PANDÉMIE - La mortalité liée au Covid-19 bat tous les records en mars alors même que les chiffres officiels sont considérées comme sous-estimés, selon les scientifiques.
Les chiffres s'envolent au Brésil. Et avec eux, les records tombent un à un. Une semaine après avoir passé barre des 90.000 contaminations en 24 heures, le pays dépassait, mercredi, le seuil des 300.000 morts du Covid-19 depuis un an d'après les chiffres du ministère de la Santé, considérés comme sous-évalués par les scientifiques. Et le rythme actuel n'est pas train de diminuer, au contraire. Plus de 2.000 décès ont été enregistrés ces dernières 24 heures. Soit le pire bilan dans le monde, loin devant les États-Unis, la France ou l'Inde.
En accélération constante depuis la dernière semaine de février, la mortalité due au coronavirus va battre tous les records en mars depuis le début de la pandémie, il y a un an. Derrière les États-Unis, le Brésil est le deuxième pays le plus endeuillé au monde par la pandémie et totalise, sur un an, plus de 12 millions de personnes infectées pour une population de 212 millions d'habitants.
Une flambée qui suscite des inquiétudes croissantes chez ses voisins latino-américains mais aussi ailleurs dans le monde, en raison de la propagation du variant amazonien P1, qui serait plus contagieux et plus létal. Contrairement à la première vague de 2020, cette seconde vague touche tout le pays en même temps et plus durement. Depuis plusieurs semaines, les patients qui décèdent du Covid-19 sont beaucoup plus jeunes. À Sao Paulo, dans le plus grand cimetière d'Amérique du Sud, les victimes sont enterrées à la vas-vite par des hommes en combinaisons blanches.
Corps entassés dans les couloirs, décès faute de lits en soins intensifs, inquiétude autour des stocks d'oxygène... Des scènes comme celles-ci sont filmées dans quasiment tous les États, où les services de soins intensifs des hôpitaux sont au bord de la rupture et leurs personnels à la limite de l'épuisement.
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Face à l'emballement de la pandémie, hors de contrôle depuis plusieurs semaines, le président brésilien Jair Bolsonaro a, bon gré mal gré, dû revoir son discours, anti-confinement, anti-restriction et anti-vaccin, note la presse brésilienne. Autrefois un sérum qui "transforme les gens en crocodile" selon une déclaration d'il y a quelques mois, le chef de l'État mise désormais sur l'accélération de la campagne de vaccination. Des commandes massives de doses ont été passées par l'exécutif. Mardi, dans une allocution où, fait rare, il exprimait un peu d'empathie pour "tous ceux qui ont perdu un proche", le président avait promis aux Brésiliens qu'avec 500 millions de doses, ils seraient tous vaccinés avant la fin de l'année.
Pour ses détracteurs, le changement de discours arrive bien tard. Des couvre-feux ou des restrictions de l'activité comme la fermeture des bars et restaurants ont été décidées en urgence et en ordre dispersé dans plusieurs des grandes métropoles du pays pour pallier l'inaction de l'exécutif. Mercredi, le président Jair Bolsonaro a monté un comité de crise pour lutter contre le Covid-19, face aux critiques sur sa désinvolture. Son nouveau ministre de la Santé, Marcelo Queiroga a promis de tripler à un million le nombre d'injections quotidiennes. Mercredi, seulement 3,7 millions de Brésiliens avaient reçu deux doses.
Un revirement qui semble moins une prise de conscience qu'une pression politique. Le retour en politique de Lula, avec qui se profile un duel pour la présidentielle de 2022, n'y est pas pour rien, selon les observateurs brésiliens. L'ancien président travailliste a fait de son successeur et de sa stratégie chaotique face à la crise sanitaire la cible de toutes ces attaques. Un désaveu partagé à 61% par les Brésiliens, d'après un sondage récent. "Pendant 12 mois, Bolsonaro a minimisé la pandémie, provoqué des rassemblements, s'est prononcé contre l'usage de masques et a saboté les négociations pour l'acquisition de vaccins", résumait par exemple le quotidien Folha dans un éditorial.