CORDON SANITAIRE - Candidat à l'élection municipale de Barcelone, Manuel Valls a supprimé une vidéo de campagne dans laquelle apparaît une militante d'extrême-droite qui soutenait sa candidature. L'ancien premier ministre a également critiqué le choix du parti de centre-droit Ciudadanos, qui le soutient, de s'appuyer sur l'extrême-droite pour gouverner Andalousie.
La séquence, de quelques secondes, aurait pu passer inaperçue. Elle apparaît sur une vidéo de pré-campagne de Manuel Valls, l'ancien premier ministre français, désormais candidat à l'élection municipale de Barcelone. "Manuel Valls, pour Barcelone, c'est le changement, l'union et l'espérance", affirme une jeune femme.
Cette vidéo, publiée le 27 décembre 2018, a désormais disparu du compte Twitter officiel du Catalan. Et pour cause : la jeune femme en question a été reconnue par des internautes : quelques mois plus tôt, elle chantait à Barcelone la version de l'hymne espagnol en vigueur pendant la dictature franquiste, et insultait les indépendantistes ainsi que le drapeau catalan. Ce qui n'a pas échappé à un militant indépendantiste catalan, qui a superposé les deux séquences.
Manuel Valls escoge una Chica Franquista para su 1er vídeo de campaña La chica alza el brazo en medio de la Plaza Catalunya, cantando Himnos Franquistas y gritando: Viva España, Hijos de puta! pic.twitter.com/LB7Qy87SCf — . (@ericcatalunya) 28 décembre 2018
Des paroles associées au franquisme
Contactée par LCI, l'équipe de campagne de Manuel Valls indique avoir "décidé de supprimer la vidéo" après avoir "confirmé les antécédents de la fille", et assure que ces antécédents n'étaient pas connus au moment de la publication de la vidéo, les séquences de soutiens ayant été "enregistrées de manière aléatoire".
L'hymne espagnol, intitulé "Marcha Real" ("Marche royale") n'a en effet jamais eu de paroles officielles depuis qu'il a été composé, au XVIIIe siècle. Mais sous la dictature de Franco, l'hymne était accompagné d'un texte du poète franquiste José María Pemán. Depuis, ces paroles sont considérées comme un signe de ralliement des nostalgiques de Franco.
Un premier couac dans la campagne de Manuel Valls, qui se trouve confronté en Catalogne à un jeu politique bien particulier. L'ancien chef du gouvernement français, opposé à l'indépendance de la région, fait campagne sur l'idée que Barcelone possède une triple identité : catalane, espagnole et européenne.
Ciudadanos, qui soutient Valls en Catalogne, pourrait gouverner avec l'extrême-droite en Andalousie
Dans sa quête de la mairie de la capitale catalane, il est soutenu par le parti de centre-droit Ciudadanos, opposé lui aussi à l'indépendance de la Catalogne. Sauf que Ciudadanos pourrait être contraint de devoir s'appuyer sur l'extrême-droite dans une autre région espagnole : l'Andalousie.
À l'issue des élections régionale de décembre dans cette communauté autonome du sud du pays, le Parti socialiste va être délogé du pouvoir car il n'a remporté qu'une majorité relative de 33 sièges sur 109. Il est suivi par le parti de la droite traditionnelle, le Partido popular (PP), avec 26 sièges, et par Ciudadanos, avec 21 sièges. Ces deux formations de droite ont conclu un accord pour gouverner l'Andalousie, permettant au PP de décrocher la présidence de l'exécutif régional, et à Ciudadanos la présidence du Parlement d'Andalousie.
Valls opposé à tout accord entre ses alliés Ciudadanos et l'extrême-droite de Vox
Le problème, c'est qu'à eux deux, le PP et Ciudadanos n'ont qu'une majorité relative, et doivent compter sur les voix de la formation d'extrême-droite Vox, qui a fait une entrée fracassante dans le paysage espagnol en remportant 12 sièges au Parlement andalou. Depuis, Vox fait pression sur le PP et Ciudadanos pour imposer au nouveau gouvernement des éléments de son programme anti-féministe et anti-immigration. Mais pas sa présence au gouvernement. Jusqu'ici, les deux formations de droite n'ont pas fermé la porte à un accord.
Manuel Valls, pourtant soutenu par Ciudadanos en Catalogne, a décidé fin décembre de déclarer la guerre à Vox, associant le parti au reste de l'extrême-droite européenne et affirmant que tout accord avec Vox serait une "erreur politique" et une "incohérence morale". Le candidat Valls a estimé qu'il était préférable d'abandonner le pouvoir en Andalousie plutôt que de pactiser avec l'extrême-droite.
Es mejor perder votos, o incluso el gobierno, que traicionar las propias convicciones y los valores democráticos. Este es un principio que debería aplicarse siempre en #España ; hoy en #Andalucía , así como en #Cataluña y en #Barcelona . — Manuel Valls (@manuelvalls) 27 décembre 2018
Selon un sondage paru en octobre, Manuel Valls (avec l'étiquette Ciudadanos) pointait en troisième position des intentions de vote pour les municipales de Barcelone, qui auront lieu en mai 2019, largement derrière la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), une formation de gauche indépendantiste, et Barcelone en commun, une plateforme de gauche dont est l'actuelle maire de la capitale catalane, Ada Colau.
Natif de Barcelone, Manuel Valls était selon ce même sondage le candidat le moins apprécié par les personnes interrogées. Quelques mois plus tôt, il avait été pointé du doigt pour avoir choisi comme conseiller pour sa campagne le controversé Josep Ramon Bosch, un homme d'affaires dont la proximité avec l'extrême-droite avait été révélée par plusieurs enquêtes.