En Irak et en Syrie, les obus au phosphore de la coalition internationale dans le viseur

Publié le 15 juin 2017 à 8h00
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Source : JT 13h Semaine

CONFLIT - Alors que la reprise des villes de Raqqa (Syrie) et Mossoul (Irak) des mains de Daech est en cours, des critiques s'élèvent contre l'utilisation par la coalition internationale de l'usage d'obus au phosphore. Une arme légale mais aux effets terribles.

Les images du ciel de Raqqa sont éloquentes. Il y a une poignée de jours, la ville syrienne et bastion de Daech a été le théâtre de bombardements au phosphore blanc. Une arme au statut ambigu au regard du Droit international, véritable caillou dans le pied de la coalition internationale.

A l'heure où la ville vacille plus que jamais, la coalition menée par Washington voit en effet s'accumuler les critiques sur ses agissements dans la zone irako-syrienne. Dernier exemple en date ce mercredi, avec Human Rights Watch : "Peu importe comment il est utilisé, le phosphore blanc présente un risque élevé d'effets néfastes et durables sur les villes densément peuplées", souligne Steve Goose, directeur de la division Armes de l'ONG. Et d'appuyer : "Les forces conduites par les Etats-Unis doivent prendre toutes les précautions possibles pour minimiser les risques pour la population civile quand elles utilisent du phosphore blanc en Irak et en Syrie".

"Brûlures du second ou du troisième degré"

Un phosphore particulièrement néfaste sur le terrain. Et pour cause : ce produit "s'enflamme au contact de l'oxygène, et continue de brûler à une température pouvant atteindre 816 degrés", a détaillé HRW dans un précédent rapport. De son côté, le Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité (GRIP) a précisé que "cette substance brûle jusqu'à ce qu'elle disparaisse, en provoquant des brûlures du second ou du troisième degré (qui peuvent atteindre les os) sur toutes les parties exposées des personnes touchées par les particules". Des dommages collatéraux mis de côté par les instances militaires, qui préfèrent vanter les mérites de cette arme incendiaire, utilisée pour le panache de fumée qu'elle dégage, pratique pour dissimuler des opérations. Les obus de phosphore permettent aussi d'illuminer un champ de bataille.

A la vue des images capturées le 8 juin par Raqqa Is Being Slaughtered Silently, un groupe d'activistes syriens, on devine les ravages que peuvent provoquer sur le terrain ces obus au phosphore. Surtout que, selon les Nations Unies, il reste environ 160.000 habitants à Raqqa. Interrogé à ce sujet, le colonel Ryan Dillon, porte-parole de la coalition, a préféré botter en touche à propos des "détails de l'utilisation de nos munitions ou de nos capacités (militaires)", précisant seulement que le phosphore blanc était utilisé "conformément au droit de la guerre". Même réserve du côté des autorités françaises. Joint par LCI, le Quai d'Orsay a rappelé que "la protection des civils est une priorité constante de la France dans la conduite des opérations contre Daech."

Quelques jours plus tôt, c'est la ville de Mossoul qui était également visée :

Son utilisation contre la population civile interdite

Des opérations qui peuvent être menées avec cette arme tout à fait légale, puisqu'il ne s'agit pas d'un obus chimique. En conséquence de quoi l'usage des armes au phosphore n'est pas régi par la Convention sur les armes chimiques (CWC) mais par le Protocole III de la Convention sur les armes classiques (CCWC). Ce protocole signé par 114 pays dont les Etats européens, les Etats-Unis et la Russie, interdit l'utilisation d'armes incendiaires contre la population civile et les objectifs militaires situés à l'intérieur d'une concentration de civils.

Reste à savoir dans quelle mesure cette Convention est appliquée sur le terrain. L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a fait état de la mort de 23 civils, tués le 8 juin à Raqqa par du phosphore blanc. L'Observatoire avait indiqué que des munitions au phosphore avaient été lancées par des avions de la coalition.


Thomas GUIEN

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