COMMÉMORATION - Un siècle après le massacre d'Afro-Américains à Tulsa, le président américain Joe Biden s'est rendu, mardi 1er juin, sur les lieux de la tuerie, longtemps ignorée par l'histoire des États-Unis.
Une visite historique pour "rompre le silence". Un siècle exactement après le massacre ayant visé la population noire de Tulsa, Joe Biden s'est rendu, mardi 1er juin, dans cette ville d'Oklahoma, promettant de combler le fossé racial encore béant aux États-Unis. Il est le premier président américain à commémorer la destruction du quartier de Greenwood survenu en 1921.
Il y a 100 ans, jour pour jour, le quartier peuplé d'Afro-Américains, surnommé "Black Wall Street"pour sa prospérité économique, a été complètement détruit par des hommes blancs sûrs de leur impunité, avec la complicité de la police locale. Cet épisode de violences a "trop longtemps été oublié dans notre Histoire. Aussitôt qu'il s'est produit, il y a eu un effort manifeste pour l'effacer de notre mémoire", a dénoncé l'ancien vice-président de Barack Obama. "Certaines injustices sont si atroces, si terrifiantes, si douloureuses qu’elles ne peuvent pas rester enterrées. (...) Ce n'était pas une émeute, c'était un massacre."
Cette mise à feu et à sang s'était opérée, les 31 mai et 1er juin 1921, après des tensions provoquées par l'arrestation d'un jeune cireur de chaussures noir accusé de l'agression d'une femme blanche. Le 31, des Afro-Américains venus le défendre s'étaient trouvés face à des centaines de manifestants blancs en colère devant le tribunal de Tulsa. Dans une ambiance tendue, des coups de feu avaient été tirés, et ils avaient fui vers leur quartier de Greenwood. Le lendemain, à l'aube, des Blancs avaient pillé et brûlé commerces et maisons de ce qui était alors surnommé "Black Wall Street", exemple de réussite économique.
Jusqu'à 300 morts et 10.000 personnes sans abri
Malgré un bilan humain difficile à chiffrer, l'attaque a fait jusqu'à 300 morts Afro-Africains, selon les historiens, laissé 10.000 personnes sans abri, détruisant la plupart des bâtiments et, du même coup, la vie économique du quartier. Aucun responsable blanc n'a été condamné, les compagnies d'assurance, prétextant qu'il s'agissait d'émeutes, avaient refusé de rembourser les victimes du drame. La police avait même armé certains assaillants, selon le rapport d'une commission d'enquête. Finalement, les autorités allèrent jusqu'à accuser les habitants du quartier de Greenwood d'avoir fomenté une émeute.
Les enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants des victimes attendaient du président Biden qu'il "rende justice", au nom de ceux qui n'ont pas survécu, avait confié à l'AFP Kristi Williams, l'une d'entre eux. Selon elle, le pays "a l'opportunité de réparer le tort" causé à sa communauté. Le 19 avril dernier, certains des derniers survivants centenaires s'étaient déplacés à Washington pour témoigner devant le Congrès et demander à ce que le pays reconnaisse leur souffrance. Dès 2001, une commission avait recommandé que les habitants reçoivent une compensation. Jusqu'ici, ces appels sont restés vains.
Maintenant, votre histoire sera exposée en pleine lumière
Joe Biden, président des États-Unis
Dans cette localité de l'Oklahoma, État du Sud esclavagiste et un des bastions du Ku Klux Klan, les effets de cette destruction se ressentent encore aujourd'hui. "Quand les touristes visitent Tulsa, ils n'arrivent pas à croire à quel point la ségrégation est toujours présente, ou à quel point le racisme est évident", a expliqué Michelle Brown, responsable des programmes éducatifs au centre culturel local. Pour LaShaundra Haughton, 51 ans, arrière-petite-fille de survivants du massacre, "il est temps de guérir, il est temps de dire la vérité, il est temps de tout mettre en lumière". Une volonté de transparence récemment illustrée par les fouilles entreprises pour retrouver les fosses communes, où avaient été enterrées les nombreuses victimes noires.
Lundi, le maire de Tulsa George Bynum a présenté des excuses formelles pour "l'incapacité de la municipalité à protéger notre communauté en 1921". "Maintenant, votre histoire sera exposée en pleine lumière", a affirmé Joe Biden, en présence de trois survivants centenaires du massacre, sans aller jusqu'à promettre des mesures concrètes de réparations financières aux descendants de victimes. Son administration a toutefois annoncé des mesures d'aide économique à la population afro-américaine, censées faciliter notamment leur accession à la propriété ou la création d'entreprises. Il a également condamné les restrictions "absolument sans précédent" du droit de vote des Afro-Américains adoptées par certains États conservateurs.
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