Guerre en Ukraine : Marioupol, une cible stratégique et symbolique pour Poutine

Publié le 12 avril 2022 à 18h33

Source : JT 20h Semaine

La ville de Marioupol est assiégée et bombardée depuis les premiers jours de l'offensive russe.
Des soldats ukrainiens résistent encore dans cette cité portuaire, détruite à 90%.
Enjeu stratégique pour le contrôle russe de la Mer Noire et l'indépendance du Donbass, Marioupol est aussi une cible symbolique pour le Kremlin.

Depuis plus de 40 jours, Marioupol résiste. Deux jours après le déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine, le 24 février dernier, cette ville portuaire sur la mer d'Azov subissait ses premiers bombardements. La fulgurance de l'offensive a piégé ses habitants dans la ville, où ils ont rapidement été privés d'eau, d'électricité et de chauffage, et bientôt de nourriture. Les évacuations sont demeurées rares et périlleuses, malgré des demandes incessantes de Kiev et de la communauté internationale, pour la création de couloirs humanitaires.

L'acharnement de l'armée russe à Marioupol est sans comparaison avec les autres fronts ouverts en Ukraine. La ville semble bien au cœur de la stratégie de conquête de Vladimir Poutine, souvent indéchiffrable par ailleurs. Situé au nord-est de la mer d'Azov, le port de Marioupol est un point d'accès maritime idéal pour le Donbass sous contrôle séparatiste. Kiev contrôle toujours une partie du territoire de cette de vaste région minière, sur laquelle la tenaille du déploiement militaire russe est sur le point de se refermer.

Jonction avec le Donbass séparatiste

Le contrôle de Marioupol permettrait aussi au camp du Kremlin d'établir une continuité de circulation avec le territoire russe : la frontière n'est qu'à une soixantaine de kilomètres à l'est de Marioupol, et la grande ville russe de Rostov-sur-le-Don est à moins de 200 km. Vers le sud, l'accès maritime faciliterait l'acheminement des troupes russes venues de Crimée, sur l'autre rive de la mer d'Azov. Le contrôle russe sur cette vaste mer intérieure serait alors quasi total, l'annexion de la Crimée ayant offert à Moscou le détroit de Kertch, qui ouvre (ou ferme) l'accès à la mer Noire.

Un péril majeur pour l'économie ukrainienne

Gain majeur pour Moscou, la prise de Marioupol par l'armée russe serait aussi une perte économique colossale pour l'Ukraine. La ville abrite le quatrième port commercial du pays, qui facilite notamment l'acheminement des produits agricoles vers la mer Noire et l'Europe de l'Est. Marioupol en est aussi un des centres de la production industrielle du pays, avec entre autres la mythique usine géante d'Azovstal, symbole de la puissance sidérurgique depuis les années 1930, détruite le 20 mars dernier.  

Une victoire symbolique sur le régiment Azov ?

C'est sur le site d'Azovstal que se sont retranchés un grand nombre de combattants ukrainiens, notamment ceux du régiment Azov. Ce corps d'armée est au cœur des justifications de Vladimir Poutine : les "nazis", dont selon lui il faudrait débarrasser l'Ukraine, c'est en fait une fraction du régiment d'Azov, d'anciens paramilitaires intégrés en 2014 à l'armée régulière, où ils se sont largement dilués depuis. C'est un des symboles en jeu dans l'acharnement pour faire tomber Marioupol, au-delà de la seule question stratégique. 

Une ville qui s'est refusée à Moscou en 2014

La cruauté envers les habitants de la ville pourrait avoir une autre origine : une minorité pro-russe avait tenté en 2014 de faire sécession à Marioupol, comme ce fut le cas à Donetsk et à Lougansk, plus au nord dans le Donbass. L'expérience avait tourné court, avec la participation armée du régiment d'Azov, et faute d'un soutien populaire local. C'est cette rebuffade que Vladimir Poutine ferait désormais payer aux habitants de la ville, huit ans après.

Les dernières communications des militaires ukrainiens présents à Marioupol semblent annoncer une issue prochaine. La ville est rasée à 90%, le port serait déjà aux mains des séparatistes, et des milliers d'habitants sont morts. Les combattants sont à bout de forces, de munitions, et comme le reste des habitants, de nourriture. La chute de la ville permettrait à l'armée russe et aux séparatistes une jonction avec ses forces à l'est et au sud, et ouvrirait probablement le dernier acte de l'encerclement total du Donbass.


Frédéric SENNEVILLE

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