Le parti d'extrême droite Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni est arrivé largement en tête des élections législatives italiennes, dimanche.Celle qui doit diriger le futur gouvernement est tantôt qualifiée de "fasciste", tantôt de "post-fasciste".À quoi correspondent ces termes ? Le sociologue Ugo Palheta répond à TF1info.
Une victoire qui inquiète une partie de l'Europe. Dimanche, la dirigeante du parti d'extrême droite Fratelli d'Italia, Giorgia Meloni, a largement remporté les élections législatives italiennes, obtenant plus qu'un quart des voix, et raflant la majorité absolue avec sa coalition droite-extrême droite. La future cheffe du gouvernement, qui a fait sa campagne sous la devise "Dieu, partie et famille", présente un programme très critique envers l'islam, l'immigration ou encore l'homosexualité.
Son parti est souvent présenté comme un mouvement à l'ADN post-fasciste. Mais à quoi correspond ce terme ? L'Italie va-t-elle être dirigée par une fasciste ? Ugo Palheta, sociologue, maître de conférences à l'université de Lille et auteur de La Nouvelle Internationale fasciste (Textuel), répond à TF1info.
Depuis la victoire de Giorgia Meloni, le terme de "fascisme" est régulièrement accolé à son nom. À quoi renvoie-t-il ?
Le fascisme repose sur un certain type de projet politique qui prétend viser la renaissance nationale ou civilisationnelle par une opération de "redressement de la Nation". Celui-ci vise pour l'essentiel les "ennemis de l'intérieur", à savoir les minorités, qui empêcheraient la Nation de retrouver sa "grandeur", de rester fidèle à ses racines profondes et à son identité présentée comme immuable.
Dans la vision fasciste, il y a toujours ce catastrophisme identitaire et ethno-racial, qui tend parfois vers une paranoïa de la destruction civilisationnelle en cours, selon lequel la Nation subirait un processus de délitement. "Make America Great Again", le slogan de Donald Trump, avec tout ce qu'il charrie de chauvinisme étroit, mais aussi de nostalgie et d'angoisse civilisationnelle, est un assez bon résumé de cet idéal d'extrême droite.
La rhétorique employée par Giorgia Meloni n'a rien à envier à l'antisémitisme de l'entre-deux-guerres
Ugo Palheta
Son parti est qualifié de "post-fasciste". Quelle est la différence ?
L'idée de post-fascisme correspond au fait de rompre avec certains aspects du fascisme historique pour se recentrer dans le jeu politique et ne pas être marginalisé. Cela passe notamment par le rejet de l'antisémitisme, caractéristique du fascisme de l'entre-deux-guerres, notamment sa variété allemande (le nazisme), mais toutes les dictatures d'extrême droite ont mis en œuvre des mesures contre les juifs.
Cette idéologie existe en Italie depuis plusieurs décennies...
Oui. Dans les années 1990, le dirigeant d'Alleanza Nazionale (ancêtre de Fratelli d'Italia) Gianfranco Fini, a lui-même théorisé cette rupture apparente ("post-fasciste") avec le fascisme en Italie. Il avait par exemple voyagé en Israël et critiqué à mots couverts le fascisme historique. Toutefois, la rhétorique employée aujourd'hui par Giorgia Meloni vis-à-vis des minorités autres que la minorité juive, comme les roms, les musulmans ou les immigrés, n'a rien à envier à l'antisémitisme de l'entre-deux-guerres.
Dans quelle case placer Giorgia Meloni ?
Selon moi, elle est plutôt néo-fasciste. Son projet vise à revivifier et actualiser, donc sous de nouvelles formes, le vieux projet des extrêmes droites de l'entre-deux-guerres, dont l'extrême droite fasciste. Contrairement au post-fascisme, Giorgia Meloni n'est pas en rupture avec le fascisme historique. Elle reprend par exemple la théorie du "grand remplacement", théorie néo-fasciste selon laquelle les élites et la gauche comploteraient pour remplacer les peuples européens par des peuples africains. Emploi, école, sécurité, droits des femmes... Les fascistes lisent tout à travers le prisme de l'omniprésence des immigrés et des minorités, et de leur volonté de soumettre l'Europe ou de vivre en parasites. C'est ce que fait Giorgia Meloni.