Nord Stream a redémarré ce jeudi, après des opérations de maintenance.Le gazoduc est au cœur des enjeux pour les livraisons de gaz entre l'Europe et la Russie.L'Allemagne, notamment, redoute que Moscou ne coupe le robinet, engendrant des pénuries.
Il est emblématique de la dépendance de l'Europe au gaz russe. Le gazoduc Nord Stream a repris ses livraisons, ce jeudi matin, après dix jours d'opérations de maintenance. L'incertitude demeure toutefois sur les quantités qui vont être acheminées via cette conduite, indispensable pour éviter une crise énergétique cet hiver sur le Vieux continent. Le pipeline relie en effet directement les champs gaziers sibériens au nord de l'Allemagne, d'où le gaz est ensuite exporté à d'autres pays européens.
Mais dans le contexte de la guerre en Ukraine et du bras de fer entre Moscou et les Occidentaux sur l'énergie, l'Europe s'était préparée à ce que l'énergéticien Gazprom, propriétaire du gazoduc, coupe le robinet pour de bon. Et si les livraisons ont repris, le gazoduc ne fonctionne plus, depuis début juin, qu'à 40% de ses capacités, un taux qui pourrait descendre à 30% avec ce redémarrage.
Qu'est-ce que Nord Stream ?
Le gazoduc relie la Russie au nord de l'Allemagne, via deux conduites passant sous la mer Baltique de 1224 kilomètres et d'une capacité totale de 55,5 milliards de m3 par an. Une fois le gaz réceptionné, Berlin réexporte 40% de la quantité reçue vers ses voisins européens, notamment la République tchèque et l'Autriche.
En 2021, environ 40% des exportations de gaz russe vers l'UE passaient par Nord Stream. Le gazoduc achemine environ un tiers des 153 milliards de m3 de gaz achetés annuellement par l'UE. Opérationnel depuis 2011, il appartient au russe Gazprom, qui en détient 51% des parts. Des énergéticiens européens - Eon, Wintershall, Gasunie et le français Engie - se partagent le reste du capital.
Pourquoi il est capital pour l'Allemagne ?
Les questions autour de Nord Stream sont particulièrement délicates pour l'Allemagne, premier client de Gazprom. Le pays pourrait subir des pénuries dès le mois de février si le débit du gazoduc n'augmente pas rapidement, et dès mi-décembre si la Russie venait à couper totalement le robinet. Un arrêt des livraisons de gaz russe réduirait la valeur du PIB allemand de près de 5 points de pourcentage entre 2022 et 2024, a calculé le Fonds monétaire international (FMI).
En effet, début juin, Berlin achetait toujours 35% de son gaz en Russie, un chiffre qui s'élevait à 55% avant la guerre. Si Nord Stream s'arrête, le secteur manufacturier craint un "infarctus économique". Les ménages seront aussi touchés : le gaz alimente 55% du système de chauffage en Allemagne. Par ailleurs, le premier stockeur de gaz en Allemagne, et à ce titre plus gros client de Gazprom, le groupe énergétique Uniper, risque la faillite s'il ne reçoit pas à très court terme une aide de l'État.
Pour remplacer le gaz russe, l'Allemagne investit des milliards dans la mise en place de terminaux permettant d'importer du gaz liquide par la mer, dont les premiers devraient être disponibles entre fin 2022 et début 2023. Berlin a aussi décidé de relancer la production dans certaines centrales à charbon. La prolongation du nucléaire fait même débat, Berlin ayant prévu en principe de renoncer à cette source d'énergie.
Quelles répercussions en Europe ?
Mais le gazoduc est également essentiel pour l'ensemble de l'Union européenne. C'est pourquoi la Commission européenne a annoncé mercredi vouloir réduire de 15% la demande de gaz de l'UE dès "août", n'excluant pas des réductions "obligatoires" pour les 27 en cas d'urgence. "Une crise du gaz dans la principale puissance économique de l'Union européenne provoquera de la nervosité sur tout le continent", estime Constanze Stelzenmueller, une experte pour le centre de réflexion Brookings Institution.
Or, Vladimir Poutine a laissé entendre cette semaine que le gazoduc pourrait ne fonctionner qu'à 20% de sa capacité dès la semaine prochaine, avançant toujours de problèmes de "turbines", une excuse jugée "politique" par le gouvernement allemand. Face aux baisses de livraison, les coûts de l'énergie ont explosé, menaçant de récession les économies européennes, qui peinent déjà à se remettre de la pandémie de Covid-19.
Un arrêt de Nord Stream serait d'autant plus problématique que les autres gazoducs reliant la Russie à l'Allemagne ne fonctionnent pas ou peu. Le Yamal, passant par la Pologne, a été arrêté en mai par Moscou en représailles à des sanctions européennes. Et le trafic gazier via l'Ukraine vers l'Europe centrale et l'Allemagne est réduit massivement depuis plusieurs semaines.
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