GUERRE - Si Emmanuel Macron, Donald Trump et Theresa May n'ont pas eu légalement besoin de l'accord de leur parlement pour effectuer les frappes en Syrie, ils font tous face aux protestations de parlementaires.
Il y a eu un débat, mais pas de vote. Ce lundi, à 17 heures, les députés français ont discuté des frappes françaises qui ont frappé plusieurs installations en Syrie, dans la nuit de vendredi à samedi, comme le prévoit la loi. La Constitution autorise en effet Emmanuel Macron à décider d'une intervention militaire à l'étranger sans consulter le Parlement.
"Le gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger, au plus tard trois jours après le début de l'intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n'est suivi d'aucun vote", indique la Constitution française. Les frappes ayant été effectuées vers 3 heures du matin samedi, l'exécutif devait informer le Parlement avant ce mardi, à 3 heures du matin.
Telle est la loi française. Le Président peut ordonner d'engager l'armée à l'étranger sans demander l'avis des parlementaires. En revanche, l'autorisation du Parlement est nécessaire pour prolonger une intervention dont la durée excéderait 4 mois. Ce fut notamment le cas pour les interventions françaises en Afghanistan, en Libye, au Mali, en Centrafrique, en Syrie et en Irak contre Daech, dont la prolongation a été autorisée par le Parlement.
L'exécutif a donc respecté le droit, et a reçu le soutien de parlementaires de la majorité - comme Aurore Bergé (LaREM) qui a rappelé sur Twitter l'article 35 alinéa 2 de la Constitution - et du président de l'Assemblée nationale François de Rugy.
La ligne rouge fixée par le Président de la République a été franchie par le régime syrien lors des attaques chimiques de #Douma , samedi 7 avril. Conformément à l’article 35, alinéa 2, de la Constitution, le Parlement sera informé et un débat parlementaire sera organisé. #Syrie pic.twitter.com/g3jys22rhg — Aurore Bergé (@auroreberge) 14 avril 2018
Après la réunion d’information autour du Premier ministre, un débat sera organisé comme je l’avais souhaité à @AssembleeNat lundi à 17h : cela permettra au gouvernement de s’exprimer devant tous les députés et à tous les groupes parlementaires d’exprimer leurs positions 2/2 pic.twitter.com/MILYKtqNL0 — François de Rugy (@FdeRugy) 15 avril 2018
Pour autant, plusieurs représentants politiques de l'opposition - La France Insoumise, Front national, Les Républicains , communistes - dénoncent l'absence dénoncent l'absence de consultation du Parlement, et plus généralement le bien fondé de cette intervention militaire ainsi que son efficacité.
1/2 Les frappes contre la #Syrie se font sans preuve, sans mandat de l'ONU et contre elle, sans accord européen et sans vote du Parlement français. Et cela sans aucune perspective politique en Syrie. — Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) 14 avril 2018
- Sans aucune preuve sur la responsabilité d’une attaque chimique en #Syrie - sans mandat donné par l’ONU - la France de la république Macron attaque sans information ni autorisation de l’ @AssembleeNat - Mépris du droit, mépris du parlement ! Enfin Macron a sa petite guerre ! — Louis Aliot (@louis_aliot) 14 avril 2018
#Syrie : Aucun mandat de l'ONU, le #Parlement français non informé, des preuves que nous attendons toujours. #Macron méprise la représentation nationale, piétine les règles internationales et discute après https://t.co/iZour8X6WF — Valérie Boyer (@valerieboyer13) 14 avril 2018
Au Royaume-Uni et aux États-Unis, les mêmes règles et les mêmes controverses
Qu'en est-il dans les autres pays qui ont participé aux frappes en Syrie ? Au Royaume-Uni, Theresa May est censée s'exprimer ce lundi devant le parlement. La Première ministre britannique a, comme Emmanuel Macron, le droit d'engager son pays dans une intervention militaire sans demander l'avis des parlementaires.
Comme l'indique RFI, si le chef du gouvernement britannique n’a pas l'obligation de soumettre cette opération à un au Parlement, la tradition veut qu'il le fasse "pour les conflits de grande envergure", comme par exemple lors la Seconde Guerre Mondiale, le conflit contre l'Argentine pour les îles Malouines en 1982, ou la guerre en Irak en 2003. Le Premier ministre peut néanmoins passer outre ce vote et doit alors justifier "le plus vite possible" l'intervention militaire.
La guerre de 2003 contre le régime de Saddam Hussein a changé la donne. Justifiée par de fausses allégations concernant des armes de destruction massives, elle a entraîné la mort de 179 soldats britanniques. Depuis, de fait, toutes les opérations militaires à l'étranger sont soumises à un débat et un vote des députés. Sauf cette dernière intervention en Syrie.
En 2013, pendant le mandat de David Cameron, le parlement britannique s'était opposé, à 13 voix près, à une intervention militaire en Syrie, après une précédente attaque chimique attribuée au régime de Damas. Cinq ans plus tard, Theresa May a-t-elle voulu éviter un camouflet semblable ? Elle devra malgré tout faire face à l'opposition des travaillistes, des libéraux démocrates et du parti indépendantiste écossais. Et peut être de l'opinion publique. Selon un récent sondage, réalisé sur un échantillon de 2.060 personnes, seuls 36 % des britanniques approuvent les récentes frappes militaires, et 40 % s'y opposent.
Aux États-Unis, l'encadrement législatif des interventions militaires est proche de celui de la France. Le président américain a le droit d'engager l'armée à l'étranger sans autorisation du Congrès, mais doit l'informer sous 48 heures, conformément au "War powers act" voté en 1973. Il doit également obtenir l'approbation des parlementaires pour que l'opération se prolonge au delà de 60 jours. Cependant, dans les faits, de nombreuses opérations militaires américaines se sont prolongées au delà de 60 jours sans que le Congrès puisse s'accorder sur le fait de les interdire ou de les autoriser, laissant de fait les mains libres au président.
Donald Trump s'est adressé au Congrès dimanche, et les parlementaires américains préparent un débat imminent sur les frappes en Syrie, rapportent plusieurs médias américains. En attendant, des députés démocrates - mais aussi républicains - estiment que Donald Trump aurait dû recevoir l'approbation du Congrès pour conduire cette action militaire. En effet, si les États-Unis étaient déjà militairement engagés en Syrie, ils combattaient jusqu'alors des groupes terroristes. Cette fois, ce sont les installations du régime syrien qui ont été visées. "Le président Trump n'a pas l'autorité légale pour élargir la guerre en Syrie", a notamment affirmé le sénateur Bernie Sanders.
On s’affranchit du droit international avec pour objectif annoncé de le faire respecter
Patrick Baudouin, président d'honneur de la FIDH
Déjà débattues au niveau du droit national, les frappes de la France, des États-Unis et du Royaume-Uni, sont encore plus controversées sur le plan du droit international. Car, en attaquant les installations d'un état souverain, "on s’affranchit du droit international avec pour objectif annoncé de le faire respecter", analyse Patrick Baudouin, avocat et président d’honneur de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH). Cela répond à l’idée qu’il y aurait une sorte de droit international humanitaire relevant de la 'responsabilité de protéger'. Mais ce n’est pas une notion gravée dans le droit international".
Selon la charte de l’ONU, une opération de ce type peut en effet se justifier selon trois critères : il faut qu'elle soit demandée par le pays où elle doit se dérouler, que le Conseil de sécurité des Nations unies ait donné son mandat, ou que soit invoquée la "légitime défense", encadrée par l'article 51 de la charte des Nations unies. Or, aucune de ces trois conditions n'est réunie.
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