Cinq questions pour tout comprendre au référendum sur l’indépendance de la Catalogne

Publié le 1 octobre 2017 à 11h59, mis à jour le 1 octobre 2017 à 14h44
Cinq questions pour tout comprendre au référendum sur l’indépendance de la Catalogne

DÉCISIF – Du déroulement du scrutin à la genèse des tensions entre Barcelone et Madrid aux multiples conséquences possibles, tour d’horizon du référendum sur l’indépendance de la Catalogne en cinq questions.

La pression monte. Alors que doit avoir lieu ce dimanche le référendum interdit par le gouvernement espagnol, qui le juge illégal, sur l’indépendance de la Catalogne, les tensions entre Madrid et Barcelone sont à leur comble. Déterminées à organiser ce vote malgré l’étreinte exercée par Madrid – arrestations d’élus et de hauts-fonctionnaires, saisie de matériel électoral – ces dernières semaines, les autorités catalanes, leur chef Carles Puigdemont en tête, espèrent faire du 1er octobre une date fondatrice du processus d’autodétermination. Un processus ancien qui s’est accéléré depuis 2015 avec l’obtention par les indépendantistes de la majorité au Parlement régional. 

Mais le scrutin pourra-t-il réellement avoir lieu ? Et dans quelles conditions ? Quels sont les différents scénarios possibles ? Les répercussions à prévoir ? Du déroulement même du vote à la genèse des tensions entre la Catalogne et le pouvoir central en passant par les multiples conséquences possibles, tour d’horizon des questions qui se posent à l’aune de ce référendum historique. 

Dans quelles conditions le scrutin aura-t-il lieu ?

C’est la grande inconnue. Les séparatistes au pouvoir en Catalogne ont assuré vendredi que 2315 bureaux de vote seraient mis en place dimanche. Quelque 7300 personnes doivent en assurer le fonctionnement, sans compter les nombreux manifestants qui pourraient venir leur prêter main forte. Mais pas sûr que ces moyens soient suffisants face à ceux, conséquents, déployés par le gouvernement espagnol de Mariano Rajoy. 

Madrid a dépêché dans la région plus de 10.000 policiers et gardes civils en renfort des 6000 qui y sont basés normalement. Leur objectif : empêcher la tenue du scrutin quitte à occuper de force les bureaux. Ces derniers jours, les forces de l’ordre ont déjà saisi des millions de bulletins de vote et 45.000 convocations d'assesseurs. Les listes électorales n'ont par ailleurs pas été publiées et les partisans du "non" ont annoncé leur intention de boycotter les urnes. Pas de quoi décourager les partisans de l’indépendance. Selon Jordi Vera, coordinateur du mouvement français Oui au Pays Catalan, interrogé jeudi par LCI, "des bulletins circulent de partout, les gens en ont des paquets dans les coffres de leurs voitures, dans leurs maisons". 

Quelle est l’origine des tensions ?

Si elles ne sont pas rompues, les relations entre les autorités espagnoles et catalanes sont au plus bas. À tel point que les dirigeants des deux camps s’accordent pour parler de la pire crise politique connue par le pays depuis la mort de Franco en 1975. Les tensions ne datent cependant pas d’hier : (ré)apparues en 2010 après que la Cour constitutionnelle a détricoté le statut d’autonomie de la Catalogne, obtenu quatre ans auparavant, elles n’ont fait que croître depuis. Intransigeant, le pouvoir central de Madrid ferme la porte à toute forme de négociations. Mais ce jusqu’au-boutisme a renforcé les séparatistes, dont le poids politique n’a cessé d’augmenter jusqu’en septembre 2015, lorsqu’ils sont, pour la première fois, devenus majoritaires en sièges (mais pas en voix) au Parlement régional. Deux ans plus tard, la crise semble à son paroxysme depuis que la  Cour constitutionnelle espagnole a accepté la demande du gouvernement de "suspendre" le processus référendaire. Elle pourrait néanmoins continuer à s’aggraver ces prochains jours et prochaines semaines. 

Quels sont les différents scénarios possibles ?

Vu le boycott annoncé des partisans du "non" et quel que soit le niveau de participation, la victoire du "oui" dimanche paraît inéluctable. Un état de fait dont les dirigeants indépendantistes chercheront, dans tous les cas, à tirer profit. Première possibilité : les autorités catalanes pourraient lancer un appel à la mobilisation générale dans toute la Catalogne, en sachant qu’une grève prolongée ferait du tort à l'économie espagnole. L’idée serait alors de mener dans le même temps de difficiles négociations sur les questions d'autonomie, notamment financière. 

Autre option : les séparatistes pourraient décider d’une proclamation d'indépendance unilatérale, qui contraindrait Madrid à réagir. L'Etat aurait dans ce cas la possibilité de suspendre l'autonomie de la Catalogne et, par exemple, de prendre le contrôle de sa police pour arrêter les dirigeants catalans. Mais le pari serait risqué pour Mariano Rajoy ; nul ne doute que les images d’indépendantistes encadrés de policiers feraient alors le tour du monde. Selon Gabriel Colome, professeur de Sciences politiques à l'Université autonome de Barcelone, les autonomistes seraient en mesure de "passer de la logique de l'indépendance à celle de la défense de la démocratie contre un Etat répressif". Enfin, sans proclamer l'indépendance, le gouvernement de Catalogne pourrait choisir de dissoudre le Parlement régional pour convoquer de nouvelles élections et ainsi permettre de rentabiliser les effets de la crise en obtenant une majorité encore plus forte. 

Que pèse la Catalogne par rapport à l’Espagne ?

Un poids colossal. Peuplée de 7,44 millions d’habitants (seule l’Andalousie fait mieux avec 8,4 millions d’habitants), la Catalogne représente près de 16% de la population totale d’Espagne (46,5 millions d’habitants). Démographiquement importante, la région l’est encore plus économiquement puisqu’elle représente, avec un PIB de 211,9 milliards d’euros, 19% de la richesse du pays. Si elle est devancée par Madrid (32.723 euros), le Pays Basque (31.805 euros) et la Navarre (29.807 euros), la Catalogne est, avec 28.590 euros par habitant et par an, la quatrième communauté autonome espagnole – sur 17 – où les gens sont les plus aisés. À titre de comparaison, le PIB moyen par habitant est de 24.100 euros par an dans l’ensemble de l’Espagne.  

Un tel processus pourrait-il voir le jour en France ?

Comme la Catalogne en Espagne, plusieurs régions françaises ont déjà manifesté des velléités autonomistes voire indépendantistes. Du Pays Basque à l’Alsace en passant par la Bretagne ou certains territoires d’outre-mer, les exemples sont nombreux. Mais si ces désirs sécessionnistes existent, il est toutefois difficilement imaginable d’assister à un scénario de type catalan dans l’Hexagone. La France devrait donc conserver, pour quelque temps au moins, ses frontières actuelles. Mais pas forcément son découpage administratif. À l’instar de la Corse, qui, comme Mayotte, la Guyane ou la Martinique, deviendra collectivité territoriale unique (CTU) à partir du 1er janvier 2018, certains partis régionalistes catalans rêvent de s’autodéterminer. L’article 72 (articles 73 et 74 pour les ultramarins) de la Constitution française permet en tout cas la mise en place d’une telle CTU, un statut offrant de plus grands moyens de décision.


Alexandre DECROIX

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