Iran : la révolte du voile

DOCUMENT TF1 - Résistance des Iraniennes : reportage exceptionnel au pays des mollahs

par M.L | Reportage TF1 Liseron Boudoul et Lucas Lassalle
Publié le 29 mars 2023 à 19h50, mis à jour le 29 mars 2023 à 22h49
JT Perso

Source : TF1 Info

Il y a six mois, un vent de révolte se levait en Iran, une mobilisation violemment réprimée par le régime.
Mais désormais, dans les rues de Téhéran, les Iraniennes semblent pouvoir se promener sans voile et sans être importunées.
Leur quotidien a-t-il pour autant profondément changé ?
Les envoyés spéciaux de TF1 Liseron Boudoul et Lucas Lassalle ont pu recueillir leur parole sur place.

Au pays des mollahs, le calme semble revenu dans les rues ensoleillées de la capitale. Quelques femmes marchent les cheveux au vent, sans voile, une scène inimaginable il y a encore quelques semaines. La très redoutée police des mœurs, chargée de contrôler la tenue des Iraniennes, les aurait arrêtées. C'est elle qui avait fait emprisonner Mahsa Amini, une jeune femme kurde décédée en détention le 16 septembre dernier, un drame à l'origine de la puissante contestation qui a poussé des milliers d'Iraniens dans les rues pendant six mois, pour protester contre le régime en place. Des manifestations réprimées dans la violence, faisant des centaines de morts et des milliers de prisonniers.

Mais désormais, cette police des mœurs a disparu des rues. Le régime aurait-il lâché du lest face à la ténacité de la contestation ? Devant la caméra du 20H de TF1, dans le reportage à retrouver en tête d'article, trois étudiantes assument leur choix de se dévoiler, comme une forme de résistance. "C'est notre liberté, on veut choisir comment l'on s'habille", sourit l'une d'entre elles, ses cheveux bruns tombant jusqu'aux épaules. Le symbole que les femmes ont gagné une bataille, "à 100%", poursuit-elle.

Pourtant, quelques minutes seulement après cette discussion, l'équipe de TF1 est arrêtée et interrogée par deux agents du renseignement iranien. Sous surveillance, elle doit suivre des règles strictes : la journaliste Liseron Boudoul doit porter un foulard sur ses cheveux, le tournage est interdit au niveau de toute une série de bâtiments officiels, et bien sûr lors de manifestations.

"Nous voulons être libres"

Pour ne pas être suivis, les reporters se rendent alors dans un salon de coiffure réservé aux femmes, où nombre d'entre elles ne portent pas le voile. Elles y viennent se ressourcer, en s'apprêtant. La plupart des clientes travaillent, comme Mariam, qui s'offre ce jour-là une extension de cils. "Je viens ici pour fuir la dépression", confie-t-elle, en scrutant son regard dans un petit miroir rose. "Me voir belle, avec mes nouveaux cils, ça me redonne de l'espoir." 

Entre ces femmes, une solidarité s'est nouée face à l'idéologie islamiste, souligne Mona, la manucure. "Nous voulons être libres, comme des êtres humains, normaux. Mais eux, les hommes au pouvoir, ils ne le veulent pas. Ils veulent que l'on reste des esclaves", s'indigne l'esthéticienne. Penchée au-dessus des ongles d'une cliente, qu'elle recouvre de vernis doré, elle ajoute, avec un sourire amer : "Ils vont venir m'arrêter, avec ce que je dis".

En dehors de ces quelques femmes qui osent parler, la peur se ressent encore partout. Depuis janvier, 143 personnes ont été exécutées à l’issue de "procès manifestement inéquitables", selon un expert indépendant de l'ONU. Dans les cafés prisés des jeunes le soir, personne ne souhaite prendre la parole devant la caméra. La stratégie répressive du pouvoir semble toujours fonctionner, et le régime des mollahs tient bon, notamment grâce à ses partisans. 

Plus la beauté va se dégrader avec le temps, plus la femme sans voile va mal le vivre

Mollah Hojatoleslam Abolghassemi

Parmi eux, des chiites pratiquants des quartiers sud de Téhéran. Au bazar, l'on trouve des tchadors, ces voiles iraniens, y compris pour les fillettes. Ces familles religieuses choisissent souvent des écoles coraniques pour leurs filles. Dans l'une d'elles, à laquelle l'équipe de TF1 a pu avoir accès, on étudie à la fois le Coran et les langues, le persan et l'anglais. Les élèves doivent couvrir totalement leurs cheveux, et ne peuvent pas porter du maquillage, des traditions qu'elles ne veulent pas contredire. "Le tchador, c'est le plus haut symbole de ma croyance, cela m'apporte de la quiétude et surtout la sécurité, quand je sors dehors", explique l'une des jeunes filles. "Nous, on défend les valeurs religieuses de notre société, on aimerait que toutes les Iraniennes vivent comme nous", plaide une de ses amies. 

Des valeurs martelées par les religieux rigoristes au pouvoir. Après négociation, nos reporters ont pu rencontrer un dignitaire de la République islamique, le mollah Hojatoleslam Abolghassemi. "La femme qui se dévoile, c'est pour montrer sa beauté. Elle veut se comparer aux autres femmes, mais cette beauté a une durée de vie limitée. Plus elle va se dégrader avec le temps, plus la femme sans voile va mal le vivre", déroule-t-il. Selon lui, le voile permettrait donc aux femmes de se protéger de la vieillesse, si bien que "la majorité des femmes iraniennes ne veulent pas se dévoiler totalement", assure-t-il. 

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Tout comme la République islamique, il accuse aussi les pays étrangers et en particulier les Occidentaux d'avoir orchestré les révoltes qui ont secoué le pays. À la grande mosquée de Téhéran, on alimente la même rhétorique. Lors de la grande prière du vendredi, des centaines de fidèles, des hommes, fustigent le poing levé les deux ennemis jurés de l'Iran, les États-Unis et Israël. Mais une partie de la société semble aujourd'hui en rupture totale avec le régime théocratique et dans les rues, un vent de liberté souffle encore. Une passante sourit à la caméra, l'air désinvolte et les cheveux découverts, comme un symbole d'espoir. 


M.L | Reportage TF1 Liseron Boudoul et Lucas Lassalle

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