Valdimir Poutine envisage-t-il d'employer l'arme nucléaire dans la guerre en Ukraine ?Ses menaces s'inscrivent en tout cas dans la logique d'escalade récente du président russe.Une culture du rapport de forces, jusqu'au-boutiste, qu'il a toujours montrée à ses interlocuteurs ces dernières années.
Placer celui avec lequel on débat dans une impasse, créer un déséquilibre, c'est la méthode Poutine. Une scène résume parfaitement ce rapport de forces. Elle a été filmée lors d'un Conseil de défense, quelques jours avant le lancement de l'invasion russe en Ukraine. Le chef du Service des renseignements extérieurs russes Sergueï Evguenievitch Narychkine se retrouve acculé par le chef du Kremlin, qui le somme, d'un ton froid, de s'exprimer avec plus de clarté, d'arrêter de bafouiller.
"Parlez sans détour"
"Qu'est-ce que vous proposez de faire, de commencer les négociations ?", lui demande le président, un sourire en coin. "Non... Je...", le directeur des renseignements hésite. En direct à la télévision, Vladimir Poutine ne lui laisse aucune chance de se reprendre. "Vous allez soutenir ou vous soutenez ? Parlez sans détour", lance-t-il, comme on peut le voir dans la vidéo du 20H de TF1 en tête de cet article
Le président russe n'en est évidemment pas à son coup d'essai et est particulièrement friand de ce genre de joutes verbales. L'ancien président français, François Hollande, y a déjà été confronté lors de précédents entretiens. Il se souvient : "Il rentre dans la discussion avec la volonté de la noyer par une intervention extrêmement longue. Et puis, à un moment, il va jouer l'énervement, la colère. Il ne comprend que le rapport de force", dit-il au micro de TF1.
Une méthode éprouvée
Vladimir Poutine aime aussi placer son interlocuteur dans une situation inconfortable, comme avec cette table en marbre de six mètres de long qui le séparait d'Emmanuel Macron, lors d’un entretien sur l’Ukraine il y a quinze jours. Officiellement pour respecter les distances sanitaires. Ou encore avec Angela Merkel en 2007, à qui il imposa son labrador lors de pourparlers bilatéraux, alors que la phobie des canidés de l'ex-chancelière allemande était de notoriété publique.
Un jeu pour celui qui n'a jamais hésité à surjouer les hommes forts. "Il sait jouer de sa virilité, de son physique qui n'est pas d'ailleurs aussi impressionnant qu'il y paraît. Je me souviens encore d'un président ukrainien, Monsieur Porochenko qui était beaucoup plus grand et plus fort que lui, mais qui était presque oppressé physiquement", raconte encore François Hollande.
Le déni plausible
Parfois impossible de dire où s'arrête la plaisanterie cordiale et où commence la menace. Lors d'un Forum économique à Saint-Pétersbourg en 2018, Emmanuel Macron en a fait les frais au cours d'un échange plein de sous-entendus. "Emmanuel vient de dire que l'Europe et les États-Unis ont des engagements en commun, notamment en matière de sécurité, mais il ne faut pas avoir peur là-dessus, nous allons vous aider. Nous allons assurer la sécurité", lâche le président russe, sûr de son effet sur la salle, hilare. Le chef de l'État utilisant la même rhétorique, lui rétorque alors : "Je veux rassurer Vladimir, je n'ai pas peur parce que la France a une armée qui sait se protéger seule". Réponse de Vladimir Poutine : "C'est bien dommage".
Mais la violence n'est pas seulement verbale : l'opposant Navalny ou l'agent double Skripal seront victimes d'empoisonnement sans que les enquêtes ne remontent jamais jusqu'au Kremlin. Du moins en Russie. Car tout repose sur le déni plausible, comme l'explique l'analyste Christine Dugoin-Clément : "Il y a eu d'autres opérations occultes : quand on va parler du déploiement des petits hommes verts en Crimée par exemple ; d'attaques cyber qui sont des attaques où finalement officiellement vous pourrez toujours dire : 'nous ne sommes pas là, nous ne sommes pas responsables', mais en même temps, vos interlocuteurs ne sont pas dupes et savent ce qu'il en est".
La duplicité jusqu'à nier froidement la réalité, comme le soutien armé aux séparatistes russes dans le Donbass, pourtant incontestable aux yeux des observateurs. "S'ils ne voient pas clair, je peux leur passer mes lunettes", s'insurgeait à ce propos l'ancien Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk en février 2015. "Mais c'est limpide, c'est bien l'armée russe qui est sur notre territoire", assénait-il.
Ce goût du secret, Vladimir Poutine l'a peut-être hérité de ses années à la tête du KGB. Il y vivra l'effondrement de l'URSS et en gardera une vision du monde manichéenne, la Russie contre l'Occident, hier comme aujourd'hui. Dans une interview donnée en 2005, peu après son arrivée au pouvoir, voici ce que disait le chef du Kremlin sur la liberté des pays satellites à se rapprocher de l'Otan : "Si d'autres républiques de l'ex-URSS adhèrent à l'Otan, nous respecterons leur choix. C'est leur droit souverain en matière de défense, mais l'Ukraine pourrait alors avoir des problèmes. Je le dis franchement". 17 ans plus tard, au regard de la situation en Ukraine, on comprend un peu mieux ce qu'il entendait en utilisant le mot "problème".
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