Sania Khan est une jeune photographe pakistanaise vivant à Chicago.Fin juillet, elle a décidé de partager sa séparation sur TikTok pour lutter contre la stigmatisation du divorce dans la communauté musulmane d’Asie du Sud.Jusqu’à ce que son ex-mari revienne et l’assassine.
Elle avait bouclé ses valises, prête à quitter Chicago et le traumatisme d'une relation qui a mal tourné, pour commencer une vie solo dans son Tennessee natal. Mais Sania Khan, 29 ans, n'en a pas eu l'occasion. Son corps sans vie a été retrouvé le 18 juillet dernier près de la porte d’entrée de l’appartement qu’elle partageait avec son ex-mari, Raheel Ahmad, 36 ans, dont elle était séparée. Elle présentait une blessure par balle à l’arrière de la tête. Son ex-compagnon, lui, avait retourné l'arme contre lui à l'arrivée de la police.
Ce fait-divers tragique est le dernier chapitre de la vie de Sania Khan, une jeune photographe pakistano-américaine qui s’était récemment fait connaître sur TikTok en tant que porte-parole des femmes luttant contre le traumatisme du mariage et la stigmatisation du divorce dans la communauté musulmane d’Asie du Sud. Sa mort a ébranlé ses amis et ses abonnés en ligne, ainsi que d'autres femmes sud-asiatiques qui disent avoir ressenti la pression de rester dans des relations malsaines pour le bien des apparences.
Un divorce considéré comme "honteux"
Après avoir fréquenté Ahmad pendant cinq ans, majoritairement à distance, Sania l'avait épousé en juin 2021. "Ils ont eu un fabuleux mariage pakistanais", se souvient un ami d'enfance dans le BBC News. "Mais le mariage a été construit sur une base de mensonges et de manipulation." Ses proches affirment par ailleurs que son ex-mari avait des problèmes de santé mentale depuis longtemps. Ces derniers auraient atteint leur paroxysme en décembre dernier lorsque, selon son ami, Ahmad a fait une énorme crise. Sania lui aurait alors confié ne pas se sentir en sécurité.
Face à cette situation, la jeune femme commence à s'épancher sur son mariage malheureux. Mais elle ne sait pas quoi faire. En mai dernier, elle explique à une de ses amies que "le divorce est considéré comme honteux dans sa communauté et qu’elle se sent extrêmement seule". Mais avec le soutien de ses amis, Sania demande le divorce et obtient une audience en août pour finaliser la séparation. Elle demande également une ordonnance restrictive et change les serrures de ses portes.
C'est là qu'elle commence à partager son histoire sur TikTok, se décrivant comme "le mouton noir" de sa communauté. Sania confie même : "Vivre un divorce en tant que femme sud-asiatique donne parfois l'impression d'avoir échoué dans la vie. Les membres de ma famille m’ont dit que si je quittais mon mari, je laisserais 'Shaytân' (le diable en arabe) gagner, que je m’habille comme une prostituée et que si je retourne dans ma ville natale, ils se tueront", explique-t-elle.
Très vite, les messages de la jeune femme deviennent viraux. Mais "elle reçoit aussi des réactions négatives" pour avoir diffusé la rupture de son mariage, confie une amie. Bisma Parvez, 35 ans, une femme musulmane pakistano-américaine qui la suivait sur les réseaux sociaux, se souvient : "Après la première vidéo que j'ai vue d'elle, j'ai juste prié pour elle", déclare-t-elle sur BBC News. "On dit aux femmes dans ces situations de faire preuve de 'sabr' (patience en arabe) et, dans une relation abusive, la patience n'est pas la réponse." Au moment de sa mort, plus de 20 000 personnes suivaient Sania Khan sur TikTok.