"Fake news", Trump... : "la liberté de la presse n'a jamais été aussi menacée" dans le monde selon RSF

par Claire CAMBIER
Publié le 26 avril 2017 à 9h13
"Fake news", Trump... : "la liberté de la presse n'a jamais été aussi menacée" dans le monde selon RSF

BILAN - Reporters Sans Frontières dévoile ce mercredi son classement annuel mondial de la liberté de la presse, et le constat est grave. Le nombre de pays où le journalisme est menacé a augmenté et l'ONG constate que "les violations de la liberté d’informer sont de moins en moins l’apanage des seuls régimes autoritaires et des dictatures".

"La carte de la liberté de la presse dans le monde s’obscurcit", s'alarme reporters Sans Frontières. "La liberté de la presse n’a jamais été aussi menacée." Sur 180 pays recensés, l'ONG ne compte qu'une cinquantaine d'Etats où la presse est "libre": en Amérique du Nord, en Europe, en Australie et dans le sud de l'Afrique et même dans ces îlots démocratiques, RSF craint un "basculement".

Situation "difficile" ou "très grave" dans 72 pays

Pour illustrer son classement, RSF a dressé une carte du monde. En noir : là où la liberté de la presse connaît une situation "très grave". Trois nouveaux pays font leur entrée dans ces bas-fonds du classement : le Burundi, l'Egypte et le Bahreïn. Ils sont désormais 21  pays classés "noirs". En rouge : là où la situation de la liberté de l’information est considérée comme “difficile”. Là encore, la liste augmente, elle compte dorénavant 51 pays contre 49 l'an dernier. "Au total, près des deux tiers (62,2%) des pays répertoriés ont enregistré une aggravation de leur situation", regrette l'ONG.

Dans ces Etats, les régimes autoritaires mais aussi les conflits et la guerre sont les principales causes de la dégradation des conditions des journalistes. RSF dénonce ainsi les "prisons à journalistes" au Moyen-Orient. L'Iran, 165e au classement emprisonne ses journalistes "par dizaines" ou les condamne au fouet, une peine également pratiquée en Arabie saoudite (168e), notamment envers le blogueur Raïf Badawi, aussi condamné à 10 ans de prison. La Syrie (177e) apparaît de son côté comme le pays le plus meurtrier pour les journalistes. Mais la profession est aussi menacée dans d'autres régions du monde : en Ouzbékistan, en Azerbaïdjan, au Vietnam, au Laos, à Cuba, au Soudan ou encore en Guinée équatoriale.

La liberté de la presse mise à mal jusque dans les démocraties

Et les régimes autoritaires ne sont pas les seuls pointés du doigt. "En démocratie aussi, cette liberté a priori acquise s’avère de plus en plus fragile", souligne le rapport. "A force de propos nauséabonds, de lois liberticides, de conflits d’intérêt et même de coups de matraque." De nombreux pays considérés aujourd'hui comme exemplaires commencent ainsi à dévisser dans le classement. Les Etats-Unis (43e) perdent deux places, tout comme le Royaume-Uni (40e) et le Chili (33e). La Nouvelle-Zélande passe de la cinquième ... à la treizième position. 

Sont pointés du doigt : la traque des sources et l'arrivée au pouvoir d'hommes forts favorables à une centralisation de l'information.  "L'arrivée au pouvoir de Donald Trump aux Etats-Unis et la campagne du Brexit au Royaume-Uni ont offert une caisse de résonance au 'médias bashing' et aux fausses nouvelles", déplore RSF.  Le président américain qui qualifie les journalistes d'"êtres humains les plus malhonnêtes du monde" ne se gêne pas par exemple pour propager des "fake news" ou mettre au ban les journalistes trop "dénonciateurs". 

Un basculement en France ?

Et la France n'est pas en reste. Le pays (39e) gagne six places mais pas de quoi se réjouir, il s'agit d'un un effet mécanique après une année 2015 marquée par la tuerie de Charlie Hebdo. RSF note que la campagne présidentielle a mis en place "un climat particulièrement violent et délétère, où il devient normal d’insulter les journalistes, de les faire siffler et huer lors de meetings (de campagne) quand ils ne sont pas déclarés persona non grata". L'ONG dénonce aussi les pressions du groupe Vivendi de Vincent Bolloré sur ses médias, comme la "déprogrammation d'une enquête sur le Crédit Mutuel dirigé par l'un de ses amis", la suppression d'émissions ("Zapping" et "Spécial Investigation") sur Canal+ ainsi que le long conflit social à iTELE l'an dernier, à l'issue duquel une centaine de journalistes sont partis.

Ailleurs en Europe, on peut évoquer la situation de la Pologne (54e), qui "étrangle financièrement" la presse indépendante d'opposition et de la Hongrie (71e) de Viktor Orban. En Turquie (155e), RSF accuse le président Recep Tayyip Erdogan d'avoir 

"résolument basculé du côté des régimes autoritaires" pour devenir "la plus grande prison au monde pour les professionnels des médias".

"A force de rogner sur la liberté fondamentale d’informer au prétexte de protéger leurs citoyens, les démocraties risquent d’y perdre leur âme”, s’alarme Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters Sans Frontières. 

 Comme l'an dernier, aux première places figurent les pays scandinaves (Norvège, Suède, Finlande, Danemark) et aux dernières l'Erythrée et la Corée du Nord, où "écouter une radio basée à l'étranger peut conduire directement en camp de concentration".


Claire CAMBIER

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