La plus grande centrale nucléaire d'Europe est au centre des préoccupations.Rejetant la responsabilité de frappes qui visent ce site ukrainien contrôlé par les forces russes, Moscou et Kiev s'accusent mutuellement de vouloir créer un accident nucléaire.La communauté internationale appelle à démilitariser la zone, Emmanuel Macron a indiqué ce mardi qu'il s'entretiendrait avec Volodomyr Zelensky à propos de cette situation.
Passée sous giron russe début mars lors des premières semaines de l'invasion de la Russie en Ukraine, la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijia, plus grand site d'Europe, est l'objet de toutes les convoitises sur le plan militaire. Mais les frappes qui s'échangent autour du site donnent des sueurs froides aux habitants à proximité comme aux pays voisins, hantés par l'éventualité d'un accident nucléaire.
Ce mardi, Emmanuel Macron a indiqué qu'il allait s'entretenir par téléphone avec son homologue ukrainien à ce sujet. Retour sur les différents mois de tensions qui entourent la centrale située au sud de l'Ukraine.
Début mars : la centrale ukrainienne, contrôlée par les forces russes
Les forces russes prennent le contrôle des six réacteurs de la centrale nucléaire de Zaporijia le 4 mars 2022, dans les premières semaines de l'invasion. Lors de l'attaque, des tirs d'artillerie russes provoquent l'inquiétude pour la sûreté du site, un incendie se déclarant dans son enceinte. L'organisme d'État ukrainien chargé de l'inspection des sites nucléaires indique finalement ne pas avoir constaté de fuite radioactive.
Alors que le fonctionnement de la centrale est assuré par des employés ukrainiens, le président d'Energoatom Petro Kotine alerte néanmoins sur le risque que représente l'occupation russe du site. Selon lui, ce sont "environ 500 soldats et 50 véhicules lourds, des tanks et des camions" qui se trouvent sur place. Il affirme par ailleurs que "les Russes ont enlevé une centaine d'employés de la centrale nucléaire" et qu'"un employé est mort après avoir été torturé".
Il appelle alors à créer une "zone démilitarisée" sur le site de la centrale. De son côté, l'Agence internationale de l'énergie atomique déclare à plusieurs reprises qu'elle souhaite organiser une inspection de la centrale. Les autorités ukrainiennes s'y opposent, jugeant qu'une telle visite légitimerait l'occupation russe.
Mi-juillet : reprises des bombardements
Le 21 juillet, l'Ukraine accuse Moscou de déployer des armes lourdes dans la centrale après que la Russie a déclaré que les troupes ukrainiennes avaient tiré sur l'installation. Selon Energoatom, la Russie a déplacé des dizaines d'équipements militaires et des munitions dans la salle des machines du premier réacteur. Le secrétaire d'État américain Antony Blinken dénonce à son tour Moscou et son utilisation de la centrale comme "une base militaire pour tirer sur les Ukrainiens, sachant qu'ils ne peuvent pas et ne riposteront pas".
Le 5 août, des frappes près d'un réacteur sont signalées. La Russie comme l'Ukraine s'accusent alors mutuellement d'être responsables. Malgré les tensions, Energoatom assure être toujours en contact avec le site et recevoir des données sur la surveillance des radiations. Aucun changement dans les niveaux de radiations ne serait pour le moment recensé. Seuls deux réacteurs fonctionnent cependant désormais, l'un des trois encore en fonctionnement début août ayant été arrêté à la suite des bombardements.
La crainte d'un accident nucléaire
Depuis la reprise des frappes, Moscou comme Kiev s'accusent de vouloir créer un incident nucléaire et ces échanges de tirs nourris provoquent l'inquiétude de la communauté internationale. Au cours d'une de ses allocutions quotidiennes, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé les Russes de "chantage". Selon lui, Moscou utiliserait la centrale comme base d'attaque pour que l'armée ukrainienne ne puisse pas riposter.
Il a également brandi le spectre de la catastrophe de Tchernobyl, plus grande catastrophe du nucléaire civil, survenue dans son pays en 1986. "Le monde ne doit pas oublier Tchernobyl (...) La catastrophe de Tchernobyl, c'est l'explosion d'un réacteur et la centrale de Zaporijjia est dotée de six réacteurs", a-t-il martelé.
"Les risques, oui, ils existent, mais les centrales sont beaucoup moins dangereuses qu'à Tchernobyl", relativise de son côté de relativiser sur LCI Bruno Comby, polytechnicien et ingénieur en génie nucléaire, "là, le réacteur est de conception plus sûre, plus moderne, avec davantage de système de sécurité. (...) Alors bien sûr, il y a des risques, peut-être que cela peut se produire, mais je remarque que pour l'instant, ni un camp ni l'autre ne souhaite la perte d'un réacteur."
Ce statu quo ne suffit cependant pas pour la communauté internationale. La semaine dernière, l'AIEA a averti que certaines parties de la centrale avaient été mises hors service à la suite de récentes attaques, ce qui risquait de provoquer une fuite potentielle de radiations "inacceptable".
Face à la crainte d'une catastrophe nucléaire, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a qualifié de "suicidaire" toute attaque contre des centrales. Une déclaration commune de l'Union européenne et de 42 pays, dont la France et les États-Unis, ont appelé la Russie à retirer immédiatement ses forces de la centrale nucléaire, sans que cela aboutisse pour le moment à une résolution de la situation.