INFLUENCE - La Tunisie est en proie à l'instabilité suite à un "coup de force constitutionnel" de son président. Alors que la communauté internationale appelle au "respect des principes démocratiques", le spécialiste de la Tunisie, Vincent Geisser, explique à LCI à quel point cela peut influer sur la politique du pays.
"Selon la Constitution, j'ai pris des décisions que nécessite la situation afin de sauver la Tunisie, l'État et le peuple tunisien". À la crise sanitaire s'ajoute la crise politique en Tunisie. En moins de deux jours, le président, Kais Saied, a suspendu pour un mois les activités du Parlement, limogé le chef du gouvernement Hichem Mechichi et s'est octroyé le pouvoir exécutif. Un coup de théâtre qui ébranle la jeune démocratie tunisienne dans laquelle le président n'a comme prérogatives que la diplomatie et la sécurité.
Ces décisions, prises au moment où le pays est frappé de plein fouet par une crise économique et sociale accentuée par la pandémie de Covid, ont suscité des inquiétudes au sein de la communauté internationale, en particulier à Washington, Bruxelles et Paris, qui ont rapidement publié des communiqués disant leur "inquiétude" et réclamant le "respect des principes démocratiques". Pour le spécialiste de la Tunisie et chercheur au CNRS Vincent Geisser, contacté par LCI ce mardi 27 juillet, il ne fait aucun doute que ces différentes réactions internationales "vont jouer énormément sur l'évolution des prochains jours à Tunis et dans l'ensemble de la Tunisie". Le pays "est en crise de finances publiques, de partenariats", explique-t-il.
La pandémie, coup fatal à l'économie tunisienne
Les problèmes profondément enracinés du chômage et de la dégradation des infrastructures publiques, à l'origine du soulèvement populaire au printemps 2011, n'ont jamais été résolus, le pays n'ayant jamais mené les réformes nécessaires pour adapter son modèle économique.
Lourdement endettée, la Tunisie traverse une grave crise économique, marquée par un recul historique du PIB à -8,9% en 2020. En cause notamment, la chute du tourisme, qui représente 14% de son PIB, lié à la pandémie. Sa dette extérieure a par ailleurs atteint la barre symbolique des 100 milliards de dinars (environ 30 milliards d'euros), soit 100% du produit intérieur brut.
In fine, la Tunisie doit rembourser quelque 4,5 milliards d'euros sur l'année en cours et a ainsi besoin d'une rallonge de 5,7 milliards d'euros pour boucler son budget 2021, en pleine crise économique et sociale. "La pandémie s'ajoute à des déficits publics qui se sont creusés depuis dix ans et à un modèle de développement basé sur une main d'œuvre bon marché qui s'est essoufflé depuis la fin des années 1990", commentait début mai auprès de l'AFP l'expert Hakim Ben Hammouda, un ancien ministre de l'Économie.
Un nouveau prêt au lourd tribut
Pour tenter de sortir la tête de l'eau la Tunisie négocie actuellement un quatrième plan d'aide en dix ans auprès du Fonds monétaire international. Ce nouveau prêt pluriannuel se fera en contrepartie de réformes socialement difficiles, destinées à assainir ses finances et devrait entrainer une spirale d'inflation.
Fin mai, le ministre de l'Économie Ali Kooli a détaillé aux députés les principales réformes évoquées avec l'instance internationale basée à Washington. Il s'agit notamment de diminuer les subventions aux produits de première nécessité, de restructurer les nombreuses entreprises publiques, de réduire les autorisations préalables aux investissements et d'agir sur la masse salariale de l'État qui emploie 680.000 personnes dans un pays de 12 millions d'habitants et qui représente 17% du PIB. Au premier trimestre 2021, le chômage en Tunisie atteignait 17,8%.
Une dépendance à l'international encore accrue par la pandémie
Par ailleurs la Tunisie fait face depuis début juillet à un pic épidémique, avec l'un des pires taux de mortalité officiels au monde. Le pays a enregistré officiellement plus de 560.000 cas, dont plus de 18.000 décès. Confronté à une pénurie d'oxygène et de vaccins notamment, il a bénéficié d'une aide internationale massive qui confirme encore davantage sa dépendance.
Au total, la Tunisie a reçu 3,2 millions de doses, en large partie offertes, et devrait dépasser les 5 millions d’ici à la mi-août, selon le ministère de la Santé. Quelque 500.000 doses viennent de Chine, autant des Émirats arabes unis, 250.000 doses sont arrivées de l'Algérie voisine. La France a donné à elle seule cette semaine plus d'un million de doses d'Astra Zeneca et Janssen, soit assez pour vacciner 800.000 personnes.
Malgré la mobilisation à l'international comme localement, le manque de coordination ou les obstacles venus de l'administration mettent à mal la lutte de la Tunisie contre le Covid-19. Un hôpital de campagne fourni par les États-Unis en mai n'a ainsi été installé qu'en juillet et un autre offert par le Qatar n'est toujours pas fonctionnel faute de source d'oxygène. Sur les trois générateurs d'oxygène livrés par la France début juin, d'une valeur d'un million d'euros, et qui permettent d'alimenter chacun 300 lits en continu, un seul est complètement fonctionnel. En attendant, la France et l'Italie ont envoyé ces derniers jours d'importantes quantités d'oxygène en conteneurs.
❗ #COVID19 Le bâtiment Seine de la @marinenationale est arrivé à Tunis le 22/07 avec, à son bord, 3 conteneurs de + de 50 tonnes d’oxygène liquide. ➡️Complète la livraison de l’ @Armee_de_lair et de l’Espace, par A400M, d’un stock d’oxygène liquide, le 17/07. #CohésionDéfense pic.twitter.com/yuZ7sv8mG3 — Ministère des Armées (@Armees_Gouv) July 22, 2021
D'autres pays arabes comme l'Arabie saoudite, le Qatar, l'Égypte, l'Algérie ou les Émirats arabes unis, ont aussi envoyé des tonnes de matériel médical.
Selon Vincent Geisser, deux hypothèses peuvent désormais s'appliquer à l'avenir du gouvernement tunisien : "Soit le président est sur un coup politique et utilise ses pouvoirs exceptionnels, comme l'autorise en France l'article 16, pour obliger le Parlement et les partis politiques à lui obéir - donc une sorte d'autoritarisme temporaire - soit c'est le début d'une marche vers une république qui se veut démocratique mais très fortement centrée autour de la personne du président - donc une troisième République tunisienne très largement autoritaire".
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