Elles pourront voyager sans autorisation : à quelles interdictions les femmes sont-elles encore soumises en Arabie saoudite ?

par Sylvia BOUHADRA
Publié le 2 août 2019 à 19h09
Elles pourront voyager sans autorisation : à quelles interdictions les femmes sont-elles encore soumises en Arabie saoudite ?
Source : Fayez Nureldine / AFP

DROIT DES FEMMES - L'Arabie saoudite a annoncé vendredi 2 août l'autorisation pour les femmes de voyager sans l'autorisation d'un tuteur. Si cette mesure s'inscrit dans les nouvelles réformes sociétales menées par le prince hériter Mohammed Ben Salman, les femmes restent assujetties à des interdictions particulièrement discriminantes.

C'est une bonne nouvelle pour les saoudiennes. Selon un décret signé du roi Salman, elles sont désormais autorisées à voyager à l'étranger et à obtenir un passeport sans l'autorisation préalable d'un tuteur masculin (père, mari, frère, fils). "Un passeport sera délivré à tout ressortissant saoudien qui en fera la demande", proclame un décret gouvernemental publié dans le journal officiel Umm Al Qura

Une avancée notable pour le pays qui tente de se défaire de son image ultraconservatrice. Sous l'impulsion du prince hériter Mohammed Ben Salman, surnommé MBS, l'Arabie saoudite a mis en place une série de mesures de libéralisation. En juin 2018, le royaume avait déjà levé l'interdiction de conduite pour les femmes. 

Toutefois, des interdictions persistent, de même que la domination masculine en Arabie saoudite. Le rapport mondial sur l'inégalité entre les sexes publié en 2017 par le Forum économique mondial (WEF) classe le pays à la 138e place sur 144. Les efforts réalisés par le pays ne sont donc pas suffisants pour réduire les inégalités entre les hommes et les femmes. De plus, l'Arabie saoudite conserve un grand nombre de lois et politiques publiques qui entravent la liberté des femmes saoudiennes.

Un tuteur de sexe masculin obligatoire

Les saoudiennes sont mise à un système de "gardien masculin" qui place le statut légal et personnel des femmes sous le contrôle de leur père, mari, frère ou même fils. Le gardien a le droit de prendre des décisions importantes à la place de la femme et celle-ci doit obligatoirement obtenir la permission de son tuteur masculin pour étudier dans le pays ou à l'étranger, travailler, se marier, sortir ou même parfois se soigner. L'ONG Human Rights Watch décrit ainsi la position de la femme saoudienne comme identique à celle d'un mineur.

Les abus sont donc nombreux : des détenues bloquées en prison après avoir purgé leurs peines parce qu'elles n'ont pas été réclamées par leurs tuteurs ou encore une saoudienne incapable de renouveler son passeport parce que son père, seul responsable légal, est tombé dans le coma (situation qui ne devrait plus se reproduire désormais). 

Pour autant, dans le domaine de l'emploi, les restrictions liées au système du gardien ont été assouplies, dans un contexte de de diversification de l'économie du royaume. Le prince Mohammed ben Salman a présenté un plan de développement économique baptisé "Vision 2030", dont l'un des objectifs est de faire passer le taux d'emploi des femmes de 22 à 30% d'ici une dizaine d'années. Son père a ainsi signé un décret autorisant les femmes à obtenir en ligne un permis pour créer une entreprise. La police a également ouvert ses rangs à des officiers femmes. 

Le contact avec les hommes reste interdit

Tout contact avec un homme autre qu'un membre de leur famille reste cependant prohibé. Une interdiction valable également dans les espaces publics, où elles n'ont pas le droit d'établir de contact visuel avec un homme. Certains métiers leurs sont alors interdits, tels que ceux impliquant un contact avec le public, excepté dans les hôpitaux. Pour étudier, elles doivent par ailleurs aller dans des universités réservées aux femmes. 

Il leur est également interdit de montrer leurs cheveux et elles doivent obligatoirement porter une abaya (une longue robe noire couvrant tout le corps). Pendant longtemps, la police religieuse veillait scrupuleusement à ce que les règles de la charia soient respectées et patrouillait les rues pour réprimander les femmes pas assez couvertes. Ses pouvoirs ont été réduits et aujourd'hui, il est désormais possible de voir, dans certaines villes comme Ryad, des femmes circuler sans foulard.

Les mobilisations réprimées

Les mouvements pour les droits des femmes restent enfin largement réprimés dans le royaume. Les autorités n'hésitent pas à emprisonner des militants qui font campagne en faveur de l'égalité. Sept femmes avaient ainsi été arrêtées en mai 2018 alors qu'elles militaient justement pour le droit de conduire. Parmi elles, Loujain al-Hathloul,détenue en 2014 pendant 73 jours après avoir tenté de traverser en voiture la frontière entre les Emirats arabes unis et l'Arabie saoudite. 

L'ONG Amnesty International dénonçait alors une campagne de diffamation de la part de des autorités saoudiennes et des médias affiliés au gouvernement envers ces détenus, afin de les faire passer pour des "traîtres".


Sylvia BOUHADRA

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