PORTRAIT - Alexandre Loukachenko, qui a lancé un bras de fer migratoire avec l'Union européenne sur fond de tensions géopolitiques, s'accroche à la tête de la Biélorussie depuis 1994. Avec la répression impitoyable de toute opposition et une politique étrangère agressive.
Alexandre Loukachenko continue de défier l'Union européenne. Alors qu'il est accusé d'instrumentaliser la vie de réfugiés aux portes de la Pologne pour faire pression contre les sanctions de Bruxelles, le président biélorusse menace de couper l'acheminement de gaz russe, vital notamment pour l'Allemagne.
Si une discussion téléphonique a eu lieu lundi dernier entre Angela Merkel et Loukachenko, les deux camps ne lui accordent pas la même importance. Bruxelles parle de "discussions techniques" pour le rapatriement des migrants piégés à la frontière, tandis que Minsk veut y voir le début de négociations plus larges. Considéré comme dépassé par les évènements l'an dernier, lors du soulèvement populaire qui avait suivi sa réélection, Loukachenko semble s'être replacé au centre d'un jeu diplomatique féroce, comme il a toujours su le faire depuis 1994.
"Le dernier dictateur d'Europe". C'est ainsi que la secrétaire d'État américaine Condoleeza Rice l'avait rebaptisé en 2005. Un surnom qui a depuis fait florès, tant il semble coller au personnage. Cet ancien membre du Parti communiste est élu en 1994 comme premier président de la jeune république biélorusse, à tout juste 40 ans, et à la surprise générale. Le combat qu'il affiche alors contre la corruption, son bon sens paysan (il était responsable agricole dans le civil), son air patelin et ses accents virils, portent sa popularité. Alexandre Loukachenko est en butte dès le départ aux critiques du FMI et de la Banque Mondiale : l'ancien apparatchik entend refuser l'économie de marché, que toutes les anciennes républiques soviétiques sont alors en train d'adopter. Et c'est une ligne qu'il tiendra tout au long de ses mandats successifs.
Dès 1996, l'autocrate se dévoile
Dès 1996, le personnage dévoile au grand jour ses ambitions d'autocrate : referendum pour prolonger son mandat, opposition interdite d'affichage et d'accès aux médias, et prise de contrôle du Parlement avec l'arrestation de la plupart des députés. Les États-Unis et l'Union européenne refusent de reconnaître la validité du scrutin, tandis que Loukachenko met en place une rhétorique anti-occidentale dont il ne se départira plus. Chaque revers économique est attribué à la main de l'Occident, tout opposant est un valet à la solde de l'ouest.
D'élection en élection, des scrutins de plus en plus douteux
Les élections présidentielles se succèdent en 2001, 2006, 2010... Loukachenko les gagne toutes, avec à chaque fois un score autour de 80%. De scrutin en scrutin, l'OSCE ne peut que constater que les scrutins "ne respectent pas les normes internationales". Des opposants disparaissent, d'autres s'exilent. Lors de celui de 2010, des manifestations contre Loukachenko prennent de l'ampleur, mais la répression est féroce. La communauté internationale sanctionne le régime, après plusieurs années de rapprochement diplomatique. Loukachenko saura par la suite revenir dans le jeu en se posant en médiateur lors de la guerre du Donbass, entre la Russie et l'Ukraine.
Car sa position avec Moscou demeure ambiguë, et fragile. Vladimir Poutine est le bouclier de la petite Biélorussie, et lui permet de maintenir son indépendance vis-à-vis de ses voisins européens. Mais Alexandre Loukachenko redoute aussi d'être absorbé purement et simplement par son voisin à l'appétit d'ogre, comme le fut la Crimée. La dépendance énergétique du pays à l'égard de la Russie est totale, et Loukachenko juge vital de maintenir, au moins en façade, sa liberté de mouvement.
Des protestations sans précédent, et une répression impitoyable
Le dernier scrutin en 2020, qui l'a donné pour réélu avec un score à nouveau au-dessus de 80% des voix, avait jeté des centaines de milliers de personnes dans la rue, bravant les coups et les arrestations, ainsi que les risques de disparition. Des projections venues des bureaux de vote qui avaient refusé les ordres, semblaient indiquer une victoire de sa rivale dès le premier tour. Svetlana Tikhanovskaïa et les principaux opposants ont dû s'exiler à l'étranger, où Loukachenko les poursuit de sa vindicte avec des méthodes héritées du KGB, toujours actif sous ce nom en Biélorussie. L'avion d'un jeune opposant a ainsi été dérouté sur Minsk pour pouvoir l'arrêter, tandis qu'un autre responsable a été retrouvé pendu dans un parc de Kiev, en Ukraine. Cette fureur démontre cependant que le régime a tremblé en 2020, plus que jamais depuis l'accession de Loukachenko au pouvoir, 26 ans plus tôt.
Plus récemment l'autocrate de Minsk avait à nouveau démontré sa singularité extrême pendant la pandémie de Covid-19, en faisant de la Biélorussie un des seuls pays au monde à refuser d'appliquer toute forme de confinement. Aujourd'hui, Loukachenko fait à nouveau parler de lui en étant accusé d'envoyer des réfugiés sur la frontière polonaise, ou en menaçant de couper les approvisionnements en gaz russe. Pour le politologue Alexeï Makarkine, qui expliquait son fonctionnement à l'AFP, Loukachenko "est imprévisible, il utilise tous les moyens tactiques à sa disposition". "Mais il est très prévisible en termes de stratégie", poursuit le spécialiste : "Se cramponner au pouvoir à tout prix".
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Pendant que le président biélorusse essaie d'exploiter la crise migratoire à son profit, la tension à la frontière polonaise s'est encore aggravée, avec des heurts mardi 16 novembre entre forces de sécurité et réfugiés. Pour ces derniers, les conditions de survie sur place se dégradent, alors que l'hiver n'a pas encore commencé.
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