Crash d'un Boeing à Téhéran : "Il est possible que ce soit une erreur de tir de missile"

Publié le 9 janvier 2020 à 15h51, mis à jour le 9 janvier 2020 à 20h58

Source : TF1 Info

ENQUÊTE - Le Boeing 737 d'Ukraine International Airlines qui s'est écrasé mercredi à Téhéran, entraînant la mort de 176 personnes majoritairement irano-canadiennes, avait fait demi-tour après un "problème", selon les premiers éléments de l'enquête iranienne. Quelles hypothèses peut-on tirer de ce crash ? Un ancien responsable français d'opérations aériennes répond à LCI.

Le Boeing 737 d'Ukraine International Airlines qui s'est écrasé mercredi à Téhéran avait fait demi-tour après un "problème", a indiqué l'Organisation de l'aviation civile iranienne (CAO). Le crash de l'appareil, juste après son décollage, a causé la mort de 176 personnes. Une chute survenue peu après que l'Iran a tiré des missiles dans la nuit de mardi à mercredi sur des bases en Irak utilisées par des militaires américains pour venger la mort du général iranien Qassem Soleimaani. 

Ce mercredi, PressTV, la télévision d'État iranienne, avait déclaré que le crash avait été causé par "des difficultés techniques", en citant notamment Ali Khashani, porte-parole de l'aéroport international Imam Khomeiny : "L'avion a pris feu après s'être écrasé", a affirmé cette télévision. Boeing, le constructeur américain de l'appareil, a de son côté réagi sur Twitter: "Nous sommes au courant des informations de presse qui viennent d'Iran et nous rassemblons davantage d'informations". Il s'agit aussi du crash d'avion civil le plus meurtrier en Iran.

Si l'Iran parle d'un problème technique, le Canada, l'Ukraine et même les Etats-Unis. Serguiï Danylov, secrétaire du Conseil ukrainien de sécurité et de défense a déclaré que Kiev étudiait sept thèses du crash parmi lesquelles celle d'un tir de missile, d'un attentat ou d'un problème technique : "Nous examinons minutieusement toutes les thèses, il y en a sept", a-t-il dit à l'AFP. Pour l'instant, "aucune n'est prioritaire", selon lui. Donald Trump, lui, a carrément laissé entendre qu'une erreur avait pu être commise.  "J'ai mes doutes", a déclaré M. Trump depuis la Maison Blanche. "J'ai le  sentiment que quelque chose de terrible s'est passé (...) Quelqu'un a pu faire  un erreur (...) Je ne sais pas", a-t-il ajouté.

Mais que peut-on dire à ce stade ? Un spécialiste, ancien responsable français des opérations aériennes, nous a précisé différents points. 

Une piste envisagée pourrait être une erreur de tir des Iraniens sur un avion qui n’était pas celui qui avait été choisi.
Un ancien chef des opérations aériennes

Kiev étudie sept thèses du crash parmi lesquelles celle d'un tir de missile, d'un attentat ou d'un problème technique. Quel est votre point de vue ?

Une piste envisagée pourrait être une erreur de tir des Iraniens. Beaucoup d’indices troublants plaident pour cette hypothèse : le fait que les Iraniens aient refusé de remettre les boites noires est déjà un premier indice fort. Deuxième indice troublant : le Président Hassan Rohani a évoqué clairement, lundi, l’accident tragique de l’Iran Air de 1988 (NDLR. L'Airbus de la compagnie aérienne Iran Air, abattu le 3 juillet 1988 au-dessus du Golfe Persique par un tir de missiles provenant du croiseur américain USS Vincennes, 290 victimes civiles, officiellement due à une "méprise"). Pourquoi le Président Rohani remet-il ce drame sur la table, quelques heures avant la riposte si ce n’est pour justifier quelques heures plus tard l’attaque sur un avion civil transportant des américains, par exemple, indiquant qu’il avait appliqué la loi du Talion ? 

Techniquement, comment est-ce possible ?

Dans ce cas, rien de plus facile. Un avion au décollage peut être abattu facilement par un missile sol-air portable SA-7 ou Stinger - c’est à ce moment-là que le moteur en pleine puissance dégage une forte source de chaleur facilement détectable par l’autodirecteur d’un missile sol-air portable dont le domaine de tir est optimal en basse altitude.

Qu'est-ce qui vous fait penser que c'était pas "le bon avion" ?

Si cette hypothèse est retenue, il faut alors vérifier qu’il s’agit bien d’une erreur humaine d’identification. Comme pour la méprise liée à l’Iran Air de 1988. 

C'est-à-dire ?

A l’époque, un avion de combat F-14 avait décollé de Bandar Abbas peu après l'Airbus, et son signal radar avait été confondu avec celui de l'Airbus par un officier de tir américain à bord de l’USS Vincennes. Détecter est nécessaire mais pas suffisant. Il faut savoir aussi identifier clairement l’appareil préalablement détecté. S’il s’agit d’une erreur d’identification Il faudrait donc avoir la possibilité de disposer des immatriculations des appareils décollant quelques minutes avant et après le Boeing ukrainien pour vérifier, par exemple, si ces avions transportaient des passagers américains. 

Qu'est-ce qui permettrait d'attester cette hypothèse ?

Il faudrait disposer des photos de l’appareil crashé et en particulier des moteurs pour vérifier s’ils ont été atteints par un missile infra rouge qui se dirige tout droit sur le flux du réacteur. Le plus simple, bien évidemment, serait de disposer des boites noires pour lever tous les doutes alors pourquoi les responsables iraniens ne veulent ils pas les fournir aux autorités de l’aviation civile ou au constructeur… américain ?


Romain LE VERN

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