INTERVIEW - Ce dimanche, huit personnes sont décédées lors d'une attaque brutale dans la région de Kouré (Niger). Une tragédie qui rappelle la délicate situation de cette région d'Afrique. LCI fait le point sur l'opération Barkhane, un dispositif de 5000 soldats français chargés de rétablir l'ordre au Sahel, avec Niagalé Bagayoko, présidente de l’African Security Sector Network (ASSN) et experte sécurité en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale.
L'attaque a fait huit morts, dont six Français dimanche dans la région de Kouré, au Niger. "Un drame sans précédent pour Acted", a déploré lundi Marie-Pierre Caley, la directrice générale de l'ONG Acted, frappée de plein fouet par cette action non revendiquée à ce jour.
Le drame s'est produit dans une région où se déploie pourtant, depuis 2013, un important dispositif militaire français dans le cadre de l'opération Barkhane, qui revendique d'importantes avancées contre le terrorisme au Sahel. Quel est le bilan de Barkhane ? LCI a sollicité l'éclairage de Niagalé Bagayoko, présidente de l’African Security Sector Network.
LCI : qu'est ce que l'opération Barkhane ?
Niagalé Bagayoko : L'opération Barkhane est née de l'opération Serval, déployée en 2013 pour faire face à une offensive lancée conjointement depuis le nord Mali par des groupes indépendantistes touareg et des groupes djihadistes, une alliance qui s’était constituée à la suite de l’intervention française en Libye, qui a déstabilisé la région. Parallèlement à la progression rapide de ces forces dissidentes, un coup d'état est survenu au Mali en 2012. La France a envoyé des forces - par le biais de l'opération Serval - pour stopper cette offensive rebello-djihadiste. Après cette opération à succès, le mandat de l’opération Serval a été étendu pour en faire une opération à vocation transrégionale avec un mandat qui couvre 5 pays. Elle est alors devenue l'opération Barkhane. Il faut préciser que deux forces françaises sont déployées au Sahel : Barkhane et le dispositif Sabre. Ce dernier est constitué de forces spéciales, et dispose d'un fonctionnement indépendant malgré un champ d’action relativement similaire.
Quelle est la finalité d'un tel déploiement ?
Le mandat actuel de Barkhane vise quatre objectifs. La première mission est la mise en avant du partenariat avec les différents acteurs intervenant dans le secteur : Minusma (mission militaire sous le commandement direct de l'ONU), G5 Sahel et les missions de formation de l’UE. La coalition internationale pour le Sahel a été créée après le sommet de Pau (janvier 2020) pour mieux coordonner toutes ces initiatives. Cela me fait dire qu’on souffre du trop grand nombre d’initiatives institutionnelles. On arrive à un point où cela devient contre-productif. Bien sûr, la lutte contre les groupes terroristes figure aussi en tête de liste des objectifs de Barkhane. L'opération vise à renforcer les capacités des forces armées partenaires. Enfin, il y a la question du développement, par le biais des actions civilo-militaires. Il s'agit d'initiatives simples - creuser un puits, participer à une campagne de vaccination ou construire une école - qui permettent de donner une image favorable de la force.
Dans quelle mesure cette opération est-elle un succès ?
Plusieurs lectures peuvent être faites de cette intervention. Les acteurs, eux-mêmes, tendent à qualifier les actions depuis le sommet de Pau (janvier 2020 NDLR) comme un succès ou du moins une réelle "montée en puissance". Les communiqués officiels font état d’un grand nombre de terroristes neutralisés notamment dans l’espace des trois frontières entre le Mali, le Niger et le Burkina-Faso. On parle d’environ 600 individus depuis le début de l’année. Il y a également eu un succès opérationnel avec la neutralisation du leader d’Aqmi (Abdelmalek Droukdal). Un succès à relativiser toutefois, puisque Aqmi n’a plus du tout le même poids qu’en 2012. La coalition a d’ailleurs déclaré se focaliser désormais sur l’EIGS, groupe terroriste rattaché à l’Etat Islamique.
D’un autre côté, il faut rappeler à quel point la situation du Niger demeure compliquée. Les groupes terroristes sont extrêmement mobiles, ce qui rend la lutte difficile. Il faut aussi composer avec les affrontements inter-communautaires, ceux entre les factions rivales des différents groupes armés et les violences des milices militarisées. L’environnement social est compliqué. On s’aperçoit aussi qu’il y a une très grande violence dans la zone qui provient des "hommes armés non identifiés" que la population surnomme "bandits". Les violations des droits de l’homme perpétrées par les forces armées des pays du G5 posent aussi largement question. Au final, ce sont des résultats contrastés.
Ces résultats contrastés s'expliquent t-ils par des effectifs insuffisants ?
Sur place, il y a quand même 5000 soldats français, 5100 hommes des forces conjointes (du G5 Sahel, NDLR) et 15.000 du côté de la Minusma. Tous ces hommes n’ont pas le même mandat mais cela constitue un déploiement assez considérable. A titre personnel, je ne pense pas que la question soit celle d’un renforcement des capacités militaires. Je pense qu’il faut plutôt les compléter, prendre en compte toutes leurs dimensions : opérationnelle, gouvernance, droits de l’homme, condition militaire etc… Il faut un effort comparable en matière judiciaire, en matière pénale. Neutraliser le terrorisme passe par le démantèlement des réseaux, l'identification des différentes responsabilités.
Il faut arrêter de lire cette crise uniquement à travers un prisme militaire. Cela ne veut pas dire que l’aspect militaire n’est pas nécessaire mais il doit être complété par un renforcement comparable des autres instruments. Il est nécessaire d’inscrire toute cette approche dans une stratégie politique. Que veut-on obtenir au Sahel aujourd’hui ? Lutter contre les groupes terroristes n’est pas une stratégie politique. Que propose t-on face à tous ces mouvements insurrectionnels qui se multiplient ? Que fait-on pour répondre à la remise en cause du modèle d’état à laquelle on assiste ?
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