariage homosexuel. Il invoque sa foi chrétienne pour se justifier et ajoute qu'accepter de faire ce gâteau "déplairait à Dieu".

Le couple sort de la boutique en état de choc et craque sur le parking. Les deux hommes décident alors de ne pas en rester là et veulent partager ce cas de discrimination sur les réseaux sociaux. En étudiant les recours juridiques possibles, ils découvrent qu'une loi de leur Etat, le Colorado, interdit toute discrimination dans les commerces qui accueillent du public. Ils vont alors déposer plainte contre le pâtissier. Les deux mariés gagnent ensuite facilement le procès, en première instance et en appel. L'histoire aurait pu en rester là mais après la médiatisation très importante de l'affaire, la Cour suprême s'en mêle.

Un gâteau peut-il être considéré comme de l'art ?

Les neuf sages de la juridiction suprême se sont emparés de l'affaire en juin dernier. Les avocats de Jack Phillips ont d'abord fait valoir la liberté confessionnelle de leur client. La Cour devait initialement trancher entre deux principes simples, les convictions chrétiennes du pâtissier ou l'égalité sexuelle.

Mais les avocats du pâtissier ont finalement modifié leur défense. Ce n'est plus désormais seulement la liberté religieuse qu'ils défendent, mais la liberté de création. Selon leurs arguments, le gâteau de mariage relève de l'expression artistique et la liberté d'expression est garantie par le premier amendement de la Constitution.

Depuis quelques jours, les Etats-Unis sont donc scindés en deux camps, les partisans de Jack Phillips, les groupes de pressions conservateurs et religieux, contre les défenseurs de Dave Mullins et Charlie Craig.

Quand le gouvernement Trump s'en mêle

Le gouvernement Trump a récemment apporté son soutien au premier camp, tout comme une vingtaine d'Etats et de nombreux élus républicains. Le ministère de la Justice a même fourni un argumentaire d'une trentaine de pages pour étoffer la défense du pâtissier. Ce memorandum explique, en substance, que Jack Phillips ne peut être forcé à mettre à profit ses compétences artistiques pour une "œuvre" qui bafoue ses croyances religieuses.

Une campagne de lobbying particulièrement vindicative est menée des deux côtés. Pour le sénateur républicain Kevin Lundberg, il s'agit même de "l'affaire traitant de liberté de conscience la plus importante de sa vie".

La liberté de discriminer garantie par la Constitution ?

L'audience devant la Cour suprême se déroulera à Washington le 5 décembre  prochain. Cette affaire pourrait, selon les experts, avoir une résonnance jusque dans les droits civiques fondamentaux. Pour le Center for American Progress, l'issue de cette affaire pourrait "provoquer un recul dans le temps de 50 ans".

Pour Louise Melling, la directrice juridique de l'Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) engagée auprès du couple homosexuel,  la question posée est de savoir si "la Constitution protège le droit de  discriminer". Mardi 5 décembre, c'est sur les épaules du juge Anthony Kennedy, nommé par le républicain Ronald Reagan, que pèsera la décision de la Cour suprême. S'il s'est révélé particulièrement conservateur sur les questions du port d'arme, il a en revanche accompagné les progrès faits par la société américaine en matière de droits LGBT. 


La rédaction de TF1info

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