L'armée israélienne a diffusé ce lundi une vidéo depuis le sous-sol de l'hôpital Al-Rantissi.Le porte-parole, Daniel Agari, y détaille plusieurs indices qui, selon lui, prouvent que les lieux ont été utilisés par le Hamas pour détenir des otages.Certains d'entre eux interrogent.
Les hôpitaux de la bande de Gaza servent-ils aussi de refuge aux terroristes du Hamas ? Dans une visite guidée de six minutes diffusée le 13 novembre, l'armée israélienne a diffusé une vidéo du porte-parole de Tsahal dans le sous-sol de l'hôpital pédiatrique d'Al-Rantisi, situé dans le nord de la ville de Gaza et ciblé par l'armée. Daniel Agari s'attache ainsi à démontrer que des otages ont été retenus. Mais plusieurs éléments de cette séquence sont sujets à caution.
Un abri pour les civils ou un repaire du Hamas ?
Le 10 novembre, cet hôpital pédiatrique a bien été évacué après que l'armée israélienne a encerclé le bâtiment. Seule une poignée de patients et de membres du personnel seraient restés sur place, comme le relatait alors la BBC. La vidéo est donc diffusée trois jours plus tard. Dans celle-ci, Daniel Agari, le porte-parole de l'armée israélienne, plonge dans les entrailles de l'hôpital, 20 mètres sous terre. Il commence sa visite dans une salle aux airs d'armurerie. Armes, vestes et explosifs côtoient les dessins d'enfant laissés sur les murs roses. Aucun moyen toutefois de connaitre l'origine de ces équipements, parmi lesquels six roquettes, quatre lance-roquettes, quatre fusils mitrailleurs et des gilets explosifs accompagnés de plusieurs grenades. Selon le soldat, c'est l'arsenal que le Hamas conserve dans l'hôpital. Si une équipe de CNN invitée à visiter les lieux par l'armée israélienne confirme la présence de ces armes dans le sous-sol de l'hôpital en question. Elle précise toutefois que les troupes israéliennes menaient déjà des opérations à l'intérieur de l'établissement depuis quelques heures avant leur arrivée. Pour que ce matériel puisse définitivement servir de preuves, il faudra attendre les résultats de l'enquête menée par Tel Aviv. Tsahal a indiqué qu'une équipe médico-légale testera ces objets pour confirmer tout lien potentiel avec les otages enlevés par le Hamas.
La vidéo se poursuit dans une deuxième salle. Dans celle-ci, le porte-parole de l'armée présente plusieurs éléments susceptibles de prouver non seulement que le Hamas s'était réfugié entre ces murs, mais aussi que des otages israéliens ont été détenus. À commencer par une moto, qui aurait pu servir pour enlever des civils lors de l'offensive du 7 octobre, comme le démontrent les impacts de balle visibles sur le réservoir. Il montre ensuite une chaise avec un vêtement de femme et une cordelette au niveau des pieds. En attendant les tests ADN effectués par Israël, impossible pour le moment de connaitre formellement l'identité de la personne qui y aurait été ligotée.
Au-dessus de la chaise se trouve un panneau de contrôle avec le logo de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) particulièrement visible. On identifie également un biberon et un petit outil violet, qui ressemble à un tasbih numérique, ce chapelet utilisé par les musulmans pour compter leurs prières. Selon nos recherches, le boitier blanc de l'OMS serait un système de purification d'eau à quatre pompes, comme le suggèrent les inscriptions et la présence de canalisations derrière le porte-parole ainsi que d'une large cuve. Ce dispositif a-t-il été installé pour alimenter ce sous-sol en eau potable ? Interrogée à ce sujet, l'agence des Nations Unies n'est pas revenue vers nous dans l'immédiat.
Par la suite, Daniel Agari montre face caméra une couche, des toilettes et une kitchenette. Cette présence atteste, selon le militaire, que ce lieu fut une cachette pour les terroristes du Hamas. Une accusation démentie par le porte-parole du ministère palestinien de la Santé. Dans un communiqué publié mardi, cette institution contrôlée par le Hamas a précisé que cet espace était utilisé à plusieurs reprises comme un abri anti-bombardement. Ce qui pourrait aussi expliquer la présence de toilettes, de douches et de cuisines. Auprès de CNN, le directeur des hôpitaux de la bande de Gaza, Mohammed Zarqout, a également avancé cette version. Il assure que le sous-sol servait d'abri pour des femmes et des enfants avant que l'eau de pluie ne rende leur utilisation "impossible".
Les indices visibles sur la vidéo présentée par Tsahal peuvent donc servir à confirmer une version comme l'autre. Interrogée sur l'utilisation de cette cave au moment de l'installation du système de purification d'eau afin d'en savoir plus, l'Organisation mondiale pour la Santé n'est pas revenue vers nous dans l'immédiat.
Un calendrier ou une liste de geôliers ?
Dernier élément qui interroge. Au bout du couloir, un salon est présenté comme la salle dans laquelle sont filmés les otages. Pour preuve, un papier collé au mur, bariolé de cases et de croix surlignées en jaune. "Il s'agit d'une liste de geôliers sur laquelle chaque terroriste inscrit son nom et chaque terroriste a son propre tour de garde pour surveiller les personnes qui se trouvaient ici", assure Daniel Hagari, alors que la caméra zoome sur le document en langue arabe. Mais d'après plusieurs observateurs, dont Charles Lister, chercheur au Middle East Institute, ce papier ne s'apparente pas à une liste de noms ou de choses à faire, mais à un simple calendrier.
Ce document est facilement lisible. D'après deux traducteurs, qui ont pu l'analyser pour TF1info, ce document est bien un calendrier, écrit à la main. Les jours de la semaine y sont inscrits en lettres, tandis que les dates sont en chiffres arabes. Il débute le samedi 7 octobre, date des attentats terroristes du Hamas, et s'achève le vendredi 10 novembre. Les croix réalisées au surligneur jaune, elles, couvrent la période du 7 octobre au 3 novembre inclus, sans explication donnée. En haut, il est écrit en arabe "Bataille du déluge d'Al Aqsa 7/10/2023", en référence au nom choisi par le groupe terroriste pour son attaque. Selon nos traducteurs, aucune autre indication ne figure sur ce fichier, pourtant brandi comme une preuve par le porte-parole de Tsahal.
Contactée, l'armée israélienne nous a renvoyé vers un tweet publié dans un second temps par Avichay Adraee, le porte-parole de Tsahal pour les médias arabes. Ce dernier précise bien que le papier retrouvé dans le sous-sol "indique les jours de la semaine" depuis le début de l'offensive. Dans sa réponse, Tsahal n'est pas revenue sur l'erreur diffusée par Daniel Agari dans la vidéo vue des millions de fois à travers le monde.
En résumé, le fichier diffusé par l'armée de Tsahal pose autant de questions qu'il ne donne d'indices potentiels, et commet au moins une erreur d'interprétation. Impossible, avec ces seuls éléments, de confirmer la présence du Hamas et de leurs otages dans le sous-sol de cet hôpital pour enfant. Comme le résumait l'équipe de CNN dans son reportage dans les entrailles de l'établissement, "cette guerre est pleine de controverses qui sont loin d'être résolues".
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