EXPLICATIONS - Donald Trump accuse la mouvance "Antifa" d'avoir organisé les violences aux Etats-Unis depuis la mort de George Floyd, tué lundi 25 mai lors de son arrestation par la police de Minneapolis. Le président des USA assure maintenant que les militants "radicaux" d'extrême-gauche seraient placés sur la liste des entités terroristes, comme les groupes Etat islamique ou Al-Qaïda. Qui sont ces militants américains, nouvelle cible politique de Trump ?
Ils sont devenus en quelques heures, la nouvelle cible de Donald Trump ; les responsables de l'embrasement des villes américaines depuis la mort de George Floyd, ce noir américain tué lors de son arrestation à Minneapolis, le 25 mai dernier. Eux, ce sont les antifas, des militants régulièrement classés dans la catégorie des "radicaux". Historiquement, les "antifascistes" étaient des groupes socialistes italiens puis allemands qui ont tenté de résister à l'ascension de Benito Mussolini et Adolf Hitler dans les années 1920 et 1930.
Cent ans plus tard sur un autre continent, le combat des antifas américains est axé sur la justice sociale, l'anticapitalisme ainsi que le droit des minorités (noires, LGBT, etc...). "Nous croyons en et luttons pour un monde sans fascisme, racisme, sexisme, homo/transphobie, antisémitisme, islamophobie ni haine", expliquait ce lundi 1er juin, le groupe Antifa de New York sur son compte Twitter. Et pour Donald Trump et ses supporters, ils sont les responsables des manifestations qui ont lieu à travers le pays et désormais, ceux qu'ils faut qualifier de "terroristes".
The United States of America will be designating ANTIFA as a Terrorist Organization. — Donald J. Trump (@realDonaldTrump) May 31, 2020
Le président américain Donald Trump a annoncé dimanche 31 mai, que son administration allait inscrire la mouvance d'extrême gauche "antifa" (antifasciste), sur sa liste des organisations terroristes. "Les Etats-Unis vont inscrire Antifa dans la catégorie des organisations terroristes", a tweeté M. Trump. Pour lui, les débordements de ces derniers jours sont à attribuer à cette mouvance et à d'autres "extrémistes radicaux". Les débordements ayant fait dégénérer en émeutes des manifestations à l'origine pacifiques pour protester contre la mort de George Floyd aux mains de policiers blancs.
Reste qu'à part Donald Trump et ses proches conseillers, aucun responsable politique n'a fait porter la seule responsabilité des violences sur la mouvance antifa. Pour Marco Rubio, président de la commission sénatoriale du Renseignement, ces violences sont l'oeuvre de "plusieurs groupes terroristes nationaux d'extrême gauche et d'extrême droite", donc pas seulement les antifas. Dans le Minnesota, Etat américain où George Floyd est mort et secoué depuis une semaine par des violences quotidiennes, les responsables estiment quant à eux que les troubles sont créés à la fois par des groupes d'extrême droite, des anarchistes et des gangs locaux.
Pour Mark Bray, professeur et historien à l'université Dartmouth, il est sûr que des militants antifascistes ont participé aux violences mais il est impossible de savoir combien tant les cellules sont petites et agissent en toute indépendance. Selon lui, cette mouvance "utilise souvent des tactiques similaires aux groupes anarchistes, comme s'habiller en noir et porter des masques. Les groupes ont également des idéologies qui se chevauchent, car les deux critiquent souvent le capitalisme et cherchent à démanteler les structures d'autorité, y compris les forces de police", explique-t-il au New York Times. Dans le Washington Post, l'auteur du livre "Antifa: le manuel antifasciste" soutient qu'"il n'y a pas assez d'anarchistes et de militants antifa pour faire tant de dégâts". Alors qui sont les responsables de ces débordements ?
Peuvent-ils être classés comme "organisation terroriste" ?
Le ministre de la Justice William Barr a chargé le FBI d'identifier les organisateurs des désordres, qui relèvent, sont selon lui "du terrorisme intérieur". Mais problème juridique de taille : la loi anti-terroriste américaine ne concerne que les groupes étrangers (EI, Al-Qaïda, Hezbollah libanais, Gardiens de la Révolution iraniens). Les antifas ne sont donc pas concernés par cette loi, en théorie.
En théorie bien sûr car il est possible que les agences fédérales et locales puisse prendre des mesures contre les antifascistes dans le but de se conformer aux directives de Washington, comme l'a laissé entendre William Barr pour qui, les militants Antifa pourraient être poursuivis par le gouvernement fédéral américain pour avoir traversé les frontières entre Etats, dans le but de participer à des violences. La justice américaine pourrait également s'appuyer sur d'éventuels liens de la mouvance Antifa avec des organisations étrangères. Des liens qui demeurent à prouver, à l'heure actuelle. Reste que pour les experts, les directives de Trump et Barr présentent de réels dangers pour les manifestants.
Désigner les antifas comme responsables pour dédouaner les suprémacistes blancs ?
Un ancien agent du FBI, Mike German, a expliqué au DailyBeast que "Trump faisait de l'antifa un bouc émissaire alors que des acteurs de droite plus infâmes se cachent à la périphérie". En d'autres termes, les antifas sont l'arbre tout désigné pour cacher la forêt de mouvance d'extrême droite, à l'opposé de l'échiquier antifa. "Il semble que ce soit fait pour détourner l'attention de la présence documentée de ces milices suprémacistes blanches et de leur rhétorique, à ces manifestations en voulant déclencher de nouvelles violences qui pourraient potentiellement se transformer en guerre civile ou en guerre raciale", a-t-il déclaré au Daily Beast. Suprémacistes et antifas s'affrontent régulièrement, notamment à Portland, New York et Berkeley, fief des étudiants de gauche en Californie.
En janvier 2017, en marge de la cérémonie d'investiture du président républicain, des militants habillés de noir et masqués avaient manifesté violemment à Washington, brisant des vitrines. Au mois d'août, ils avaient participé aux échauffourées ayant émaillé un rassemblement d'organisations de l'ultra-droite à Charlottesville (Virginie) au cours duquel une militante antiraciste avait été tuée.
Même si la pression s'accentue ces dernières années pour intégrer ces groupes américains après des attaques contre les communautés afro-américaine ou juive, certains juristes s'inquiètent du risque pour la démocratie si un dirigeant était tenté d'y placer des adversaires politiques.
Entendu par le Congrès en février, le directeur du FBI Christopher Wray a indiqué que les enquêtes sur les groupuscules d'extrême droite pourraient être conduite par son unité anti-terroriste, comme pour les sympathisants de l'EI.
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