Les tanks, bombardements et autres divisions d'infanterie ne sont que la partie émergée de la guerre totale qui s'est engagée en Ukraine.Sur le web aussi, les combats font rage.La Russie, particulièrement en pointe dans le domaine, multiplie les tentatives de déstabilisation par le biais de cyberattaques successives.
Au fil des années, l'"art" de la guerre a bien évolué. Outre le développement de la menace nucléaire, les technologies de nuisance numériques se sont largement perfectionnées. La Russie, qui en a rapidement compris l'intérêt et saisi l'enjeu, dispose de l'un des meilleurs arsenaux en la matière. Logiquement, l'offensive de grande envergure, et sur plusieurs fronts, lancée par Moscou sur l'Ukraine n'a pas tardé à s'étendre au web. Bien moins visibles que les combats "traditionnels", cette bataille de l'ombre n'en est pas moins primordiale.
Une offensive qui a débuté avant même l'invasion officielle
Ils ne font pas de victimes mais peuvent se révéler tout aussi dramatiques. Derrière leurs écrans et claviers, une armée de hackers russes s'emploie à dynamiter les grandes instances et capacités militaires de l'Ukraine. Ils sont rompus à l'exercice. La semaine passée, les sites du ministère de la Défense et des forces armées du pays ont été visées, tout comme les banques Privatbanq et Ochtabank. Le 23 février dernier, plus de 12 heures avant que le premier char russe ne passe la frontière ukrainienne, les hackers ont lancé une cyberattaque dite "en déni de service", une manœuvre qui consiste à submerger les serveurs informatiques ennemis en les bombardant de dizaines, voire de centaines de milliers, de requêtes simultanées.
Un mois plus tôt, à la mi-janvier, plusieurs sites gouvernementaux ukrainiens, dont celui du ministère des Affaires étrangères, ont été rendus inaccessibles pendant de longues minutes. Des messages menaçants y avaient également été publiés par les auteurs de l'agression en ukrainien, en russe et en polonais. Ils suggéraient notamment aux Ukrainiens de "prendre peur" et de se "préparer au pire". Le tout était accompagné de plusieurs logos, dont un drapeau ukrainien barré.
Le coût peut être extrêmement important
Emilie Bonnefoy, porte-parole du cercle des femmes de la cybersécurité
Pire, un virus informatique de type "wiper" d'un nouveau genre a été déployé. Activé simultanément sur des centaines d’ordinateurs en Ukraine, ce logiciel baptisé "HermeticWiper" ou "Trojan.Killdisk" a pour mission d'effacer le contenu du disque dur, supprimant les données et endommageant le système d'exploitation. L'appareil infecté ne pourra ainsi plus démarrer sans une réinstallation complète. Selon plusieurs experts, la date de compilation d'un des échantillons du malware est le 28 décembre 2021, ce qui suggère une planification de longue date.
"Ces attaques répétées contre l’Ukraine, depuis janvier, étaient le prélude de la guerre physique que l’on voit aujourd’hui", confirme Axel Legay, professeur en cybersécurité à l’UCLouvain, à la RTBF. Les agressions "de ce genre existent, sont fréquentes", renchérit Émilie Bonnefoy, porte-parole du Cercle des femmes de la cybersécurité. "Que ce soit un réseau d'électricité, un réseau d'eau ou un hôpital... tout est aujourd'hui informatisé [et donc vulnérable]. Donc le coût peut être extrêmement important", ajoute-t-elle, au micro de TF1.
Une large campagne de désinformation
Pour ne rien arranger, Moscou couple à cette cyberguerre une large campagne de désinformation. "Bien avant les pays occidentaux, la Russie a placé au même niveau d'importance l'emploi de l'outil cyber, l'exploitation de l'environnement informationnel et la guerre électronique (le brouillage des radars, des satellites, des réseaux, y compris électriques, etc.). Cela suppose l'apparition de champs de bataille variés (les réseaux sociaux…) et une capacité à agir sur l'ensemble du spectre de cette conflictualité", explique Julien Nocetti, spécialiste des grands enjeux numériques et cyberinternationaux, dans les colonnes des Échos. La désinformation peut se révéler être une arme extrêmement puissante, à même de démoraliser une armée ou d'instiller le doute dans l'esprit de la population. Moscou a, en plus, cette particularité de l'utiliser aussi bien dans le pays agressé que sur sa propre population.
Toutefois, les cyberattaques restent relativement risquées, y compris pour leu instigateur, en cela qu'elles doivent répondre à une triple condition pour être efficaces (et non-contreproductives). Il faut ainsi que leur impact soit significatif, que l'action profite à la force attaquante et qu'elles restent maîtrisées. La problématique du contrôle est souvent la plus périlleuse dans le vaste espace du web.
Le collectif Anonymous s'engage aux côtés de l'Ukraine
En outre, la résistance s'organise. Les 200.000 individus de l'armée informatique d'Ukraine s'emploient à porter le combat chez leur adversaire, en piratant des sites russes. Leur grand fait d'armes ? Avoir rendu inaccessible, pendant plusieurs heures, le site du Kremlin. Un autre groupe dit s'être attaqué aux chaînes de télévision russes. Preuve à l'appui, avec une vidéo où on voit des images de la guerre diffusées à la place des programmes traditionnels. Le collectif "Anonymous" s'est, lui aussi rangé aux côtés de Kiev.
Dès jeudi, jour de l'invasion russe, les hackers ont annoncé leur entrée "en cyberguerre" contre le gouvernement russe. Rapidement, ils ont revendiqué le piratage de RT, une chaîne financée par l’État russe disponible en plusieurs langues et désormais interdite sur le territoire de l'Union Européenne. Plusieurs sites de médias russes, dont ceux d’agences d’État, ont également été perturbés lors d'une attaque que le groupe a revendiqué lundi. Le message suivant y a, entre autres, été diffusé : "D'ici à quelques années, nous vivrons comme en Corée du Nord. Pourquoi avons-nous besoin de cela ? Pour que Poutine finisse dans les livres d’Histoire ? Ce n’est pas notre guerre, arrêtons-la".
Cette guerre de l'internet pourrait encore s’intensifier dans les prochains jours, alors que les Américains envisagent, à leur tour, d’intégrer cette cyberguerre pour aider l’Ukraine à se défendre.
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