Les électeurs américains sont appelés aux urnes le 8 novembre pour les élections de mi-mandat.Le camp républicain pourrait reprendre le contrôle du Congrès à cette occasion.L'ancien président Donald Trump pourrait-il accentuer son influence avec ce scrutin ? Décryptage avec la politologue Nicole Bacharan.
Deux ans après sa défaite à l'élection présidentielle, et l'invasion du Capitole par ses partisans, l'ombre de Donald Trump plane toujours sur le Congrès américain. Avec de nombreux candidats aux midterms, les élections de mi-mandat, alignés sur l'ancien président, le Sénat et la Chambre des représentants pourraient accueillir des élus qui ne reconnaissent pas la légitimité de Joe Biden. Leur influence aidera-t-elle Donald Trump à revenir à la Maison Blanche en janvier 2025 ? La politologue Nicole Bacharan, spécialiste des États-Unis*, nous livre son analyse.
On a vu Donald Trump se mobiliser pour plusieurs candidats durant la campagne, qu’espère-t-il des midterms ?
Il va faire ses comptes, voir combien, parmi les candidats qu’il a soutenus, ont effectivement été élus. Si les républicains l’emportent, il va aussi observer avec grand plaisir la probable dissolution de la commission d’enquête sur l'invasion du Capitole. Ils sont d’ailleurs décidés à mettre en place d’autres commissions d’enquête, cette fois-ci visant Joe Biden et différents responsables démocrates. Mais je pense que Trump veut se représenter, que les républicains gagnent ou non les "midterms". Pour l’instant, le pronostic penche en faveur des républicains, mais ça reste quand même incertain, du côté des sondeurs.
D’abord, Donald Trump veut se venger, c’est sa motivation première, et pour l’instant, il n’a aucun autre programme politique que de punir tous ceux qui, d’après lui, n’ont pas été loyaux. S’il était élu, ça le mettrait aussi à l’abri de pas mal de poursuites, grâce à l’immunité présidentielle. Ses ennuis judiciaires ne l’empêchent pas de se représenter, pour l’instant, mais dans le cas contraire, il pourra toujours dire : "vous voyez, on veut m’empêcher de me présenter !". À mon avis, il ira de toutes façons, mais il est vrai que si les républicains gagnent, ça renforcera sa position.
"Bébés-Trump"
On parle beaucoup des "bébés-Trump", qui pourraient faire leur entrée au Congrès…
Ils sont très nombreux : on a calculé que lors du scrutin du 8 novembre, 60% des électeurs américains se trouveront dans une circonscription leur offrant la possibilité de voter pour un candidat qui conteste la victoire de Joe Biden à la présidentielle de 2020. Cela représente donc beaucoup de monde, et un certain nombre d’entre eux pourraient entrer à la Chambre des représentants, comme au Sénat.
Dans le camp républicain, les figures émergentes sont de différents styles. Quelqu’un comme Ron DeSantis, qui devrait être réélu gouverneur de Floride, est très ressemblant à Donald Trump, avec cette différence qu’il a 30 ans de moins. L'ancien président le déteste d’ailleurs pour cela, parce que justement cela ouvre la possibilité d’une succession. Ce n’est pas un ressentiment fondé sur une opposition politique, mais sur une rivalité de personnes.
On parle aussi beaucoup de Greg Abbott, au Texas, ou de J.D. Vance, candidat au poste de sénateur de l’Ohio, qui sont complètement alignés sur Trump et son récit d’élection présidentielle volée. Il y a aussi Marjorie Taylor Greene, qui est encore plus extrémiste que Trump, et qui revendique une place de premier plan au sein du parti républicain. Elle était complètement à la marge, on la classait dans les "cinglés", pour parler abruptement : elle est d’une incompétence totale, mais elle porte des convictions radicales. Maintenant, elle revendique d’être la n°2 de la chambre des Représentants, et se verrait aussi très bien en colistière de Trump, s’il se représente, et ça n'a rien d'impossible.
À gauche, rien de nouveau
Chez les démocrates, c’est le désert ?
Pour l’instant oui, ça ne veut pas dire que personne ne puisse se détacher, mais ils sont un peu plombés par le fait que tout le monde sait bien que Biden est trop âgé pour se représenter. Personne n’imagine qu’il soit encore président de 82 à 86 ans. On perçoit Kamala Harris comme la candidate naturelle à la succession, mais pour l’instant, elle a de la peine à exister, et beaucoup de gens aux États-Unis savent à peine qui est la vice-présidente.
Si Biden ne se représente pas, il y aura des primaires, et on peut supposer qu’elle sera adoubée par la Maison Blanche, mais ça n’empêchera pas d’autres figures démocrates de tenter d’émerger. C’est difficile de se déclarer, quand on est du parti du président au pouvoir, de dire “moi je veux y aller”, alors qu’il est encore en exercice. Il faudra attendre qu’il annonce lui-même ne se représentera pas.
On peut aussi considérer le poids du gouverneur de Californie, Gavin Newsom, mais il n’a pas le profil pour séduire tout le pays, il a une image beaucoup trop spécifiquement californienne. Il y a des figures tonitruantes comme Alexandria Ocasio-Cortez, mais elle est très jeune, et elle ne parle qu’à la gauche de son parti. Elle est très ambitieuse, et se verrait bien présidente un jour, mais à court terme cela paraît hors de sa portée.
Le souci actuel de l’électeur américain, c’est l’inflation, le prix de l’énergie, et le coût de la vie
Nicole Bacharan
Lors des midterms de 2018, des députés démocrates plus radicaux avaient fait leurs débuts, dans le sillage d'Alexandria Ocasio-Cortez. Où en est ce courant ?
Je serais étonnée que leur influence s’amplifie lors des élections du 8 novembre. Il va se maintenir, avec les positions qu’on lui connaît, et que ses représentants vont continuer à défendre vigoureusement. Elles ont un écho certain dans une partie de l’opinion, mais c’est aussi un piège pour le parti démocrate. La défense des identités sexuelles, par exemple, c’est encore très loin des préoccupations de l’électorat populaire, pour qui cela semble être un combat de privilégiés.
Le souci actuel de l’électeur américain, c’est l’inflation, le prix de l’énergie, le coût de la vie, exactement comme en Europe. Et ce n’est pas bon signe pour les démocrates parce que, même si Biden a eu de vrais succès législatifs en matière économique et sociale, dans l’immédiat ça ne va pas très fort, et on est inquiet. On en rend mécaniquement responsable le parti qui est au pouvoir, avec aussi le préjugé ancien que les républicains seraient plus habiles sur les questions économiques. Les questions du droit à l’avortement ou du climat sont importantes, mais viennent en second dans les préoccupations des Américains, au moment immédiat de cette élection. Le sujet du droit à l’avortement a mobilisé pendant un temps, tant le choc était énorme, mais maintenant, c'est surtout la fiche de paie et le prix de l’essence.
La politique de Joe Biden de soutien à l'Ukraine peut-elle être infléchie par une victoire des républicains aux "midterms" ?
On peut dire que c’est un succès pour Biden, d’avoir maintenu une coalition bipartisane et internationale, mais à l’heure actuelle cet équilibre est fragilisé. Pour faire simple : soutenir l'Ukraine, ça coûte cher et ça dure longtemps. Les crédits qui ont été votés, les républicains ne reviendront pas dessus, ni sur les commandes qui ont été passées auprès de l’industrie de l’armement. Je ne vois pas une majorité de républicains pour retourner complètement cette politique à l’égard de l’Ukraine, au moins pour les mois qui viennent. On a vu qu’ils ne sont pas du tout d’accord entre eux, mais l’opposition traditionnelle à la Russie reste forte parmi les sénateurs républicains, en dépit des opinions de Trump sur le sujet.
À la Chambre des représentants, ce sera plus difficile, mais le slogan "ça nous coûte trop cher", affiché par certains candidats, est essentiellement électoraliste et à usage immédiat. Je n’imagine pas qu’ils puissent retourner cette politique étrangère rapidement, mais plus ça durera, plus ça coûtera cher, plus le risque s’en fera sentir.
*Dernier ouvrage paru : "Les grands jours qui ont changé l'Amérique", avec Dominique Simonnet, éditions Perrin ou Pocket.
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