Crise des sous-marins : la France peut-elle répliquer ?

par Frédéric SENNEVILLE Frédéric Senneville
Publié le 21 septembre 2021 à 18h04, mis à jour le 22 septembre 2021 à 8h22

Source : JT 20h WE

MEILLEURS AMIS - Après la rupture d'un contrat d'armement par l'Australie, Paris a rappelé ses ambassadeurs aux États-Unis et en Australie. Emmanuel Macron, lui, a annulé sa participation à l'Assemblée générale de l'ONU. Pour autant, la France dispose-t-elle d'autres moyens que ces gestes symboliques pour riposter ?

Annulation d'un gala à Washington et de rencontres bilatérales prévues, rappel des ambassadeurs, Assemblée générale de l'ONU boudée... La France a déployé ces derniers jours un arsenal de mesures symboliques et assez détonantes dans le langage feutré habituel de la diplomatie. Objectif : exprimer sa colère après la rupture du contrat avec l'Australie, et l'annonce d'un accord entre Américains, Australiens et Britanniques (AUKUS). Si des représailles sont réclamées par des dirigeants de l'opposition, le gouvernement semble pour l'heure s'en tenir à battre le rappel de ses soutiens européens. 

Non seulement la France a été dépossédée d'un contrat monumental, mais elle a surtout été exclue d'un accord stratégique entre alliés de premier plan dans la zone indo-pacifique, et tenue à l'écart de toute information. Aucune excuse n'a depuis été formulée, par aucun des acteurs de l'intrigue, qui s'en sont tenus à rappeler leur lien indéfectible à la France. Pire, ainsi que le révèle le New York Times aujourd'hui, Joe Biden et Emmanuel Macron avaient parlé avec chaleur de leur alliance au sein de l'OTAN en juin dernier dans les Cornouailles (photo en tête de cet article), alors que le soir même et au même endroit, le président américain rencontrait Scott Morrison et Boris Johnson pour une mise au point de leur accord secret. Des voix d'opposition s'élèvent pour réclamer des rétorsions à la hauteur de l'offense, mais est-ce vraiment la stratégie que va appliquer le président français ?

Après plusieurs manifestations de sa colère, comme le rappel de ses ambassadeurs ou l'annulation de la participation du président à l'Assemblée générale de l'ONU, et dans l'attente du processus de réparation commerciale à la suite de la rupture du contrat d'armement, la France va-t-elle envisager des mesures moins symboliques ? En réalité, les moyens dont elle dispose sont assez limités. Si un retrait de l'OTAN est réclamé par une frange de l'opposition, le gouvernement n'a pas évoqué cette piste. L'hypothèse d'un boycott des produits américains n'est pas même envisagée : les États-Unis sont le deuxième partenaire commercial de la France, qui aurait donc beaucoup trop à y perdre.

C'est plutôt le rappel de ses soutiens que semble battre la diplomatie française. Le président s'est ainsi entretenu aujourd'hui avec le Premier ministre indien, et les deux dirigeants ont réaffirmé leur volonté "d'agir conjointement"dans la zone indo-pacifique, justement concernée par l'accord AUKUS.

Depuis hier, les dirigeants européens se succèdent également pour "mettre les chariots en cercle", autour de la France injustement spoliée. Ursula von der Leyen puis Charles Michel ont ainsi réaffirmé leur soutien à Paris, à la veille du début de l'Assemblée générale de l'ONU. Selon le spécialiste des Etats-Unis, Jean-Eric Branaa, c'est l'occasion pour Emmanuel Macron de "rallier les Européens à son panache blanc". C’est pour lui à une "colère politique, que l'on assiste, et qui va permettre à la France de faire avancer ses projets". Le président français cherche depuis longtemps une occasion de convaincre ses partenaires européens de se doter d'une "autonomie stratégique", qu'il a peut-être trouvé ici. Il y a un mois, le retrait américain d'Afghanistan sans concertation avait déjà stupéfait nombre de chancelleries, et remis le sujet d'une armée européenne sur la table. 

Un premier test aura lieu dès cette semaine, avec la rencontre prévue en marge de l'Assemblée de l'ONU à New York, entre le Premier ministre australien et une délégation européenne emmenée par Ursula von der Leyen. Au menu de cette rencontre justement, des discussions prévues de longue date en vue du traité de libre-échange entre l'Union Européenne et l'Australie. Une occasion d'observer à quel point le ralliement des partenaires européens de la France est effectif. Selon des sources  citées par la presse australienne, le gouvernement français chercherait d'ailleurs en coulisses à "faire dérailler" ces discussions.


Frédéric SENNEVILLE Frédéric Senneville

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