Eurêka ! Un amateur trouve une forme géométrique jusque-là considérée impossible

par M.D. avec AFP
Publié le 10 juin 2023 à 17h14

Source : JT 20h Semaine

David Smith, un retraité anglais de 64 ans, a réussi à résoudre un problème mathématique vieux de plus de 50 ans et réputé insoluble.
Pour ce faire, il a découvert une forme géométrique présentant des caractéristiques qu'on pensait impossibles à réunir.
Depuis l'annonce de la découverte en mars dernier par ce passionné, le petit monde des mathématiques est en ébullition.

Chercher un motif géométrique "étonnant", tel est le passe-temps favori de David Smith, paisible retraité britannique, qui s'y livrait lorsqu'il est tombé en novembre dernier sur une forme inédite aux propriétés remarquables, déchaînant l'enthousiasme d'une communauté de passionnés. Après que cet ancien technicien d'imprimerie dans le Yorkshire a rendue publique sa découverte en mars dernier, ces amateurs d'un genre particulier ont imprimé sur des t-shirts cette nouvelle forme, confectionné des biscuits selon ce motif et même envisagé de se le tatouer sur le corps. 

Ce polygone à treize côtés, baptisé "le chapeau", est le premier motif qu'on puisse assembler à l'infini sans faire apparaitre un motif d'ensemble qui se répète
Ce polygone à treize côtés, baptisé "le chapeau", est le premier motif qu'on puisse assembler à l'infini sans faire apparaitre un motif d'ensemble qui se répète - D. SMITH, J.S. MYERS, C.S. KAPLAN AND C. GOODMAN-STRAUS

Ce polygone à treize côtés, baptisé "le chapeau", est le premier motif qu'on puisse assembler à l'infini sans faire apparaitre un motif d'ensemble qui se répète (un losange assemblé à l'infini à d'autres losanges produira à un moment donné un grand losange, par exemple). À ce titre, "le chapeau" est le premier "einstein", du nom d'un problème posé il y a 60 ans et que beaucoup supposaient insoluble. David Smith a fait mieux depuis, avec "le spectre". Car "le chapeau" avait un petit inconvénient, il fallait retourner le motif une fois tous les sept coups pour éviter l'apparition d'une même forme se répétant.

Le retraité de 64 ans, avec l'aide de trois mathématiciens, a démontré dans une étude à paraître que "le spectre" est un pur "einstein", et sans rapport avec celui du célèbre physicien. Pour Craig Kaplan, professeur d'informatique à l'Université canadienne de Waterloo, c'est "une histoire amusante et presque ridicule, mais merveilleuse", dit-il à l'AFP. En novembre 2022, M. Smith l'a contacté en lui expliquant qu'il avait trouvé un motif "qui ne se comportait pas de la façon dont on pouvait s'y attendre". Si on assemblait plusieurs exemplaires de ce motif sur une table, aucun motif d'ensemble n'y apparaissait.

Un designer crée des œuvres d'art qui s'inspirent du motif

Un programme informatique a ensuite confirmé qu'il s'agissait du premier "einstein" (qu'on appelle également en langage savant une "mono-tuile apériodique"). Leur travail a été remarqué par un adepte du maniement de ces tuiles, le chercheur japonais Yoshiaki Araki, qui a créé des œuvres d'art à l'aide du "chapeau" et d'une variante appelée "la tortue". Encouragé, notre retraité britannique tente alors de trouver un nouveau motif ne nécessitant pas de le retourner périodiquement. Mission accomplie en moins d'une semaine, face à un Craig Kaplan incrédule.

Une analyse a confirmé que cette nouvelle tuile était "un einstein sans inversion", poursuit l'informaticien canadien. Pour s'en assurer définitivement, l'amateur et le scientifique ont même "amélioré" la forme, de façon à ce qu'elle ne puisse pas être utilisée avec une inversion. "Le spectre" était né. Les deux articles scientifiques sont encore à l'étude dans des revues scientifiques avant publication, mais le petit monde des mathématiques, en ébullition depuis l'annonce, n'a pas attendu que sa trouvaille soit reconnue officiellement pour commenter la nouvelle.

Cette découverte est "excitante, surprenante et étonnante", déclare à l'AFP Marjorie Senechal, mathématicienne au Smith College (Massachusetts), qui y voit plus qu'une simple belle histoire. À l'entendre, le nouveau motif et ses variantes devraient "mener à une compréhension plus profonde de l'ordre dans la nature et de la nature de l'ordre". Pour Doris Schattschneider, mathématicienne à la Moravian University (Pennsylvanie), les deux formes sont "impressionnantes". Même le mathématicien et Nobel de physique Roger Penrose, spécialiste des tuiles apériodiques, doutait qu'un tel exploit soit possible, relève-t-elle.

La prestigieuse Université d'Oxford organisera en juillet prochain événement célébrant cette découverte, le Hatfest (en anglais, la "fête du chapeau"), auquel participera Roger Penrose. Cette découverte est d'autant plus étonnante que "la réponse est tombée du ciel et des mains d'un amateur", souligne Craig Kaplan. "Et de la plus belle façon, grâce à un amoureux du sujet, qui l'explore en dehors de tout objectif professionnel", conclut ce spécialiste.


M.D. avec AFP

Tout
TF1 Info