Volodymyr Zelensky a été largement élu en avril 2019 à la tête de l'Ukraine, grâce à son passé d'acteur et d'humoriste qui l'a rendu très populaire.L'invasion russe de l'Ukraine l'a propulsé en chef de guerre, loué par ses alliés pour son "sang froid".Cible "numéro 1" de Vladimir Poutine selon lui, l'ancien comédien appelle ses concitoyens à résister.
Qualifié de "clown" lorsqu'il briguait la présidence de l'Ukraine, Volodymyr Zelensky avait répondu à ses détracteurs : "Je suis clown et j'en suis très fier". Élu en avril 2019 avec plus de 73% des voix face au sortant Petro Porochenko, l'humoriste de 44 ans, novice en politique, peut désormais se targuer d'un rôle qu'il a longtemps joué dans la série satirique Serviteur du peuple - qu'il a créée et produite - où il incarnait un professeur d’histoire propulsé à la tête du pays après avoir critiqué la corruption. Poussant le clin d'œil jusqu'au bout, son parti politique a même pris le nom de la série.
Mais sa popularité, bâtie à coups de vidéos sur Internet, peut-elle faire le poids face à l'invasion russe, dont le coup d'envoi a été donné dans la nuit de mercredi à jeudi et qui a déjà fait plus d'une centaine de morts ? "Je resterai dans la capitale. Ma famille est aussi en Ukraine. Selon des informations en notre possession, l'ennemi m'a identifié comme la cible N°1. Et ma famille comme la cible N°2", a déclaré jeudi soir solennellement le responsable ukrainien, qui avait troqué le costume pour un simple pull.
Un inexpérimenté qui "s'est imposé comme homme d'État"
"Vladimir Poutine aurait en effet donné l'ordre de viser le président Zelensky, désigné comme ennemi à éliminer physiquement, et sa famille serait en effet cible n°2", explique sur LCI, dans la vidéo en tête d'article, Cécile Vaissié, professeure en études russes à l'université de Rennes-II, qui dénonce une "barbarie à l'état pur". Mais face à cette menace, le chef d'État ukrainien, "s'est imposé comme homme d'État", assure la spécialiste. "Je suis très frappé de son sang froid", a salué ce vendredi matin sur France Inter Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères.
Une qualité souvent louée par les dirigeants occidentaux au fil des derniers mois, tandis que la tension grimpait entre l'Ukraine et la Russie. "Il s'est imposé comme homme d'État, son courage et son sang froid devant cette attaque monstrueuse ont suscité l'admiration de tous", résume Cécile Vaissié. Plusieurs pays, dont la France, envisage même son extradition. Jean-Yves Le Drian a affirmé ce matin que la sécurité de Volodymyr Zelensky était un "élément central" dans cette crise et que la France prendra "les dispositions qu'il conviendra de prendre". "Il est tout à fait envisageable qu'il parvienne à créer un gouvernement résistant en exil, comme la Biélorussie l'a fait récemment", poursuit la chercheuse.
Volodymyr Zelensky hérite d'un conflit qui a commencé en 2014 et qui est à l'origine de près de 14.000 morts en cinq ans. Cette guerre a privé l'Ukraine de contrôle sur le bassin houiller et industriel du Donbass et sur une partie de sa frontière avec la Russie. "Je n'ai pas d'expérience", mais "j'ai suffisamment de force et d'énergie", avait-il déclaré au début de son mandat. Ses adversaires, eux, dénoncent un amateurisme dangereux pour un pays en guerre. "Pas de panique", "nous allons vaincre", a-t-il affirmé jeudi sur Twitter, avant de décréter quelques heures plus tard la mobilisation générale pendant 90 jours.
Comme deux vieux frères ennemis, Vladimir Poutine l'avait à son tour taclé peu après son élection à la tête de l'Ukraine : "Pour jouer un rôle, il faut du talent. Mais pour diriger les affaires de l'État, vous avez besoin d'autres qualités, une certaine expérience, des connaissances, il faut voir les problèmes et trouver les outils pour les résoudre", avait-il lancé. Face à ces critiques, Volodymyr Zelensky s'est entouré de conseillers réformateurs et a assuré vouloir maintenir le cap pro-occidental de son pays pris en 2014.
Un comédien à prendre au sérieux ?
Père de deux enfants, le président ukrainien est originaire de la ville industrielle de Kryvy Rig, dans le centre du pays, connue pour ses complexes métallurgiques, très pollueurs. Toutefois, ce n'est pas en industriel, mais sur scène et à l'écran, qu'il a fait une carrière impressionnante. Révélé à la fin des années 1990 dans des concours de stand-up ultra-populaires dans toute l'ex-URSS, ce diplômé de droit a tourné des films renommés et multiplié les apparitions à la télévision, devenant en 20 ans un entrepreneur prospère du show-business, millionnaire en dollars.
Il est ainsi, selon des médias, le cofondateur d'un conglomérat d'entreprises spécialisées dans le divertissement ; connu en Ukraine ainsi qu'en Russie - où il était très populaire - pour des shows et des séries télévisées. D'ascendance juive, Volodymyr Zelensky a par ailleurs été longtemps accusé d'être une marionnette du sulfureux oligarque Igor Kolomoïski, un milliardaire juif ukrainien.
Parmi les promesses de campagne du président ukrainien se trouvait notamment la fin de la guerre avec la Russie, mais trois ans plus tard, force est de constater que les espoirs des Ukrainiens sont douchés. Zelensky, très populaire lors de son élection, n’est plus vu positivement que par 20 à 30% de la population. "Ce qui est plutôt un signe de bonne santé, car les Ukrainiens sont systématiquement mécontents et déçus de leur président", pointe toutefois Anne Colin-Lebedev, maîtresse de conférence à l’université Paris-Nanterre et spécialiste de l’ex-URSS, dans le Huffington Post.
Au fil de trois ans de pouvoir, il est en effet parvenu à "incarner une unité et une nation ukrainienne qui se sont constituées au cours des dernières années", estime Cécile Vaissié, en dépit des tentatives de déstabilisations russes, par le soutien aux séparatistes dans l'est du pays. Alors que l'invasion russe (qui a finalement eu lieu le 24 février) était auparavant annoncée le 16 février par certains médias, Volodymyr Zelensky avait balayé cette hypothèse, en déclarant dans une adresse à la nation : "On nous dit que le 16 février sera le jour de l'attaque. Nous allons en faire une journée de l'unité", tandis qu'il a appelé les Ukrainiens à accrocher le jour même le drapeau national bleu et jaune.
Son gouvernement était toutefois très critiqué, ses réformes économiques ayant déçu notamment, mais la chercheuse y voit là le signe d'une société où la pluralité politique était respectée. "Il maintenait un cap vers la démocratisation du pays", assure-t-elle, estimant que "le pays et la société ukrainiens sont absolument vivants", menacés par une "barbarie russe qui n'a pas de sens ni de logique".
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TF1 Info