Auchan accusé de contribuer à l'effort de guerre russe : qu'est-il reproché à l'enseigne française ?

Implanté de longue date en Ukraine et en Russie, Auchan a décidé, contrairement à de nombreuses enseignes, de se maintenir dans ces deux pays, malgré la guerre. Au 30 juin 2022, le groupe y exploitait, selon sa documentation financière, plus de 250 magasins (230 en Russie et 42 en Ukraine). Le tout pèse près de 12% de son chiffre d'affaires, soit 3,6 milliards d'euros. Déjà vivement critiqué pour ce choix par Kiev, quelques mois plus tôt, l'entreprise, se retrouve de nouveau dans la tourmente. 

Le Monde, le site d'investigation The Insider et l'ONG Bellingcat ont rendu public, vendredi 17 février, une enquête incriminant directement Auchan. Selon des documents dont ils ont eu connaissance, la filiale russe de la firme de grande distribution a organisé une collecte de produits destinés à l'armée de Vladimir Poutine, d'une valeur totale de deux millions de roubles (environ 25.000 euros). La source anonyme que site l'article a déclaré que ce chargement aurait ensuite été offert gratuitement à Moscou.

Pour cela, une contrôleuse de gestion, Natalya Z., aurait établi une liste de matériel le 15 mars 2022 dans un mail envoyé "à une vingtaine d'employés dans plusieurs magasins à Saint-Pétersbourg, dans l'ouest de la Russie, dans le but de 'collecter les dons de l'aide humanitaire'". La liste comprenait "des milliers de cigarettes, des chaussettes en laine taille 43 ou 44, des cartouches de réchauds à gaz, du ragoût de porc en conserve, des haches et des clous, le tout provenant du stock de l'enseigne", détaille Le Monde. Elle aurait ensuite affirmé que ces "cartons étaient ­destinés à l'opération spéciale", soit le nom donné par le gouvernement russe à la guerre menée en Ukraine.

En outre, les investigations ont révélé que des nombreuses collectes gérées par des associations locales seraient alimentées par des magasins Auchan. 

Ces allégations ont suscité la colère du gouvernement ukrainien. "Auchan s'est transformé en une arme à part entière de l'agression russe. J'ai l'intention d'en discuter avec mon homologue française" Catherine Colonna, a fustigé sur Twitter Dmytro Kouleba, ministre des Affaires étrangères. 

Propriété de l'Association familiale Mulliez (AFM) basée dans le Nord, l'entreprise a réagi en deux temps. En début de journée, la direction s'est dite "très surprise". "Nous sommes en train de vérifier les éléments affirmés, mais, à date, les éléments en notre possession ne corroborent pas" les allégations du Monde, a-t-elle indiqué à l'AFP. 

En fin d'après-midi, le groupe a publié un communiqué. "Auchan Retail dément catégoriquement les faits relatés par cette enquête et leur interprétation", martèle-t-il. Les faits avancés "ne sont nullement corroborés par la réalité de (nos) recherches internes qui confirment, elles, le strict respect des réglementations en vigueur", met-il en avant. "Nataliya Z. nie les propos que lui prête Alekseï R. qui ne travaille plus pour l’entreprise depuis septembre 2022 ayant subitement quitté le pays. Pour Auchan et ses équipes, cette commande était une commande de la mairie de Saint-Pétersbourg destinée aux populations soutenues par elle", argue Auchan. En outre, "rien dans (cette commande) n’était alors de nature à susciter des interrogations de la part de l’entreprise sur une destination finale particulière", assure l'enseigne de grande distribution. "Nous ne finançons et participons de façon volontaire et active à aucune collecte destinée aux forces russes", conclut-elle. 

En parallèle, dans sa documentation financière de juin 2022, le groupe avait annoncé la création d'un "fonds de solidarité international" pour "abonder les projets de soutien portés par Auchan Ukraine". Il revendiquait une "aide financière" s'élevant "au 30 juin à plus de 5,5 millions d'euros", ainsi que "2300 tonnes de dons en nature (denrées alimentaires et non-alimentaires)".