L'afflux soudain de milliers de réfugiés sur l'île italienne de Lampedusa a replacé la question de l'immigration au cœur du débat politique français.Marion Maréchal, du parti d'extrême droite Reconquête, a invoqué l'exemple australien pour éviter de telles vagues migratoires.En quoi consiste l'opération "Sovereign borders", en place depuis dix ans en Australie ?
L'ancienne députée Marion Maréchal s'est rendue la semaine dernière sur l'île italienne de Lampedusa, alors qu'affluaient près de 11.000 réfugiés, sur 200 embarcations différentes. Celle qui est actuellement vice-présidente du parti d'Eric Zemmour Reconquête a fustigé le "laxisme" des pays européens, et a cité en exemple à suivre la doctrine australienne en matière d'immigration. Mais en quoi consiste celle-ci ?
De "no way" à "zero chance"
Lancée en 2013 par le gouvernement conservateur d'alors, l'opération "Sovereign Borders" ('frontières souveraines", en français) est toujours en place, malgré les changements successifs de gouvernement. Son slogan principal avait choqué à l'époque l'opinion internationale : "No Way", proclamaient des visuels à destination des pays de provenance des migrants. C'est un jeu de mots intraduisible, "No way", littéralement "pas de chemin", signifiant tout à la fois, "aucune chance" ou "c'est hors de question". "Vous ne ferez pas de l'Australie votre maison", précisait la doctrine. L'idée est simple : la marine australienne intercepte en mer les bateaux non autorisés qui l'approchent, et les refoulent au large.
Le gouvernement australien a revendiqué l'année suivante un succès total : de plus de 20.000 migrants arrivés illégalement par bateau dans le pays l'année précédente, on était passé à zéro. Désormais, c'est chaque année une poignée de bateaux qui parvient à accoster, contre des centaines auparavant. Chaque personne interceptée, si elle n'est pas porteuse d'un visa en bonne et due forme, sera renvoyée vers son pays d'origine ou un pays tiers.
Nauru sert aussi de centre d'accueil temporaire pour les migrants, grâce à un accord entre cette île-État et le gouvernement australien. Le slogan "No way" a laissé place, sur le site du gouvernement australien, à celui moins ambigu de "Zero chance". L'opération comprenait aussi une collaboration avec les pays d'où partaient les bateaux, à commencer par l'Indonésie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Une opération difficile à contrôler
Est-ce que cela fonctionne ? Selon les chiffres donnés par le gouvernement australien, oui, et spectaculairement. Il est cependant difficile pour les journalistes locaux d'avoir accès aux données, et des soupçons de mauvais traitements persistent sans pouvoir être vérifiés. Cette opacité laisse planer un doute sur la conformation à la Convention de l'ONU sur le statut des réfugiés, qui interdit en principe de renvoyer chez lui une personne qui s'y trouve menacée ou persécutée. L'Australie a par ailleurs opté pour une "immigration choisie", en organisant une sélection des candidats à l'émigration dans leur pays d'origine.
La méthode est-elle transposable ? La géographie de l'Europe et de l'Australie sont différentes à beaucoup d'égards. L'Australie est une île, avec moitié moins de littoral que le continent européen, et une population de seulement 25 millions d'habitants, soit environ 20 fois moins que l'Union européenne. Les vagues d'immigration par voie de mer proviennent essentiellement d'Indonésie et de Papouasie-Nouvelle-Guinée, les seules assez proches pour permettre un accès par bateau. Il est également difficile d'évaluer quelle est la part des interceptions effectives, la part de la dissuasion, et celle de la collaboration des pays d'origine, dans le succès apparent de la méthode australienne.
Marion Maréchal n'est pas la première à invoquer son exemple. Depuis plusieurs mois, le Premier ministre britannique Rishi Sunak a lancé à plusieurs reprises le slogan "stop the boats" ("arrêter les bateaux", en français), face à une vague d'immigration sans précédent vers la Grande-Bretagne.
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