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Etats-Unis : des groupes antivax suggèrent à tort que Trump veut interdire les vaccins obligatoires

Publié le 9 juin 2020 à 19h48
Aux Etats-Unis, la vaccination est théoriquement obligatoire.

Aux Etats-Unis, la vaccination est théoriquement obligatoire.

Source : MANDEL NGAN / AFP

À LA LOUPE – Des publications trompeuses indiquent que le président américain s'oppose à une vaccination obligatoire. Ce n'est pas le cas, même si les citoyens américains peuvent traditionnellement refuser des vaccins en prétextant divers motifs, notamment religieux.

D'importantes communités se forment sur les réseaux sociaux, réunies par une opposition à la vaccination. Alors que de nombreux chercheurs travaillent d'arrache-pied pour mettre au point un vaccin contre le Covid-19, des citoyens préviennent d'ores et déjà qu'ils le refuseront avec fermeté s'il leur était proposé. 

Dans ce contexte, une publication a été relayée sur Facebook, indiquant que la Maison Blanche avait "fait interdire les vaccins obligatoires" aux Etats-Unis. Selon elle, "le président Trump a créé une nouvelle division au sein du Bureau des droits civils de la santé et des services sociaux, en 2017, dans le but express d’interdire les vaccinations obligatoires dans tout le pays, et de garantir aux citoyens le droit de choisir leurs propres soins de santé."

Des obligations…et des dérogations

Les médias ont-ils "désespérément cherché à faire taire cette nouvelle", comme l'indique l'auteur de ce message ? Pas vraiment : la presse américaine a en effet relayé le lancement, en janvier 2018, de la "Conscience and Religious Freedom Division", ou "division en charge de la liberté de conscience et religieuse" au sein du très officiel département de la Santé et des Services sociaux (HHS).

La mise en place de cette entité n'a pas conduit à interdire les vaccins obligatoires, mais à renforcer le droit des Américains (qu'ils soient médecins ou simples citoyens) à s'opposer à des traitements ou des pratiques médicales. Le tout sur la base de motifs religieux ou relatifs à la liberté de conscience. Notons que cette liberté était déjà donnée aux médecins, mais que Donald Trump a souhaité l'élargir et la renforcer.

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En pratique, les professionnels de santé disposent d'un cadre légal leur permettant de s'opposer à la réalisation d'une multitude d'actes médicaux : avortement, stérilisation, suicide assisté… Ils sont libres, pour motiver leur refus, d'avancer leur liberté de conscience ou des motifs religieux.

Le renforcement des garanties apportées au corps médical n'a pas fondamentalement changé l'approche des Américains en matière de vaccination. Comme le souligne l'agence fédérale de santé publique, "des lois fixent les obligations vaccinales pour les écoliers", celles-ci s'appliquant "autant aux enfants qui se rendent dans les établissements publics qu'à ceux allant dans le privé ou à la crèche." Il faut néanmoins noter que tous les Etats acceptent des "exceptions médicales", tandis que "certains Etats [une petite trentaine, NDLR] offrent également la possibilité de s'opposer à la vaccination pour des raisons religieuses ou philosophiques". 

Il est dont tout à fait faux d'affirmer que Donald Trump a fait interdire les vaccins obligatoires aux Etats-Unis, puisqu'il était déjà possible avant sa présidence de s'opposer à la vaccination de son enfant. Sous sa présidence, la liberté de conscience a seulement été réaffirmée, s'accompagnant de mesures concernant d'autres pratiques médicales comme l'avortement, non centrées sur la vaccination.

Des positions contradictoires

De l'extérieur, les Etats-Unis pourraient sembler hostiles à la vaccination, mais l'on s'aperçoit en étudiant les statistiques et la position des autorités que cette impression ne se traduit pas nécessairement dans les faits. Les agences de santé promeuvent en effet la vaccination et la présentent comme un outil central dans la lutte contre les maladies. Elles mettent d'ailleurs à disposition un calendrier de vaccination qui permet de visualiser les différents vaccins recommandés et les âges auxquels ils doivent être dispensés. 

Le fait de laisser les individus libres d'accepter ou non de se soumettre à une vaccination obligatoire se mesure dans les données de santé. Les autorités américaines indiquent en effet que 17% des enfants âgés de 19 à 35 mois ne sont pas vaccinés contre le trio diphtérie, tétanos, coqueluche, tandis qu'en France, cela concerne moins de 5% des enfants. Même chose pour la polio, où l'on observe une couverture vaccinale moindre outre-Atlantique. On note enfin que des disparités s'observent entre le différents Etats. 

Donald Trump lui-même se montre ambigu lorsqu'il s'agit de prendre position sur les vaccins. "Je n'aime pas l'idée d'injecter un truc nocif dans mon corps", déclarait-il voilà quelques années au sujet d'une vaccination contre la grippe. Une position hostile venue conforter des déclarations de 2007, où il liait vaccination et autisme au grand dam des scientifiques. Pour autant, le président américain n'a pas hésité à défendre un vaccin contre le Covid-19, estimant en mars dernier que les enfants se devaient "de disposer de leur dose". Un revirement étonnant puisque Donald Trump a poursuivi en indiquant que "les vaccinations étaient particulièrement importantes aujourd'hui". 

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Thomas DESZPOT

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