Fusillade dans une école de Nashville : Joe Biden a-t-il vraiment blagué juste avant d'évoquer cette tuerie ?

Publié le 28 mars 2023 à 13h50, mis à jour le 28 mars 2023 à 15h30

Source : TF1 Info

Une fusillade dans une école primaire de Nashville a fait six morts, dont trois enfants.
Le président américain a dénoncé un crime "répugnant", et fait mettre en berne les drapeaux de la Maison Blanche.
Mais quelques instants seulement avant son allocution, selon une partie de la presse américaine, il plaisantait en public à propos de son obsession pour les glaces.

"Ce n'est pas le moment, Joe". C'est ainsi que commence l'article du New York Post, le premier à dénoncer un comportement insolite du président américain à la Maison Blanche ce lundi soir. Alors qu'il s'apprêtait à évoquer la fusillade dans une école de Nashville (Tennessee), au cours de laquelle trois enfants et trois adultes ont été tués, Joe Biden semble plaisanter autour de la thématique des crèmes glacées, comme on le voit dans la vidéo en tête de l'article du Post.

"Mon nom est Joe Biden", attaque le président américain, déclenchant les rires du parterre, "je suis le mari du docteur Jill Biden". Un trait d'humour récurrent chez les responsables politiques américains, dérivé de la célèbre déclaration du président John Fitzgerald Kennedy en 1961 : "Je suis l'homme qui a accompagné Jacqueline Kennedy à Paris". "Je mange des crèmes glacées Jeni's, celles aux pépites de chocolat", poursuit Joe Biden en déambulant sur la scène, "je suis descendu parce que j'ai entendu dire qu'il y avait des glaces aux pépites de chocolat ici"

SAUL LOEB / AFP

Une obsession bien connue pour les glaces (aux pépites de chocolat)

S'ensuit une courte digression sur son obsession pour les glaces, bien connue du public américain : comme candidat ou comme président, Joe Biden s'arrête régulièrement en rase-campagne pour acheter des glaces dans une boutique locale. Le costume du président américain, sa cravate, et l'arrière-plan, attestent que c'est bien lors de la même prise de parole qu'il a dénoncé la tuerie dans une école primaire de Nashville, appelant une nouvelle fois à légiférer contre les fusils d'assaut, dans l'extrait qui a été diffusé par toutes les télévisions américaines. 

La vidéo du New York Post s'interrompt juste à la fin du laïus du président sur les crèmes glacées, laissant entendre qu'il a immédiatement enchaîné avec sa déclaration sur la fusillade du Tennessee. Le journal new-yorkais appartient au groupe News Corp, du magnat de la presse Rupert Murdoch, et s'est souvent signalé par une ligne éditoriale très hostile à Joe Biden. 

Les chaînes conservatrices comme Fox News se sont, elles aussi, emparées de cet instant décalé, l'ancien gouverneur Chris Christie estimant notamment à l'antenne qu'"il n'y a aucune place pour des plaisanteries dans cette circonstance". "Et certainement pas de la part du président des États-Unis", a ajouté celui qui pourrait lui-même être candidat à l'investiture républicaine pour la présidentielle.

Un contexte qui éclaire ses déclarations

Or, si l'on regarde la séquence de bout en bout, dans les directs fournis par les agences de presse, on s'aperçoit que le président américain regagne ensuite le pupitre de façon plus formelle, et échange pendant quelques minutes avec le public. Il repère une fratrie d'enfants dans le parterre, à qui il demande de se lever, avant de digresser sur la famille. Il met en avant le rôle de sa propre sœur, qu'il juge très supérieure à lui-même, et dont le rôle a été crucial dans son existence après la mort de sa première épouse. S'il fait montre d'humour, et affecte une attitude relâchée, il garde un ton sobre pendant l'intégralité de la séquence. Ensuite seulement, il évoque avec gravité la tuerie de Nashville.

Le contexte de la prise de parole de Joe Biden permet de mieux comprendre cette scène insolite. Lorsqu'il arrive dans cette salle de la Maison Blanche, plusieurs personnes se sont déjà succédé au micro, dans le cadre d'un sommet consacré à l'entrepreneuriat des femmes, centré sur les petites entreprises. 

C'est probablement ce qui justifie le début de sa digression, lorsqu'il fait référence aux crèmes glacées Jeni's. Il s'agit d'une chaîne fondée par une femme, Jeni Britton Bauer, qui a débuté par un petit commerce et compte désormais 60 magasins dans tous les États-Unis. Un symbole de la réussite des femmes... et un fervent soutien du président américain, à qui elle a même dédié un parfum. "La Maison Blanche aux pépites de chocolat", est basée sur les goûts bien connus du président. L'admiration est réciproque, puisque Joe Biden affichait déjà son penchant pour les glaces Jeni's bien avant son élection. 

La déclaration du président sur la tuerie de Nashville a eu lieu en préliminaire de son discours dédié aux femmes et aux petites entreprises. Son évocation potache de son amour des glaces était une sorte de prise de contact avec le public réuni pour l'occasion, en majorité des femmes entrepreneures. Rien d'inhabituel dans cette façon de procéder dans la communication d'un président américain, sinon que certaines télévisions étaient déjà en position de direct pour recueillir sa parole sur la tragédie du Tennessee. 

Les téléspectateurs de Fox News, par exemple, ont effectivement pu entendre Joe Biden plaisanter sur des crèmes glacées, alors que le bandeau en bas de l'écran leur indiquait : "Biden réagit à la fusillade meurtrière de Nashville". Si à aucun moment le président américain n'a plaisanté à propos de la tuerie, ou n'a semblé la minimiser, il peut lui être reproché de ne pas avoir commencé sa prise de parole par ce sujet.


Frédéric SENNEVILLE

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