Explosions à Beyrouth : "Une catastrophe qui arrive dans un pays déjà plusieurs fois traumatisé"

propos recueillis par Nicolas FERTIN
Publié le 4 août 2020 à 22h48, mis à jour le 4 août 2020 à 23h59

Source : JT 20h Semaine

INTERVIEW - La ville de Beyrouth a été frappée mardi 4 août par une double explosion dévastatrice survenue dans la zone portuaire. Cette catastrophe survient dans un pays traumatisé par une situation politique et économique déjà très préoccupante. L'analyse du journaliste et écrivain Mohamed Sifaoui.

Le Liban réclame de l’aide. Quelques heures après la catastrophe qui a endeuillé la ville de Beyrouth, le Premier ministre libanais Hassan Diab a lancé un appel aux "pays amis" pour aider le pays. Cette aide internationale sera, pour Mohamed Sifaoui*, un enjeu majeur pour ce pays tant celui-ci est, aujourd'hui, fracturé par une crise multiple : économique, sociale, politique et sanitaire.

S’il n’y a pas un élan de solidarité de la communauté internationale on peut craindre le pire
Mohamed Sifaoui

LCI : La catastrophe qui frappe le Liban survient dans un pays déjà plusieurs fois en crise…

Mohamed Sifaoui : La situation est totalement exsangue au Liban. Le pays est plusieurs fois traumatisé. Il y a d’abord une instabilité politique qui s’est matérialisée par la démission de l’ancien Premier ministre Saad Hariri en janvier dernier. S’en est suivie la crise sanitaire et dans la foulée une crise économique extrêmement grave. La situation économique est catastrophique. Le mot n’est pas trop fort.

Les classes moyennes et populaires ne cessent de connaitre une paupérisation de plus en plus importante. Le pays est quasiment en cessation de paiement et miné par la corruption. Les prix sont en train de flamber. La monnaie libanaise est dévaluée. Et ce qui aggrave, en plus, la situation, c’est l’absence de consensus au sein du système politique. Un exemple : après deux mois de négociations avec le FMI, la situation politique n’a pas permis de trouver un accord. Le Liban c'est aujourd'hui un millefeuille de mauvaises conjonctures qui se superposent.

Le pays pourra-t-il faire face à une telle catastrophe ? 

Les Libanais sont dans l’incapacité de se reconstruire seuls. S’il n’y a pas un élan de solidarité de la communauté internationale on peut craindre le pire.  Beaucoup de Libanais et d’observateurs craignaient, avant même ce drame, que la crise ne dégénère. La mauvaise répartition des richesses, un niveau de corruption élevé, des divergences communautaires… Quand vous avez une telle catastrophe dans un tel contexte avec un corps social en partie éclaté, tout cela fait redouter une situation conflictuelle. 

*Auteur de Histoire de l’islam politique (coffret de 3 CD) aux éditions Frémeaux et associés.


propos recueillis par Nicolas FERTIN

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