La Russie et l'Ukraine s'accusent l'une l'autre d'avoir endommagé un pipeline d'ammoniac dans la région de Kharkiv.Reliant la ville russe de Togliatti au port ukrainien d'Odessa, il a été mis hors service dès le début du conflit, mais il contient toujours du gaz.Si Moscou a déploré des blessés civils, les Ukrainiens ont assuré qu'aucune émission de gaz n'avait été repérée.
Au lendemain de la démolition du barrage hydroélectrique de Kakhovka, dans le sud de l'Ukraine, c'est cette fois un pipeline d'ammoniac qui se retrouve au cœur des affrontements. Moscou et Kiev s'accusent mutuellement d'avoir fait exploser le pipeline Togliatti-Odessa, le plus long du monde, dans la région de Kharkiv. La Russie a dénoncé un "acte terroriste" qui a fait plusieurs blessés parmi des civils, tandis que l'Ukraine a affirmé que les forces russes avaient ciblé le site à plusieurs reprises.
Le pipeline, qui relie la ville russe de Togliatti, sur les rives de la Volga, à Odessa, le port ukrainien le plus important de la mer Noire, permettait à la Russie de transporter plus de 2,5 millions de tonnes d'ammoniac, un composant chimique clé des engrais minéraux, notamment à destination de l'Union européenne. Ce transit a été suspendu depuis le début de l'offensive russe, en février 2022, mais le pipeline contient toujours d'importantes quantités d'ammoniac, selon Le Daily Mail.
Une explosion dans une "section contrôlée par l'armée ukrainienne"
"Un groupe de sabotage ukrainien a fait exploser le pipeline d'ammoniac Togliatti-Odessa", d'environ 2400 km de long, a affirmé le ministère russe de la Défense dans un communiqué. Cet "acte terroriste" a eu lieu lundi 5 juin au soir près de Massioutovka, un petit village dans la région de Kharkiv, dans le nord-est de l'Ukraine, dont la quasi-totalité avait été reprise par l'armée ukrainienne aux forces russes en automne 2022, selon la même source.
"Plusieurs civils ont été blessés. On leur a apporté toute l'assistance médicale nécessaire", précise le communiqué. L'ammoniac peut en effet s'avérer toxique en cas d'inhalation, puisqu'il est corrosif pour les voies respiratoires. Il peut aussi provoquer de graves brûlures sur la peau et est dangereux pour les yeux.
💬 #Zakharova : On June 5, there was an explosion at the Togliatti-Odessa ammonia pipeline section controlled by the Ukrainian army. The Kiev regime has made it impossible to supply ammonia to the global market and also undermined efforts to fight hunger & help countries in need pic.twitter.com/h7iFxoItCr — MFA Russia 🇷🇺 (@mfa_russia) June 7, 2023
L'explosion a eu lieu sur une "section contrôlée par l'armée ukrainienne", a insisté la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, dans un message publié sur compte Twitter, en légende d'une vidéo montrant un épais nuage blanc s'échappant dans une forêt. La séquence avait été publiée la veille par Daniil Bezsonov, un responsable séparatiste de la région de Donetsk, sur Telegram. Si l'ammoniac est incolore, les explosions peuvent créer un nuage de fumée en soulevant de la poussière et des débris, souligne Le Daily Mail.
"Actuellement, les résidus d'ammoniac sont évacués du territoire ukrainien par les sections endommagées du pipeline", a aussi déclaré le ministère russe de la Défense, cité par le média d'État russe Sputnik, précisant qu'il "n'y a pas de victimes parmi les soldats russes".
Une attaque d'une "catégorie différente" de celle de Kakhovka, selon Volodymyr Zelensky
De leur côté, les autorités ukrainiennes ont également accusé ces derniers jours les Russes d'avoir visé à plusieurs reprises ce pipeline d'ammoniac, dans la même région. La dernière fois en date était mardi "vers 17h45 (...) dans le secteur de Koupiasnk", a accusé le gouverneur de la région de Kharkiv, Oleh Synyehubov, sur sa chaîne Telegram. Selon lui, six explosions près de la station de pompage de Massioutovka ont été enregistrées. Le responsable ukrainien a toutefois assuré qu'à ce stade, aucune émission d'ammoniac dans l'air n'a été repérée sur cette zone, et que "la situation est sous contrôle".
Quant au président Volodymyr Zelensky, il a déclaré lors d'une conférence de presse mardi que les forces russes avaient endommagé un pipeline d'ammoniac dans une "zone grise" au cours des hostilités, rapporte le média ukrainien Ukrayinska Pravda. Il a en revanche marqué la distinction avec l'explosion du barrage Kakhovka survenue mardi, déclenchant des inondations dans la région de Kherson, dans le sud de l'Ukraine, dont Kiev a imputé la responsabilité à Moscou.
Au niveau du pipeline, "une arme ou une autre a pu être utilisée, très probablement de l'artillerie", a-t-il posé, estimant que "c'est la Russie qu'il faut blâmer, mais ce sont les conséquences de la guerre". Au barrage de Kakhovka en revanche, "il s'agit de terrorisme" : les Russes "l'ont miné à l'avance et l'ont fait de leurs propres mains", a-t-il accusé, ce qui relève selon lui d'"une catégorie complètement différente". Le dirigeant ukrainien a par ailleurs indiqué que les autorités ukrainiennes préparaient l'évacuation des habitants de trois villages libérés de l'oblast de Kharkiv qui n'avaient pas voulu partir avant l'explosion du pipeline, assurant ainsi que les Ukrainiens seraient en sécurité.
Un pipeline crucial dans les négociations sur l'accord céréalier
La reprise du fonctionnement de ce pipeline, demandée par Moscou, fait partie des négociations sur l'accord céréalier qui a permis l'exportation de millions de tonnes de céréales ukrainiennes via la mer Noire. La semaine passée, l'ONU s'est dite "inquiète" du "ralentissement" de la mise en œuvre de l'accord crucial pour l'approvisionnement alimentaire mondial, signé en juillet 2022. Le texte, renouvelé en mai seulement pour deux mois, doit prendre fin au 17 juillet.
"Ce pipeline d'ammoniac était crucial pour assurer la sécurité alimentaire dans le monde", a déclaré mercredi la porte-parole de la diplomatie russe, lors d'un briefing. Elle a accusé l'Ukraine d'avoir "porté un coup dur aux efforts de l'ONU dans la lutte contre la faim" : "le seul qui n'avait pas d'intérêt à ce que le pipeline d'ammoniac reprenne son travail, c'est le régime de Kiev", a-t-elle affirmé. De son côté, Volodymyr Zelensky a affirmé mardi que l'Ukraine était prête à rétablir le fonctionnement du pipeline d'ammoniac si nécessaire, selon Ukrayinska Pravda.
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